Le débat fait rage autour de l'euthanasie suite à la mort de Chantal Sébire, et comme souvent dans notre beau pays, les fronts se sont constitués. Il y aurait selon quelques uns un front religieux et un front athéiste, ce qui empêche la tenue d'un quelconque débat, chacun campant sur sa position avec le risque de confisquer un débat plus large. On entendra aussi que l'Eglise est obscurantiste, qu'elle est responsable de nombreux crimes, etc, etc, ce qui finit alors en dialogue de sourd.
Le débat mérite pourtant mieux que les imprécations de part et d'autre. Il concerne tout un chacun et se révèle plus complexe qu'il n'y parait.La loi Leonetti dont on dit qu'il faudrait la réviser n'est qu'un cadre dans lequel le médecin doit pouvoir agir. Le fait-il correctement? Et les médecins sont-ils correctement formés pour répondre à à la problématique de la fin de vie pour les malades?

Permettre ou non le suicide assisté, cette question demande le calme et la réflexion. Mais l'objet de la discussion, la loi actuelle, reste pourtant mal connue et mal interprétée par les partisans de l'euthanasie. Jean Leonetti s'est exprimé à ce sujet dans le journal le Monde . Il s'en dégage très clairement, qu'elle est utile à soulager la douleur en fin de vie. Si besoin est, elle autorise le médecin à augmenter les doses de soins pour la douleur même si cela peut abréger la vie du patient. Il ne s'agira pas de l'euthanasier pour autant : "De manière concrète, cela signifie qu'on a le droit, et même le devoir, d'utiliser tous les moyens thérapeutiques possibles pour supprimer la souffrance, même si, par les produits utilisés ou par les doses utilisées, on est conscient que l'on hâte la mort.  ". Le député explique également que l'acharnement thérapeuthique y est bani. Mais une information s'en dégage : "lors de l'appel de signataires ( ici ) (…) j'ai eu la surprise de constater que des médecins pensaient avoir eu des pratiques euthanasiques alors qu'ils étaient parfaitement dans le cadre de la loi", en revanche, "certains médecins pensent être en toute légalité alors qu'ils pratiquent des actes euthanasiques, quelquefois à l'insu même du malade dont ils s'occupent." Il constate également que les pays ayant autorisé l'euthanasie s'oriente vers une solution proche de la loi française. Il se déclare favorable à ce que les auteurs d'homicide par compassion ne soient pas poursuivis et dit bien que le suicide assisté que demandait Chantal sébire ne figure pas dans la loi.

Ce qui est choquant dans le cas Sébire, c'est que la mort proposée, semi coma et mort à petit feu, parait largement inhumaine, et plutôt hypocrite. Il est même étonnant que des médecins puissent proposer une telle solution plutôt que des soins palliatifs plus appropriés. Plonger un malade dans le coma pour le laisser finir sa vie pourrait même s'approcher d'une sorte d'euthanasie mal appliquée.Dans le cadre de la loi Leonetti, "débrancher" ne suffit pas. C'est pourtant ce qu'a vécu le fils de Paul et Danièle Pierra. Un livre qui sortira bientôt, relate les six jours d'agonie de leur fils, dans le coma depuis huit ans, "débranché" par les services médicaux, "son corps était comme électrocuté, ses convulsions étaient si violentes qu'il se décollait du lit, c'était inhumain". Ses dernières souffrances sont atroces et leur description fait frémir. Dans l'article du Monde  , on peut cependant également lire l'avis critique d'autres médecins : "Le docteur Aubry déplore la méthode : "Arrêter les traitements ne signifie pas arrêter les soins." "On ne peut pas laisser un patient dans un tel inconfort et une famille dans un tel désarroi, considère Bernard Devalois, chef du service des soins palliatifs de l'hôpital de Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, qui a déjà été confronté à des cas comme celui d'Hervé. Entre les tergiversations de l'équipe médicale et le mauvais accompagnement, l'affaire Pierra est l'exemple typique d'une mauvaise application de la loi Leonetti."  On remarquera bien les mots "mauvaise application".
Selon le Dr d'Hérouville, interrogé par LCI , la loi Leonetti est toujours mal connue, et partant pas vraiment appliquée. Concernant Chantal Sébire, il affirme "sans connaître le dossier en détail, j'ai le sentiment que tout ce qu'on aurait pu faire pour la soulager n'a pas été fait. " Évoquant la loi, il affirme que "la première chose à faire, c'est de la faire connaître". Les professionnels ne seraient en effet pas bien au fait de manière générale, mais admettent en en prenant connaissance qu'elles les auraient aidé. Une étude aurait démontré que "les médecins formés aux soins palliatifs sont beaucoup moins dans une dynamique d'euthanasie et (…) ceux qui n'ont pas reçu cette formation sont plus dans une dynamique d'euthanasie." Dans la démarche de la fin de vie, explique-t-il se mêlent aussi un accompagnement fait d'écoute, et précise-t-il " Une fois que les personnes sont soulagées, qu'elles ont pu dire leur souffrance, souvent elles ne sont plus dans la même demande d'euthanasie." Professionnel voyant tous les jours des malades en fin de vie, il estime que "des personnes ont bénéficié d'un suicide assisté alors que des traitements étaient possibles."  
Dans le débat en cours, à bien lire les partisans de l'euthanasie, on croirait que les opposants réclament une souffrance sans fin pour le malade, sans compassion pour leur souffrance. Mais les deux cas emblématiques, celui de Chantal Sébire et celui de Vincent Humbert sont en partie discutables. Pour Chantal Sébire, les spécialistes s'étonnent  : "la maladie dont souffrait Mme Sébire (un esthesioneuroblastome ou neuroblastome olfactif) ne peut être qualifiée d'incurable" et aurait pu être prise en charge dans les délais, dès le moment où elle l'a apprise. Les taux de survie sont de l'ordre de 70 % cinq ans après une intervention estimeraient les experts. Elle n'aurait à l'époque "pas accepté les interventions qu'on me proposait car le risque vital était engagé".  Dans le cas de Vincent humbert, devenu muet, aveugle et tétraplégique suite à un accident, euthanasié sur demande de sa mère, ce qui avait donné lieu à un procès conclu par un non lieu, son kinésithérapeute avait déclaré "A partir d'un fait réel, on a brodé tout ce qu'il fallait de douloureux, de souffrance, d'horrible… On a fait croire qu'il avait mal. Il n'avait mal nulle part, je parle physiquement. Pourquoi a-t-on ajouté tout cela ? Pour faire passer une idéologie… On a manipulé complètement la vérité et l'opinion". Il avait ajouté  "Profondément, je ne crois pas qu'il avait envie de mourir". 
Ce sont les "bien-portants" (même si cela peut mal aller très vite…) qui sont responsables des souffrants, particulièrement vulnérables en fin de vie. Il est parfaitement normal de souhaiter la mort lorsque  la souffrance est intolérable, mais ce choix peut être dicté par la souffrance, sans réel désir d'en finir aussitôt. C'est sans doute l'opinion des plus de 9000 signataires de la pétition de la SFAP , non pas des personnalités religieuses, mais des docteurs pour la plupart, qui refusent l'euthanasie, démontrant qu'au delà des fronts constitués, un autre discours est possible. Nous ne pouvons faire l'économie d'un débat serein sur ces sujets. Il serait peut-être plus judicieux, plutôt que de faire une nouvelle loi "à chaud", de développer une nouvelle connaissance de la loi Leonetti par les médecins, ainsi que des nouvelles solutions contre la douleur. Cette alternative reste plus constructive que la confrontation stérile des affrontements idéologiques des pro et anti euthanasie, certains semblant plus particulièrement rechercher un suicide assisté sans égard à une réelle compréhension du malade et de ses appels à l'aide. Selon le Dr d'Hérouville "Il existe d'autres antalgiques que la morphine. Et il n'y a pas que les médicaments : il y a des gestes chirurgicaux, une démarche d'accompagnement… ".