Suite au discours de Ratisbonne, 138 dignitaires musulmans avaient signé une lettre à l'attention du pape, ce qui devait aboutir, plus tard et pour prolonger le dialogue, au premier forum entre catholiques et musulmans, lequel vient tout juste de finir, avec des engagements précis de part et d'autre, déclinés en plusieurs points, principalement autour des droits des individus.

Les protagonistes avaient choisi pour thème de cette rencontre, "Amour de Dieu et amour du prochain, dignité de la personne et respect mutuel ". Le discours qu'a fait le pape, le 7 novembre, devant les dignitaires rappelle combien le Vatican n'a de cesse de réclamer une certaine réciprocité et le respect des minorités religieuses.

"Mon espoir, (…) est que ces droits fondamentaux de l'homme seront protégés partout et pour tout le monde. Les dirigeants politiques et religieux ont le devoir d'assurer l'exercice libre de ces droits dans le plein respect pour chaque individu, de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. La discrimination et la violence qu'aujourd'hui encore les croyants éprouvent dans le monde entier, et les persécutions souvent violentes auxquelles ils sont sujet, représentent des actes inacceptables et injustifiables, plus graves et déplorables quand ils sont effectués au nom de Dieu" a-t-il déclaré, ajoutant "Le nom de Dieu peut seulement être un nom de paix et fraternité, de justice et d'amour."

Le pape avait auparavant rappelé que le respect du prochain existe dans le christianisme et l'islam et avait aussi ajouté "Nous devrions travailler ainsi ensemble en favorisant le respect véritable pour la dignité de la personne humaine et les droits fondamentaux de l'homme, bien que nos visions anthropologiques et nos théologies justifient cela de manières différentes."

Le pape avait-il entendu l'appel des 144 signataires de la lettre intitulée "Appel des chrétiens du monde musulman"? Diffusée par le site Notre-Dame de Kabylie et émanant de chrétiens, notamment de convertis, vivant dans le monde musulman et en Europe, elle rappelle la persécution des musulmans convertis au christianisme, obligés de  se taire lorsqu'ils ne sont pas tout simplement condamnés à mort selon des préceptes en vigueur en islam, dans de trop nombreux pays encore, posant trois préalable à un dialogue franc avec l'islam :

1. la loi islamique ne saurait s'appliquer à des non musulmans. (il est certainement question ici de la charia)

 

2. la dhimmitude, qui fait des chrétiens des exclus et des parias, n'est plus acceptable et doit être abolie, car elle porte atteinte à la dignité humaine, tout comme l'esclavage. (pratiqué encore notamment en Mauritanie, sur les non-musulmans)

 

3. la liberté de changer de religion doit être partout reconnue comme un droit fondamental, un droit qui vient de Dieu lequel ne force personne à L'adorer.


Les signataires de la lettre n'attendent toutefois pas de miracle, lorsqu'ils rappellent, à juste titre : "Notre appel se veut respectueux mais pressant, et nous l'adressons bien sûr à vous, les honorables délégués des Cent trente huit signataires, qui avez eu cette heureuse initiative, bien que nous n'ignorons pas le problème de légitimité qui se pose en Islam, puisqu'il n'y a pas d'autorité religieuse décisionnaire reconnue par tous. "

Toujours est-il que la rencontre a bien donné une déclaration commune, qui va dans le sens des droits humains pour les uns et les autres. La déclaration conjointe peut laisser espérer les chrétiens d'orient, car elle revient sur les droits des personnes : "(…)la personne requiert le respect de sa dignité originelle et de sa vocation humaine. Elle a donc droit à une pleine reconnaissance de son identité et de sa liberté par les individus, les communautés et les gouvernements, appuyée par une législation civile qui garantisse des droits égaux et une entière citoyenneté. (…) L'amour du prochain authentique implique le respect de la personne et de ses choix dans les domaines de la conscience et de la religion. Il inclut le droit des individus et des communautés à pratiquer leur religion en privé et en public.", ce qui n'est pas le cas en de nombreux territoires musulmans actuellement, ainsi que les derniers procès en Algérie en témoignent.

 

Les droits des femmes ne sont pas absents de cette déclaration : "Nous affirmons que la création de l'humanité par Dieu revêt deux grands aspects : la personne humaine, homme et femme, et nous nous engageons ensemble à garantir que la dignité humaine et le respect soient étendus sur une base d'égalité aux hommes et aux femmes." L'on s'amuse malgré tout sur certains blogs, de ce que plus loin les chrétiens s'engagent conjointement à ne pas pratiquer le terrorisme : "Nous professons que catholiques et musulmans sont appelés à être des instruments d'amour et d'harmonie parmi les croyants, et pour l'humanité entière, en renonçant à toute oppression, toute violence agressive, tout terrorisme, spécialement lorsqu'il est commis au nom de la religion, et en mettant en avant le principe de la justice pour tous." Dans l'histoire moderne, on ne trouve en effet pas d'exemple de terrorisme pratiqué par les chrétiens… Peu importe d'ailleurs, si des musulmans s'engagent sur ce principe, c'est un déni assez clair du terrorisme islamique.

Au-delà des droits, le dialogue ne s'est pas étendu à la théologie, ce qui aurait été difficile, l'islam se considérant comme la révélation ultime et tenant les livres saints des juifs comme des chrétiens pour des livres falsifiés. Devant ces difficultés, dans lesquels le dialogue ne saurait être constructif, l'Eglise préfère donc se contenter de thèmes plus "pratiques".

 

En sortant de la conférence, l'un des interlocuteurs catholiques a évoqué les réticences à prendre des accords autour des convertis et de la liberté religieuse ainsi que de la tentative de se servir du forum pour la cause palestinienne, de la part des interlocuteurs musulmans. De l'autre côté, un dignitaire musulman évoque une méconnaissance de l'islam, ce qui n'est guère surprenant, la tradition musulmane tenant les chrétiens, mais aussi les juifs, pour des falsificateurs… Hormis cela, les interlocuteurs semblent unanimement satisfaits du dialogue.

 

Le résultat du forum ne donnera peut-être pas de véritables effets, puisque ces dignitaires musulmans ne sauraient être représentatifs de tous les autres musulmans, mais c'est toujours un pas vers une meilleure compréhension entre les différentes religions. Rendez-vous a été pris dans deux ans, pour discuter à nouveau. Les musulmans espèreraient notamment un nouvel interlocuteur autour de phénomènes tels que les caricatures de Mahomet.

 

Pour plus de détails sur le forum :

 

http://www.la-croix.com/dossiers2/sommaire.jsp?docId=2281356&cat=7773