L'atmosphère politique sénégalaise est délétère depuis plusieurs années. Précisément que le pouvoir s'est rendu coupable de multiples scandales financiers et s'est aggravé depuis que le soupçon est né puis s'est confirmé que le président Wade veut se faire succéder par son fils.
La presse sénégalaise a évidemment relaté par le menu ce plan dévidé lentement mais sûrement, et s'est ainsi attirée les foudres du pouvoir. Ce pouvoir, Wade, n'a pas compris que la presse n'est pas à sa dévotion. Si celle-ci l'a soutenu pour les élections de 2000, c'était uniquement par désir de changement. Cela n'avait rien un soutien inconditionnel.
Les multiples scandales financiers : détournements de fonds, disparitions de dons internationaux, surfacturations, découvertes d'enrichissements aussi soudains que suspects alimentent les journaux depuis 2003/2004.
Et la "bonne presse" qui avait soutenue le candidat Wade s'est muée en une "presse de poubelle", les journalistes en une bande de hyènes analphabètes et de maitres-chanteurs haineux. Les amours presse/pouvoir ont vécus et la séparation est difficile pour Wade.
Convocations de journalistes et d'éditeurs de presse à la Dic (division des investigations criminelles), interdictions de publication, procès en diffamation sont devenus courants mais feignaient de garder un semblant de légalité démocratique.
Depuis quelques mois la répression se durcit en parallèle à l'isolement de plus en plus manifeste du président, y compris dans son propre parti.
Il y a environ deux mois, deux journalistes sportifs se sont fait matraqués par la police, alors qu'ils s'approchaient des joueurs de l'équipe nationale de foot, dans une zone autorisée à la presse. Banal me direz-vous dans un pays où la police a une tendance manifeste à abuser de son pouvoir. Ce qui l'est moins c'est la suite donnée à l'incident.
Le ministre de la justice fait une enquète rapide, dédouane les policiers et accuse, contre toute évidence, puisque la scène a eut de nombreux témoins et a même été filmée, les deux journalistes d'avoir agressés les policiers. La plainte déposée en justice traine en longueur.
Deuxième épisode. Le président Wade, invité par une association de journalistes noirs américains, se lance dans un exercice qui lui est cher à savoir dire tout le bien qu'il pense de lui tant au niveau de la liberté de la presse que de la démocratie. Durant son discours d'auto satisfaction, un journaliste sénégalais vivant au Canada, prend la parole pour dénoncer la répression sur la presse au Sénégal. Immédiatement les gardes du corps présidentiels matraquent l'homme, le déshabille en partie sous les yeux médusés des journalistes afro-américains.
L'un deux, journaliste à CNN, je crois, pose au président qui refuse de répondre, une question sur la liberté de la presse au Sénégal. Il insiste, le président aussi. Difficile de faire autrement après la scène qui s'est déroulée précédemment. Troisième épisode.
Un collectif de la presse sénégalaise se crée et exige l'accélération de l'enquète sur les 2 journalistes matraqués, organise une journée presse morte et une marche de protestation.
Le ton monte dans les rangs du pouvoir, par la bouche de Farba Senghor dit "la voix de son maitre", ministre hors du commun, et pour tout dire franchement caractériel, agressif et pas trop rusé mais capable d'attaquer n'importe quel mur de béton à coup de tête pour complaire à son président. Il menace journalistes et publications explicitement, leurs promettant de les attaquer par tous les moyens y compris physiques.
Cela ne traine pas, quelques jours plus tard deux journaux sont mis à sac et le matériel détruit. Les journalistes défilent de plus belle à la police.
Quatrième épisode. Contre toute attente la police découvre les auteurs des casses contre les journaux, et Oh ! miracle, le procureur relie les choses aux menaces du ministre et semble-t-il le soupçonne d'être le commanditaire des attentats. Comme quoi, contrairement à ce que l'on affirme, la justice n'est pas toujours aveugle.
Le procureur demande à l'entendre. Le président "démissionne" son ministre. L'ex ministre découvre un mystérieux complot contre lui, ce qui explique, selon lui, les misères qu'on lui fait. Convoqué par le procureur ce week-end, il ne se présente pas.
Le ministre va sans doute avoir quelques problèmes avec la justice, histoire de calmer le jeu et de tenter de faire croire que le président de la république n'y est pour rien.
Mais l'accalmie, s'il y a, ne sera que de courte durée, tant la violence fait partie de la culture politique de Wade qui l'a souvent utilisée pae le passé, du temps où il était dans l'opposition. Et tant le projet dynastique du président va se trouver rejeté par la population et combattu par la presse.