Goma, la capitale du Nord-Kivu (République démocratique du Congo), est sur le point de tomber aux mains des rebelles, poussant sur les routes les populations fuyant les combats. Cette fois encore les hommes du général rebelle Laurent Nkunda ont mis en fuite l’armée régulière de la RDC, tandis que le rôle de la MONUC (Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo), est sérieusement remis en cause par les Congolais.
Les rebelles du CNPD (Conseil national pour la dépense du peuple) annoncent qu’ils seront à Goma dans quelques jours. Le 4 novembre sans doute, lorsque l’attention internationale sera concentrée sur les résultats des élections américaines. La tactique n’est pas neuve. C’est au lendemain des attaques terroristes contre les ambassades américaines de Nairobi et de Mombasa, en août 1998, que la deuxième guerre de la république démocratique du Congo éclate et passe quasi inaperçue. Même scénario en décembre 2004 lorsque Laurent Nkunda s’empare de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, fragilisant la transition congolaise, alors que la presse internationale s’intéresse à la nouvelle équipe Bush qui doit prendre ses fonctions. Commencée le 28 août dernier, l’actuelle offensive de Nkunda, d’abord de faible intensité, a été éclipsée par les élections américaines et la crise financière internationale.
Au-delà des causes et conséquences du nouveau conflit, c’est la crédibilité de l’ONU qui est en jeu. La MONUC est en effet prise à partie par le gouvernement de Kinshasa, tout en subissant le feu des rebelles qui ont déjà détruit deux de ses blindés et tirés sur ses hélicoptères de combat.
Déjà en 2004, les locaux de la mission de l’ONU en RDC étaient assiégés par les manifestants congolais. Ces derniers jours ce sont les véhicules de la MONUC qui sont caillassés par les populations fuyant l’avancée des rebelles.
Les Congolais accusent les Casques bleus d’avoir fermés les yeux sur les infiltrations de « bataillons étrangers » au départ du Rwanda, pourtant révélées par de nombreux témoins. Le prince Etienne de Mérode, directeur du parc national de la Virunga où vivent encore plusieurs centaines de gorilles de montagne, avait confirmé la présence dans la réserve de soldats rwandais aux côtés des rebelles de Nkunda.
Malgré la dégradation de la situation ces dernières semaines, ni l’ONU ni l’Union européenne n’ont répondu favorablement à la demande d’Alan Doss, Représentant spécial du Secrétaire général en République démocratique du Congo, qui requérait deux bataillons supplémentaires pour freiner l’avancée des forces de Laurent Nkunda. Protestant contre l’impuissance de la MONUC, le général espagnol Vicente Diaz de Villegas, chef de la mission, a démissionné lundi, trois semaines seulement après sa nomination, estimant qu’il lui était impossible, malgré ses 17 000 hommes et un budget de 1,1 milliards de dollars, de pacifier le pays. En outre, à la faible motivation des soldats, Indiens et Pakistanais pour la plupart, s’ajoutent les scandales (trafic d’or et de minerais) qui ont sérieusement égratignés le blason de la MONUC, sur le terrain depuis 9 ans.
Deux grands quotidiens de Kinshasa ont ouvertement remis en cause la mission onusienne. « Pour qui roule la MONUC ? » s’interroge Le Potentiel qui dénonce « sa duplicité » et, rappelant que l’ONU n’avait pas su, en 1960, évité la sécession du Katanga sous Moïse Tchombé, soupçonne un « plan machiavélique de balkanisation » du Congo.
Pour sa part Le Phare se demande « à quel jeu se livre la MONUC » accusant les Casques bleus de se contenter de geler la situation militaire, traitant sur un pied d’égalité les rebelles de Nkunda et l’armée régulière de RDC. Sans ambages, le quotidien parle des « tuteurs » de la RDC, lesquels assurent aux rebelles des « protections suspectes ».
La position de l’ONU serait intenable si Laurent Nkunda venait à déclarer la sécession du Kivu-Nord après la prise de Goma. Mais les troupes onusiennes ne peuvent pas non plus se retirer du Congo sans faire le jeu des rebelles. Les affrontements reprendraient de plus belle et le pays serait définitivement la proie des différents groupes armées qui auraient alors les mains libres. D’où sans doute les réunions d’urgence convoquées dans la précipitation à Bruxelles et à New York.
Romain Weis
Anthropologue
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