Il ne faut pas accuser la presse de tous les maux. Dans la véritable chasse à courre qu'elle mène à l'encontre de Benoit XVI, elle n'est pas seule responsable. Le Pape y a grandement sa part. Il n'a pas la larme à l'oeil pour un oui ou un non, ce qui passerait bien devant l'objectif, il ne bat pas sa coulpe pour tout et rien, de surcroît il est allemand, ce qui ne joue pas en sa faveur auprès de notre grande presse.

Pire que tout, le Pape est catholique et ne transige pas, mais pire encore, ses discours sont construits et demandent parfois plusieurs lectures pour être correctement compris. Non, décidément, ce Pape est trop fin et trop profond pour une presse mercantile, qui ne vit plus que par les scandales des uns et des autres. Une "bonne" information doit être marquante, rapide et simpl(ist)e pour être comprise au plus vite du plus grand nombre. Il n'alimente pas son fond de commerce, il n'est pas coopératif, sa voix est douce et il ne fait jamais de grands gestes…

Le voyage en Israël de Benoit XVI est un parfait exemple de ce traitement de l'information. Pour celui qui n'aurait pas été informé de cela, le Pape est allemand, il avait été enrôlé (de force, c'est une évidence) dans les jeunesse hitlérienne, il a fait un discours à Ratisbonne qui a fâché (à tort, on le verra) l'ensemble des musulmans, il a levé l'excommunication (parmi d'autres traditionalistes, à leur demande, mais pas particulièrement à celle de Williamsson qui fut sommé de se dédire…) d'un évêque négationiste et tout cela ne pouvait manquer de peser dans la balance médiatique, durant ce pèlerinage papale.

Ce faisant, le traitement de cette information aurait pu faire passer le lecteur à côté d'un grand voyage, parsemé de paroles de paix et de rapprochement  entre diverses religions.

 

 

Tout cela est à la fois drôle (et pour nous, tragique en même temps) du fait que cette façon de la traiter était à la fois partiale et incomplète, sans être totalement injuste, même si elle met totalement de côté certains sens du voyage du Pape, et notamment tout l'aspect de soutien moral à une communauté chrétienne en très grande difficulté dans cette partie du monde, eux qui y sont présents depuis si longtemps.

C'est d'ailleurs ce que le Pape a fait, en soutenant les chrétiens de terre sainte, en les appelant à persévérer et en les encourageant, tout en visitant divers lieux, tous plus marquant les uns que les autres. La situation était délicate, car c'est un environnement hostile qui les pousse à émigrer, ce sont les tensions entre les religions qui leur font une existence si difficile, dans certains pays. Le dialogue interreligieux s'y imposait d'autant plus qu'il est évident que cela est nécessaire.

Mais néanmoins la presse n'a pas tout à fait tort, car il fut question du discours de Ratisbonne en Jordanie à travers le prince Ghazi, dans un discours inédit et respectueux, très bien senti : "Je reçois en vous le pape Benoît XVI, vous dont le pontificat est caractérisé par le courage moral d'agir et de parler selon votre conscience, indépendamment des modes du moment, vous qui êtes aussi un maître théologien chrétien, auteur d'encycliques historiques sur les belles vertus cardinales de l'amour et de l'espérance, vous qui avez réintroduit la Messe traditionnelle en latin pour ceux qui le souhaitent et avez en même temps fait du dialogue interreligieux et intrareligieux la priorité de votre pontificat, pour répandre la bonne volonté et la compréhension entre toutes les populations de la terre."

En effet, le discours de Ratisbonne avait été le déclencheur d'un véritable dialogue entre des intellectuels musulmans et le Vatican, un dialogue fertile qui a posé Benoit XVI et certains intellectuels musulmans comme de vrais interlocuteurs. En Jordanie, Benoit XVI a reparlé des thèmes de Ratisbonne, tandis que le prince Ghazi défendait les valeurs de l'islam. Au cours de son discours, le prince qui a aussi évoqué les bienfaits du forum, lequel, "en se basant sur le Saint Coran et sur la Sainte Bible, a reconnu la primauté de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain à la fois dans le christianisme et dans l'islam".

La presse n'a pas eu tout à fait tort de soulever que le pape a "fait partie" des jeunesses hitlérienne et qu'il a connu le nazisme dans son pays natal, ce qui transparait dans ses discours, lorsqu'il dénonce ce type d'idéologie "sans Dieu". A Yad vaShem, c'était un pape qui s'exprimait, mais un pape qui avait lui aussi souffert de la terrible idéologie nationale-socialiste, dans son passé et dans sa culture. Dans son discours, il a su donner une dimension universelle et un sens à la tragédie vécue par les déportés juifs, à la véritable déshumanisation qu'ils ont vécue. Ce n'est pas pour rien qu'il a évoqué leurs "noms".

Mais le pape est allemand, et l'on aurait voulu qu'il batte sa coulpe jusqu'au sang, dans un pays qui doit en partie son existence à la tragédie qui s'est déroulée durant la dernière guerre mondiale. Le Rabbin Israel Meir Lau s'est dit déçu, tout en reconnaissant la beauté du discours. Il aurait souhaité plus d'émotion. Mais il faudra que tout le monde s'y fasse : Benoit XVI est le pape de la raison. Il a toutefois appelé au souvenir des victimes du nazisme. Les déportés juifs ne sont plus, mais leur sacrifice ne doit pas rester vain…

Face au Palestinien, seul le pape pouvait à la fois soutenir la création d'un Etat palestinien dans des frontières reconnues, condamner le mur érigé par le gouvernement israélien et appeler en même temps les palestiniens à renoncer au terrorisme, ainsi qu'à instruire de nouvelles générations pour un gouvernement futur, en paix avec ses voisins. Il n'avait pas négligé auparavant de rencontrer les parents du soldat Gilad Shalit, cet israelien détenu depuis 2006 par le Hamas…

Passons sur la diatribe anti-israelienne prononcé par un immam durant une conférence, d'autres images sont plus parlantes et témoignent d'une entente particulère entre divers intervenants politiques et religieux, notamment cette intervention, où l'on voit le pape, main dans la main avec un rabin et un imam.

Le voyage du pape est-il une réussite? Les résultats sont mitigés. Pour les chrétiens, c'est une certitude, mais parmi les autres communautés, les extrémistes n'ont pas toujours bien accueilli les discours du pape, orientés sur une entente entre les communautés. Peu importe d'ailleurs, car des bases nouvelles ont été posées, celles d'un respect réciproque entre diverses communautés.

On a pu dire que le pape manque de charisme. Et pourtant, avec sa démarche pleine d'humilité, avec sa voix douce et posée, son visage sérieux, mais qui sait s'illuminer, lorsqu'il rencontre des enfants dans quelque partie du monde que cela soit, le pape impose toujours sa marque, sans consessions, sans faux-semblant, et avec sa propre personnalité. L'on retiendra peut-être son discours de départ et de remerciement pour l'accueil qui lui a été fait.

Toujours est-il que ce voyage, miné au départ par une situation politique très tendu, est une véritable réussite…

Le site "Eucharistie miséricordieuse" est incontournable pour le voyage Apostolique du Pape, il réunit, notamment, tous ses discours.

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