Le message n’est pas le même en arabe et en français. Pour son arrivée en visite officielle en Algérie, mardi, Fadela Amara est utilisée par un quotidien algérien, qui taille ses propos sur mesure en fonction du public. En arabe, elle réclame à la une que la France reconnaisse ses « exactions » en Algérie, alors qu’en français c’est le projet d’Union pour la méditerranée (UPM) qui est vanté…
En déplacement en Algérie à un moment particulièrement délicat, alors que Nicolas Sarkozy tente sans succès jusqu’ici de convaincre les dirigeants algériens de venir au sommet de l’UPM à Paris en juillet, Fadela Amara se retrouve plongée dans un petit imbroglio visiblement destiné à semer le trouble. La secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville est citée en « une » pleine page de l’édition arabe du journal Djazair News (fac similé ci-dessus) avec cette phrase:
« Je souhaite que la France reconnaisse ses exactions en Algérie.«
Mais dans l’édition française du quotidien (ci-dessus), seul un titre en haut de page lui fait dire:
« L’Algérie a un rôle déterminant à jouer dans l’UPM. »
Dans le texte de l’interview en français, elle tient des propos apaisants:
« Mon père a immigré en France en 1955, en pleine guerre d’Algérie. Ma famille était pour l’indépendance et mon père a fait partie de ceux qui collectaient des fonds pour la Fédération de France du FLN. (…) »
« Pour mon père, ma nomination au gouvernement symbolise la réconciliation entre deux pays dont les histoires sont imbriquées. Le jour où j’ai été nommée, il a prononcé ces simples paroles: ‘Jusqu’où elle a été, la fille du pauvre!’ J’ai pensé au roman de Mouloud Feraoun, ‘Le Fils du pauvre‘.
Comme beaucoup d’immigrés et d’enfants d’immigrés, j’ai besoin de comprendre, de savoir ce qui s’est passé pendant la colonisation de l’Algérie. A la maison, mon père m’en a très peu parlé. Il me disait qu’il ne fallait pas avoir de haine contre la France et les Français. »
Elle ajoute, au milieu de l’interview, la phrase qui fait le titre en arabe:
« Personnellement, je ne suis ni pour l’oubli ni pour la repentance. Je souhaite que la France reconnaisse qu’en Algérie, des exactions ont été commises« .
La phrase de Fadela Amara sur les exactions est évidemment bien plus violente, et aux antipodes de la position officielle de Nicolas Sarkozy, opposé à toute idée de repentance. Voilà qui va compliquer un peu plus le travail diplomatique visant à amener Abdelaziz Bouteflika à Paris pour le sommet de l’UPM. Mais peut-être était-ce le but de la man?uvre, au moins faire monter les enchères. Fadela Amara aura ainsi été la victime de ce jeu classique entre Paris et Alger.
? Rectificatif 10/6/2008 à 13h00: la rédaction d’Algérie News nous fait remarquer que la phrase incriminée sur les « exactions » figure également dans l’interview en français, mais n’a simplement pas été mise en avant comme dans l’édition en arabe. Dont acte pour le texte, mais pas pour le titre…
Par Pierre Haski – Rue89 – 10/06/2008
Le message n’est pas le même en arabe et en français. Pour son arrivée en visite officielle en Algérie, mardi, Fadela Amara est utilisée par un quotidien algérien, qui taille ses propos sur mesure en fonction du public. En arabe, elle réclame à la une que la France reconnaisse ses « exactions » en Algérie, alors qu’en français c’est le projet d’Union pour la méditerranée (UPM) qui est vanté…
En déplacement en Algérie à un moment particulièrement délicat, alors que Nicolas Sarkozy tente sans succès jusqu’ici de convaincre les dirigeants algériens de venir au sommet de l’UPM à Paris en juillet, Fadela Amara se retrouve plongée dans un petit imbroglio visiblement destiné à semer le trouble. La secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville est citée en « une » pleine page de l’édition arabe du journal Djazair News (fac similé ci-dessus) avec cette phrase:
« Je souhaite que la France reconnaisse ses exactions en Algérie.«
Mais dans l’édition française du quotidien (ci-dessus), seul un titre en haut de page lui fait dire:
« L’Algérie a un rôle déterminant à jouer dans l’UPM. »
Dans le texte de l’interview en français, elle tient des propos apaisants:
« Mon père a immigré en France en 1955, en pleine guerre d’Algérie. Ma famille était pour l’indépendance et mon père a fait partie de ceux qui collectaient des fonds pour la Fédération de France du FLN. (…) »
« Pour mon père, ma nomination au gouvernement symbolise la réconciliation entre deux pays dont les histoires sont imbriquées. Le jour où j’ai été nommée, il a prononcé ces simples paroles: ‘Jusqu’où elle a été, la fille du pauvre!’ J’ai pensé au roman de Mouloud Feraoun, ‘Le Fils du pauvre‘.
Comme beaucoup d’immigrés et d’enfants d’immigrés, j’ai besoin de comprendre, de savoir ce qui s’est passé pendant la colonisation de l’Algérie. A la maison, mon père m’en a très peu parlé. Il me disait qu’il ne fallait pas avoir de haine contre la France et les Français. »
Elle ajoute, au milieu de l’interview, la phrase qui fait le titre en arabe:
« Personnellement, je ne suis ni pour l’oubli ni pour la repentance. Je souhaite que la France reconnaisse qu’en Algérie, des exactions ont été commises« .
La phrase de Fadela Amara sur les exactions est évidemment bien plus violente, et aux antipodes de la position officielle de Nicolas Sarkozy, opposé à toute idée de repentance. Voilà qui va compliquer un peu plus le travail diplomatique visant à amener Abdelaziz Bouteflika à Paris pour le sommet de l’UPM. Mais peut-être était-ce le but de la man?uvre, au moins faire monter les enchères. Fadela Amara aura ainsi été la victime de ce jeu classique entre Paris et Alger.
? Rectificatif 10/6/2008 à 13h00: la rédaction d’Algérie News nous fait remarquer que la phrase incriminée sur les « exactions » figure également dans l’interview en français, mais n’a simplement pas été mise en avant comme dans l’édition en arabe. Dont acte pour le texte, mais pas pour le titre…
Par Pierre Haski – Rue89 – 10/06/2008
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