Les peuples sont décidément imprévisibles et ingrats et le peuple Irlandais en ce moment plus que tout autre, à en croire certains journalistes et hommes politiques qui traitent du référendum sur le traité de Lisbonne, que les Irlandais devront ratifier, ou refuser, après cette consultation populaire ce jeudi. En effet les irlandais ne seraient pas loin du "non", comme naguère les français, ces moutons noirs de l'Europe, qui n'avaient pas compris en jetant le bulletin dans l'urne, contre le traité dit constitutionnel, à quel point leurs dirigeants, à la quasi unanimité, raisonnaient mieux qu'eux, en mettant l'Union en panne un peu avant les néerlandais, aux dire des dirigeants européens.

Ingrats selon Bernard Kouchner, le champion de l'ingérence, pour lequel les irlandais seraient les premières victimes du non, et qui avait jugé bon d'ajouter : "Ce serait quand même très, très, très gênant pour la pensée honnête qu'on ne puisse compter sur les Irlandais qui, eux, ont beaucoup compté sur l'argent de l'Europe", ce qui a au passage convaincu quelques électeurs irlandais de voter non. Vraiment, vraiment, l'Union européenne est trop bonne, semble-t-on lire… D'autant que les électeurs en général ne sont pas très futés, si l'on en croit la déclaration de Jean-Claude Junker, chef du gouvernement luxembourgeois, président de l'Eurogroupe et doyen des dirigeants européens : "Les affaires européennes sont très compliquées pour les citoyens. Nous parlons un langage qui n'est pas compréhensible pour le commun des mortels"… A moins que nos élites européennes ne soient trop intelligentes pour nous tous, "le commun des mortels"?

Pour un journaliste des échos, le référendum est vraiment de trop et pire encore, il ne serait pas loin de la tyrannie : "Sous une apparence démocratique puisqu'il donne la parole au peuple, il est en réalité la procédure la plus antidémocratique qui soit, sous réserve, bien sûr, de la dictature." Les peuples échappent tout juste à la comparaison avec Adolphe Hitler, mais pas à celle de la Terreur sous la Révolution, terreur pratiquée naturellement en son nom, lorsqu'il ajoute "l'exercice de la démocratie comme un référendum permanent a été mise en oeuvre par les révolutionnaires de 1793 pour imposer la terreur au nom du peuple souverain". C'est à croire que le bas-peuple, ces gueux, n'ont décidément aucune conscience politique… il faut par conséquent leur imposer la démocratie sans leur demander leur avis. Mais le vent semble souffler dans le mauvais sens et le non pourrait n'être pas loin : gageons que si le "oui" l'emporte, alors ce sera une très grande victoire pour la démocratie tant redoutée, sinon, "Espérons que la leçon servira" finit le journaliste (!).
En attendant, les dirigeants politiques s'apprêtent à affronter un éventuel "non", comme lors du référendum irlandais, déjà sur le traité de Nice, qui avait également abouti à un "non". Le traité avait alors été réaménagé et les Irlandais avaient dû retourner voter pour ou contre le traité. Soyons sûr qu'une alternative sera trouvé pour sauver la démocratie de ses mauvais électeurs, décidément parfaitement rétifs à toute idée de progrès démocratique. Comment, ils craignent de perdre leur souveraineté disent-ils? Que nenni répondent les européistes-unionistes, c'est faux, la souveraineté sera renforcée en étant partagée! Même si au même moment se trame derrière les Français l'abandon du siège à l'ONU au profit de l'Union européenne… L'on évoquera que peu ce super ministre européen de la Défense, prévu dans le traité. La guerre en Irak n'aurait pas trouvé la même opposition si le traité avait eu cours, les Etats réticents, avec une voix étouffé derrière la majorité, auraient été contraints de suivre.
Vox Populi, mais pas Vox Dei… En France déjà; le référendum a été contourné, par crainte du non, avec un vote du parlement, ce qui avait nécessité un changement de consitution. Si l'Irlande ne ratifie pas le traité par la voix populaire, chacun sait que le référendum sera reconduit, peut-être aménagé, pour servir, comme il se doit, la démocratie (!). Les dirigeants de l'Union européenne ne se poseront pas de question ensuite : c'est le peuple, comme au lendemain du référendum en france qui n'aura rien compris à la pensée élevée de ses dirigeants, élus par la majorité, mais pas en acccors avec leurs électeurs. "L'Amour c'est la haine" nous apprenait déjà Big Brother et "la guerre c'est la paix"… La démocratie, c'est à présent de ne pas consulter le peuple. Décidément, l'Union européenne est plus que jamais lointaine, traité ratifié, ou non…