Alors qu'aucun débris de l'Airbus d'Air France n'a encore été découvert, les enquêteurs sont obligés de travailler avec les quelques éléments dont ils disposent. Hélas, vu les conditions atmosphériques dans la zone supposée de l'impact, il est à craindre qu'aucun élément nouveau ne vienne étoffer leur dossier avant longtemps.

Ainsi, d'après le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) seuls deux éléments sont formellement établis à ce stade :

Premièrement, la présence dans la zone que devait traverser le vol AF 447 de mouvements atmosphériques violents dits de convections qui sont caractéristiques de ces régions équatoriales.

Et deuxièmement, les messages d'alerte envoyés automatiquement par l'avion, c'est à dire une première alerte signalant une défaillance du système électrique suivi d'une série d'autres annonces révélant des mesures de vitesses présentant des différences totalement incohérentes… ce qui laisserait à penser qu'une ou plusieurs des sondes de l'avion étaient endommagées, fournissant à l'ordinateur de bord ainsi qu'aux pilotes des données complètement erronées concernant la vitesse de l'avion.

Il faut savoir que sur les avions, la mesure de la vitesse est effectuée grâce au tube de Pitot, du nom de son inventeur Henri Pitot qui les avait mis au point en 1732 pour les bateaux. Ces tubes sont toujours utilisés de nos jours et placés le long des carlingues, à l'avant des appareils. L'air, en s'y engouffrant, crée une pression qui mise en comparaison avec une pression statique permet de déterminer grâce à la relation de Bernoulli la vitesse de l'avion.

Le problème de ces tubes est leur grande fragilité, car leur orifice ne mesure que quelques millimètres carrés et, s'ils viennent à se boucher à cause de poussière, d'eau ou de givre, ils deviennent inopérants.

Or, les sondes des airbus sont malheureusement réputées pour leur fragilité au givre, ce qui aurait poussé les constructeurs à les équiper d'un dispositif de dégivrage et à doter leurs avions de trois tubes de Pitot indépendants. Cependant, plusieurs compagnies aériennes avaient déjà pris l'initiative de remplacer les Pitot fragiles de leurs Airbus par des modèles plus sûrs.

En cas de défaillances de ces sondes, on imagine aisément les risques encourus par un avion volant de nuit au-dessus de contrées inhabitées et n'ayant donc aucun repère visuel pour estimer sa vitesse réelle. Des accidents ont d'ailleurs déjà eu lieu, je vous invite à découvrir ici les tragiques événements qui ont vu disparaître deux Boeing 757 : « Des instruments et des hommes – 757 de Birgenair et 757 d'Aeroperu. »

Sans vouloir faire de similitude, il est probable que le vol AF 447 d'Air France ait été victime de semblables problèmes ayant hélas entraîné des conséquences similaires.

Mais attention, il est encore beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions définitives, et le BEA n'a pas encore totalement écarté la piste de l'attentat terroriste, même si celui-ci aurait déjà dû être revendiqué.

Cependant, si aucune pièce nouvelle ne venait à être versée au dossier, il est probable que le Bureau d'enquêtes et d'analyses conclura à la perte de l'Airbus à la suite d'une panne du circuit électrique ayant entraîné le givrage des tubes de Pitot.

C'est en tout cas ce que laisserait supposé la recommandation adressée par Airbus à ses clients en leur rappelant que les équipages devaient suivre les procédures d'usage s'ils soupçonnaient une défaillance des indicateurs de vol.

De même, Air France a annoncé vendredi qu'elle remplacerait les détecteurs de vitesse sur l'ensemble des flottes Airbus moyens et longs courriers en même temps que la Direction de la compagnie rappelait aux pilotes qu'en cas de doute sur les indications de vitesse transmises par leurs instruments, ils devaient maintenir leur appareil au-dessus de l'altitude de sécurité et conserver l'assiette et la poussée instantanée.

Pour l'instant, et faute de preuves supplémentaires, tout semble donc incriminer les tubes de Pitot montés sur les Airbus, même s'ils ne peuvent expliquer à eux seuls la disparition du vol AF 447. Mais ils sont sans doute un des incidents qui en s'enchaînant avec d'autres expliquent l'étendue du drame.