Hier se tenait le conseil national de l’UMP et ce fut un festival de mauvaise foi et d’outrances. François Fillon a ouvert le bal en déclarant : "A force d’esquiver les réalités, à force de ne pas avoir modernisé le socialisme, une partie des électeurs de gauche en a conclu qu’il valait mieux l’original à la copie. Et l’original c’est l’extrême gauche dont la popularité du leader n’est pas un bon signe pour la démocratie. A l’époque, nous, nous avons lutté becs et ongles contre le Front national et contre ses thèses. Je le dis à l’opposition et au Parti socialiste : il est grand temps que la gauche fasse de même avec ses extrêmes". Quel culot ! En réalité, la droite a éradiqué le FN en reprenant exactement ses thèses, mises en application par le ministère de la Persécution des étrangers. La comparaison Besancenot-Le Pen, lancée par Jean-François Copé (nous en parlions ici), est en passe de devenir le tube UMPiste de l’été.

Fi(ll)on a osé qualifier les critiques de la gauche, à propos de la politique d’immigration menée par ce gouvernement, de "malvenues et ringardes". Quel flagrant déni de réalité ! L’emploi du mot "ringard" est révélateur, en ce sens qu’il ne veut, dans ce contexte, strictement rien dire. "Ringard" signifie dépassé, démodé. Fi(ll)on l’utilise pour disqualifier à peu de frais les critiques, sans aucune argumentation. Parce qu’enfin, que reproche-t-on à la politique d’immigration de la droite revancharde et décomplexée au pouvoir ? De fixer des quotas d’expulsés, comme on compte les têtes de bétail. Ce faisant, de séparer des familles, de priver des enfants de leur père ou de leur mère, de briser la vie de personnes pourtant intégrées, qui travaillent sur notre sol, paient des impôts… Que cette traque des clandestins, obnubilée par le chiffre, ne fasse aucun cas des tragédies individuelles et de la profonde injustice qui fait tomber le couperet ainsi au hasard sur les pauvres hères qui ont la malchance d’avoir été contrôlés par la police. Que pour atteindre ces fameux quotas, les agents de la force publique soient contraints de faire du zèle, de multiplier les contrôles au faciès, de discriminer une population en raison de son apparence physique, de sa couleur de peau… Bref, cette critique-là, ô combien nécessaire et justifiée – tout le contraire du "malvenu" qu’utilise Fi(ll)on -, est simplement inspirée par l’humanisme le plus élémentaire. Depuis quand l’humanisme serait-il "ringard" ? Depuis mai 2007 et l’élection du petit Le Pen, sans doute…

Le Premier ministre estime aussi, à propos du parti socialiste : "La seule chose qui le rassemble, ce sont les attaques contre le président de la République". Outre le fait qu’il soit évidemment nécessaire d’attaquer l’homme qui s’est emparé de tous les pouvoirs pour faire tant de bien à ses amis les privilégiés, les grand patrons et les milieux d’affaires, et tant de mal au reste du pays, on peut renvoyer la balle à l’UMP  : ce qui la rassemble, c’est attaquer le PS  ! Jean-Louis Bianco, député des Alpes de Haute-Provence, nous le disait récemment : "on se fait "pourrir" à toutes les séances de questions. C’est même indigne ! C’est toujours : "si ça va pas, c’est de la faute des socialistes, on est archaïque, on est conservateur, c’est la faute des 35h", quel que soit le sujet !". Et de fait, ce conseil national de l’UMP fut une nouvelle occasion pour la droite de flinguer à tout-va du socialiste. Ainsi Patrick Devedjian a comparé le PS au "cimetière des idées mortes" : "Nous sommes en train de reconquérir l’espace culturel face à une gauche stérile", a affirmé le secrétaire général de l’UMP. Comme si la droite, à part prêcher pour le démantèlement de tous les droits sociaux, avait des idées : imposture ! Le patron du groupe parlementaire, Copé-la-cloporte, en a remis une couche en qualifiant la gauche de "lâche" : quand l’insulte tient lieu de débat politique… "Entre l’extrême droite et l’extrême gauche, il y a des fils qui se touchent", a-t-il ajouté, sans doute pour faire oublier qui est le vrai héritier de Le Pen, élu grâce aux voix frontistes sciemment racolées. Le ministre du Travail et chouchou du président, Xavier Bertrand, a lui aussi participé à cette séance de tir au pigeon – ou à la bécasse plutôt, en l’espèce -, en lynchant Ségolène Royal : "c’est une honte ! C’est dans ces moments forts comme celui-ci que l’on voit le sens des responsabilités de chacun. Le sens des responsabilités, Mme Royal n’en a pas", a-t-il lancé. Qu’a dit Royal pour mériter jugement si sèvère ? Que Sarkozy "n’a été absolument pour rien dans cette libération", s’agissant d’Ingrid Betancourt. Mais alors, il faut aussi reprocher à Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, de ne posséder aucun sens des responsabilités, lui non plus : "Dans cette opération précise, les Français n’ont pas pris part", a-t-il en effet avoué ! Christian Estrosi, fidèle sarkoziste ancien ministre et actuel maire de Nice et secrétaire général adjoint de l’UMP, a apporté sa pierre à la lapidation avec cette consternante déclaration, sur le même sujet : "Ségolène Royal a l’humanité d’un bigorneau". Pour rester dans les crustacés, faut-il répondre au "motodidacte" qu’il a la QI d’une huitre ? 

il ne sera jamais mon présidentEnfin, à tout seigneur, tout honneur, Nicolas Sarkozy en personne, soi-disant président de tous les Français mais plus que jamais chef de la droite, est venu cloturer ce bal des faux-culs avec cette stupéfiante déclaration : "Je veux leur dire que la France est en train de changer : elle change beaucoup plus vite et beaucoup plus profondément qu’on ne le croit. Désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit". Applaudi à tout rompre par l’assemblée UMPiste. Reprenons pour lui répondre un extrait du billet de notre amie du blog Social et Sociétal : "Qu’est-ce à dire, Monsieur Sarkozy ? Que votre principal objectif est de museler les mobilisations sociales ? (…) Que la démocratie ne pourrait souffrir que ses travailleurs essaient de défendre leurs droits ? Que le droit de grève est devenu obsolète et inutile ? Donner en exemple du changement cet exemple-là est pour le moins significatif." Voilà en effet le changement dont se réjouit, plus amoureux de lui-même que jamais, le président de toutes les régressions : de pouvoir orchestrer la casse de tous les droits sociaux sans que la mobilisation ne soit suffisamment efficace pour la contrecarrer. Voyez, syndicalistes et peuple de gauche, comment cet homme se moque de vous. Plus que jamais, pour effacer de son visage cet insupportable sourire de contentement fat, une bonne grève générale s’impose !