A la Une du Monde du 21 avril, ce titre : Nicolas Sarkozy relance le débat sur l’identité nationale. Il a en effet adressé une lettre de mission au "ministre de la rafle et du drapeau", suivant la formulation de RESF, dans laquelle il écrit : "Nous devons être fiers d’avoir restauré en France un discours assumé sur l’identité nationale et républicaine" (notez l’ajout de "républicaine" qui n’est là que pour adoucir l’expression "identité nationale", qu’il n’a pourtant pas hésité à accoler à l’intitulé du ministère de l’Immigration).

 

En conséquence de quoi il invite sa nouvelle âme damnée à "poursuivre ce travail, ouvert et sans tabou, de réaffirmation de ce que signifie d’"être français". Pour suivre l’injonction présidentielle, Eric Besson "a laissé entrevoir mardi des mesures en ce sens qui seront prises sans doute en juillet prochain, lors d’un comité interministériel à l’intégration", explique une dépêche de l’agence Reuters publiée par L’Express sous ce titre : Les symboles "identitaires" vont être ravivés en France. Citant l’enseignement de La Marseillaise et l’ "incitation au respect du drapeau", pour les étrangers nouvellement arrivés comme dans les écoles de nos enfants. "Le gouvernement entend adopter bientôt un programme d’action pour promouvoir le "patriotisme", résume la dépêche. Eternelle vieille lune de toutes les droites réactionnaires du monde ! Alors que les nouveaux chômeurs se comptent par centaines de milliers et bientôt par millions, qu’on nous annonce une crise de longue durée et que les inégalités sociales – que la politique de Sarkozy n’a de cesse de promouvoir (bouclier fiscal, exonération des droits de succession) – n’ont jamais été aussi insupportables, le président tente de faire diversion en agitant le thème de l’identité nationale.

 

"L’initiative coïncide avec la relance par le chef de l’Etat d’un autre thème clé de son discours, la sécurité, lors d’un déplacement à Nice mardi", observe Reuters. Vous avez dit coïncidence ? "J’ai décidé d’engager une lutte sans merci contre les voyous et les délinquants", a-t-il osé le 20 avril dernier, en meeting UMP (mal) camouflé en déplacement présidentiel. Parmi les innombrables lois que carte policeSarkozy a fait voter concernant la sécurité – "du 1er janvier 2002 au 18 juillet 2008, le droit pénal français (je ne compte pas la procédure pénale) a été modifié par 116 lois", énumère Maître Eolas -, celle du 18 mars 2003 criminalise le racolage passif. C’est pourtant de façon très active qu’à chaque approche d’une échéance électorale, Sarkozy se lance lui même dans un racolage outrancier ! Les futures européennes ne font pas exception. "J’ai décidé d’engager une lutte sans merci" : la formule est grostesque.

 

Comme si ça ne faisait pas sept ans qu’il serine le même refrain ! Sept ans qu’il multiplie les rodomontades en même temps que les lois inutiles et inefficaces. Tout en privant la police française de moyens, concernée qu’elle est par la réduction des effectifs valable pour toute la fonction publique.

 

En outre, la politique du chiffre qu’il impose conduit les forces de l’ordre à privilégier la chasse aux petites infractions, vite résolues, au détriment des enquêtes longues et difficiles. Plutôt adresser des PV aux automobilistes que s’attaquer à la vraie criminalité : voilà comment il peut jouer les fiers-à-bras en se vantant de l’augmentation du taux d’élucidation des affaires.

La ficelle est bien grosse : en difficulté avec sa popularité en peau de chagrin, l’éternel candidat use des bonnes vieilles recettes, insécurité et identité nationale. Suivant le procédé qui lui a si bien réussi pour la présidentielle, Sarkozy se lance donc à nouveau dans la chasse au lepéniste : "Si on n’avait pas l’identité nationale, on serait derrière Ségolène. On est sur le premier tour, mes amis. Si je suis à 30%, c’est qu’on a les électeurs de Le Pen. Si les électeurs de Le Pen me quittent, on plonge", avouait-il alors (voir notre article Le péché originel de Sarkozy).

 

Pour gonfler le score de l’UMP qui s’annonce anémique aux européennes, il compte sur les voix de tout ce que compte le pays de beaufs franchouillards et racistes. Ce qui fait quand même, heureusement, une minorité. Mais les autres ? S’apercevront-ils que le président ne propose strictement rien de neuf, rien qui soit en mesure d’améliorer la situation du pays ? En misant une fois de plus sur le binôme insécurité-identité nationale, Sarkozy dévoile la réalité de sa vision politique : un néant pathétique. L’opinion se laissera-t-elle une fois de plus manipuler ?