Après le délit de solidarité qui serait un "mythe", les passeurs de Calais…

 

On croyait impossible de dépasser en ignominie l’action de Brice Hortefeux à la tête du ministère de la Persécution des étrangers. Sans doute dopé par le zèle des convertis, Éric Besson relève le défi ! En plus des objectifs chiffrés d’expulsés, fixés cette année par la loi de finance à 28 000 têtes de bétail, un raffinement a été ajouté : le gouvernement vise aussi le quota de 5500 arrestations d’ "aidants". Qu’est-ce donc ?

 

L’article L622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule : "Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 Euros". Voilà qui a conduit une flopée d’associations à organiser un grand mouvement de protestation le 8 avril dernier sous le titre de Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit !

 

Éric Besson avait tenté de minorer la mobilisation en adressant une lettre publique la veille de la manifestation dans laquelle il affirmait : "Toute personne, particulier, bénévole, association, qui s’est limitée à accueillir, accompagner, héberger des clandestins en situation de détresse, n’est donc pas concernée par ce délit. Et j’observe qu’en 65 années d’application de cette loi, personne en France n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière." Selon lui, seules risqueraient d’être poursuivies les "personnes participant activement aux filières d’immigration clandestine". Des propos qu’il confirmait au micro de France Inter le matin même du jour de la manifestation : "Le délit de solidarité n’existe pas, c’est un mythe". gisti

 

Manque de chance pour le ministre, le Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti) est en train de dresser la liste de toutes les condamnations ayant frappé, contrairement aux propos mensongers de Besson, des personnes ayant simplement hébergé ou transporté des sans-papiers : deux l’année dernière, trois en 2007… 32 en tout pour l’instant, chiffre non définitif puisque cette recension est en cours. Le Gisti précise : "Ne sont donc pas recensées ici les poursuites ayant abouti à un non lieu ou à une relaxe. Elles ont pourtant donné lieu, à chaque fois, à leur lot d’intimidations, de convocations au commissariat ou à la gendarmerie, de gardes à vue, de mises en examen, de perquisitions à domicile pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

 

Ne sont pas mentionnées non plus les rappels à la loi, ni les poursuites en cours. Ce recensement des condamnations d’« aidants » est donc loin de refléter l’ampleur du harcèlement dont font l’objet ceux qui apportent un soutien aux sans-papiers. Car, condamnation ou pas, la criminalisation de l’aide au séjour a bien vocation dissuasive".

 

La liste du Gisti commençant à circuler et faire quelque bruit, voilà que le journaliste Jean-Jacques Bourdin interrogeait hier Besson sur le sujet pour RMC et BFM : "Dans leur propre liste, il n’y a aucun bénévole humanitaire. Deuxièmement – je le dis avec pondération -, la crédibilité du Gisti en la matière, elle est quasiment nulle", a cru bon de répondre le ministre. Rappelons-lui sa lettre : "Toute personne, particulier, bénévole, association (…) n’est donc pas concernée par ce délit. Et j’observe qu’en 65 années d’application de cette loi, personne en France n’a jamais été condamné …". Qu’il y ait ou pas des bénévoles n’a rien à voir dans l’histoire, si personne n’a jamais été condamné ! Or le Gisti, qu’il est commode de tenter de décrédibiliser sans preuve, avance déjà 32 condamnations (avec des références judiciaires précises) ! On peut regretter que Bourdin n’ait pas réagi à la pitoyable esquive.

 

Dans la même émission, il fut aussi question de l’opération de nettoyage qui s’était déroulée entre lundi soir et mardi matin, aboutissant à l’interpellation de 200 migrants, juste avant la visite que devait rendre Besson à Calais. La gauche avait qualifié l’opération de mise en scène médiatique, au même moment que Sarkozy relançait le thème de l’insécurité. Mais le ministre l’a justifiée devant Bourdin en arguant qu’elle "visait à rechercher des passeurs et je crois savoir qu’une dizaine d’entre eux sont en garde à vue". Neuf personnes, pour être exact. Sauf que toutes ont été relâchées depuis sans qu’aucune charge ne soit retenue contre elles. Bilan de l’opération, sur 200 interpellations : 3 migrants internés en Centre de rétention administrative, 8 mineurs traîtreplacés dans des foyers, 189 personnes remises en liberté.

 

Et aucun passeur ! La preuve est donc faite que l’opération était effectivement juste destinée à montrer à quel point la Sarkozie agit contre l’immigration irrégulière. En mobilisant près de cinq cents policiers et gendarmes pour un grand spectacle dans la tradition des police-sarkoshows. Qu’importe : ça n’empêchera pas cet insupportable Besson de continuer de répandre son hypocrisie et ses contre-vérités. A ce sujet, peut-être vous demandez-vous comment sait-on à quel moment il ne profère pas de mensonge ? Nous avons un truc infaillible à vous livrer : on peut être sûr que Besson ne ment pas lorsqu’il garde la bouche fermée.