Ce texte publié sur la blogosphère tunisienne propose une alternative aux débats passionnés traitant de l'identité de la religion et de la culture et ce par la ré interrogation de ces concepts par le biais d'un scénario prospectif, dans lequel la Tunisie intégrerait une sorte d'UNION MONDIALE …( à ne pas confondre avec la mondialisation)
Rêvons un peu :
Nous sommes en 2060. La Tunisie a rempli toutes les conditions nécessaires comme ses voisins libyens et algériens pour pouvoir enfin adhérer à l’Union Mondiale.
Après des années ruineuses, le nouveau gouvernement provisoire a su installer une organisation démocratique et égalitaire qui rattrape tant bien que mal le retard accumulé depuis un siècle.
Elle peut maintenant espérer en tant que membre de l’Union l’aide nécessaire à sa reconstruction et peut aspirer au rôle de membre actif.
Son drapeau restera le même. Il désignera cette somme de régions délimitées par le protectorat français il y a plus de deux siècles. Cet ancien découpage colonial a d’ailleurs perduré sans peine durant les règnes successifs des différents régimes et s’est cristallisé dans une identité dite tunisienne.
L’adhésion à l’Union affectera la gouvernance du pays et sa carte géopolitique.
En effet, seront renforcés les pouvoirs locaux :
Les gouverneurs des grandes agglomérations seront élus au suffrage universel.
Ils siègeront à Bruxelles lors des grandes assemblées.
– L’élu de Jandouba, chef lieu de la région du Tell, par exemple, s’asseira à la même table que l’élu de la région de Venise.
– La région de Gafsa s’unira avec sa voisine anciennement algérienne pour former un gouvernorat plus large mutualisant des richesses communes longtemps divisées à cause des anciens gouvernements centraux jaloux de leurs frontières.
Ces nouveaux découpages administratifs donneront enfin plus de visibilité aux localités géographiques longtemps éclipsées par des gouvernements nationaux qui ont concentré leur pouvoirs et investissements dans les seules grandes villes.
Plus de Visa pour circuler entre les régions de l’Union.
Avec la monnaie unique, la redistribution des richesses et l’adoption d’un code de travail unifié, les entrepreneurs ne chercheront plus à profiter des différences de rémunérations et de réglementations du travail entre pays. Plus de dumping social ni de profit d’une main d’œuvre peu coûteuse.
Restent les pays d’Afrique subsaharienne qui tardent à remplir les conditions nécessaires à l’adhésion et qui entre temps sont pris d’assaut par les multinationales assoiffées de mains d’œuvre pas chère.
Leurs dictateurs profitent de leur « indépendance » pour faire monnayer aux investisseurs le droit d’exploiter la population. Ils expliqueront que leur identité nationale est plus importante qu’une adhésion à l’Union.
Par contre ils n’hésiteront pas à encourager les investissements prédateurs comme preuve de leur participation à la Mondialisation: Mondialisation qu’ils ne cesseront de vanter.
La Mondialisation sera par ailleurs le slogan que ressortiront tous les opposants à l’Union. Ils s’y accrocheront bec et angle car la Mondialisation ne les engage pas politiquement. Chacun restant chef de sa tribu, il sera libre au nom de cette Mondialisation de faire les alliances économiques qui arrangent son pouvoir plutôt que son peuple.
L’ancienne Tunisie avait par ailleurs opté pour ce choix qu’elle n’hésitait pas à considérer comme moderne alors que celui-ci avait retardé son progrès en creusant les inégalités sociales jusqu’au jour où les régions du sud et du Tell se soulevèrent violemment contre le pouvoir central.
De l'Union Communautaire à l'Union Mondiale
Rappelons que cette Union à laquelle vient d'adhérer notre Tunisie s’appelait il y a 50 ans Union Européenne*.
Depuis l’adhésion d’un grand pays de l’Asie mineure, la Turquie, la dénomination liée au vieux continent s’était avérée obsolète. Les élus de Bruxelles ont mis du temps à convaincre leurs électeurs qu’il était temps de transcender leurs barrières nationales et religieuses et s’ouvrir au monde en intégrant le maximum de pays désireux de travailler ensembles en suivant les mêmes principes à savoir : une mutualisation des compétences humaines et une répartition des richesses et ce, indépendamment de la culture et de la religion de chacun.
Cet effort a porté ses fruits très tôt déjà, lorsque l’Espagne et le Portugal affaiblis par des dictatures égoïstes, ont bénéficié de la manne de la France et de l’Allemagne pour se rehausser au niveau de ses parrains et devenir à leur tour émetteurs de richesses aidant par cela l’intégration des nouveaux membres de l’est.
La Tunisie ainsi profitera de cette même aide 50 ans plus tard et se trouve à son tour obligée de revoir sa constitution et déléguer plus d’autonomies à ses régions.
l'identité est une construction qu'il faut constamment réinterroger
Cet essai prospectif, voudrait suggérer l’idée que les notions d’identités nationales, culturelles voire religieuses restent des constructions humaines qui doivent rester flexibles. Elles ne doivent en aucun cas être prioritaires dans nos choix d’organisation sociale.
Si l’adhésion à une « Union » plus large peut contribuer à l’intérêt général et au bonheur de tous, il n’a y pas de raison de s’arc-bouter sur la notion d’identité arabe, musulmane, chrétienne ou que sais-je.
Là dessus, je conclurai sur la notion de laïcité qui n’est que l’expression de cette distinction des genres. Je m'explique:
Si nos régions adhèrent à cette hypothétique Union, des nouveaux échanges naîtront entre des Hommes de contrées lointaines.
L’usage de la catégorie religieuse ou culturelle s’effacera par lui-même pour donner place à une réglementation administrative qui régie équitablement leurs transactions ( quand je parle de transaction, je parle d’échange de biens, d’informations et de personnes ).
La religion ne se manifestera plus dans le mode d’organisation mais dans la contemplation et la recherche du sens du Monde. C'est selon moi, le sens de la Laïcité. ( et que, pitié, l'on cesse de l'opposer à la religion)
il y a un seul monde**
Je crois que nous devons absolument nous rendre compte que notre planète est unique, que nous vivons dans un seul monde et que si nous pensons nous organiser seulement par nos rites et nos coutumes, chaque communauté restera repliée sur elle-même.
La mondialisation s’imposera ainsi comme seul véhicule de dialogue.
Ce dialogue ne concernera que les multinationales et leurs intermédiaires que sont les chefs des tribus.
Ces derniers n’hésiteront pas à utiliser l’argument identitaire pour parler au nom de leur société civile.
Cette société civile otage de cette confiscation de parole, n’aura de choix que de se complaire dans ces identités. Ainsi donnera-t-elle sens à son existence.
Cependant, une autre frange de cette même société civile jette déjà des ponts trans-identitaires (trans-national-culturel-religieux) vers d’autres franges « rebelles » venues d’ailleurs pour discuter des vrais projets de la société terrienne et rappeler qu’enfin, le vrai débat n’est que politique et à l'échelle planétaire!
Cette frange ne Parlera plus de religion, d'identité de culture car pour elle ces sujets traités politiquement font diversion et égarent le citoyen des véritables enjeux.
Je me permets même de penser, que monopoliser l'attention sur ces questions c'est faire le jeu des dictatures et de la mondialisation qui auront gagné leurs paris de diviser les hommes pour mieux les contrôler. ( là je m'emporte un peu )
* Loin de moi l’idée d’idéaliser l’actuelle Union Européenne, je voudrai simplement croire que l’UE part d’une volonté sincère de réunir un groupe de pays afin de sortir de la guerre et des rapports de dominant/dominé à l’inverse de la politique étasunienne qui, au contraire investit sa toute puissance dans les inégalités planétaires.
J’en profite d'ailleurs pour donner mon opinion négative sur le projet Euro Méditerranée relancé par Sarkozy qui tend à cristalliser la coupure nord/sud et faire de la France un acteur incontournable avec Marseille pour capitale. Ce nouveau locataire de l’Elysée semble vouloir renouer avec une ancienne tradition de domination qui a prévalu à une époque bien lointaine.
**expression d'Alain Badiou explicitée dans son ouvrage "DE QUOI SARKOZY EST-IL LE NOM?" aux éditions lignes P.71
J’ai enfin eu le temps de lire pour comprendre votre article très dense et très intéressant.
je suis d’accord avec « cette volonté sincère » qui devrait motiver toute union pour sortir enfin de ces conflits et de ces rapports dominants-dominés, etc…
de ce fait, un « hic » au sujet d’un mot :
quelles certitudes peut-on avoir que la réglementation administrative qui régit les transactions soit faite « équitablement » ? et comment réglementer pour que ce soit « équitable » ? ce qui peut sembler « équitable » pour l’un peut ne pas sembler l’être pour l’autre ? Cette notion « d’équitable » est l’éternel problème, car c’est quoi concrètement « l’équité » ? naturelle… ou une loi ? Une loi peut-elle être « équitable », puisque le plus souvent imposée ? la nature, elle, par rapport à nous pauvres petites choses, n’est absolument « pas équitable » dans notre conception humaine espace-temps… elle est belle mais sauvage ! et les hommes adorent tout légiférer pour s’en préserver… mais à quel prix ?
nous aurions vraiment de vrais sages…