Réalisateur : Damien Chazelle
Date de sortie : 25 janvier 2017
Pays : USA
Genre : Comédie musicale
Durée : 126 minutes
Budget : 30 millions de dollars
Casting : Ryan Gosling (Sébastian Wilder), Emma Stone (Mia Dolan), John Legend (Keith)
Mia est une jeune femme pleine d’ambition rêvant de devenir une actrice reconnue. Pour subvenir à ses besoins, elle est serveuse dans une cafétéria et même si elle passe de nombreux castings, la réussite n’est pas au rendez-vous. Sebastian est un pianiste de jazz, cachetonnant dans des clubs miteux, jouant des musiques insipides pour des clients tout en rêvant de rendre ses lettres de noblesse à sa musique de coeur. Cela doit passer par l’ouverture de son propre club de jazz mais sans un sou, c’est compliqué. Si à première vue rien ne laissait présager qu’ils puissent se rencontrer, le destin en décide autrement, ces 2 doux rêveurs finissent par tomber amoureux mais leur projet respectif saura-t-il les maintenir ensemble ? Les rendre heureux ensemble ? 3ème film de Damien Chazelle après Guy and Madeline on a Park Bench et Whiplash, le jeune réalisateur continue à parler de musique à travers le cinéma avec talent.
Pourtant ce n’était pas gagné, une comédie musicale qui rend hommage aux grands films du genre, à cette époque dorée du cinéma hollywoodien, on peut se dire : « bof, pourquoi cela ? ». Un sujet pas très attirant et qui ne vend pas du rêve. Bon, malgré tout, on saisit la main tendue, celle qui va nous faire entrer dans la danse. Certainement la meilleure décision de ce début d’année. Dès les premiers instants, on en prend plein la vue, cette scène de l’autoroute changera radicalement la vision que nous pouvons avoir d’un embouteillage. Une petite musique, quelques paroles et voilà que ça bouge en rythme, les danseurs montent sur le toit des voitures, la caméra passe parmi eux, nous sommes dans le mouvement et l’envie de bouger nous prend mais dans une salle de cinéma, ce n’est pas pratique. Tout le reste du film sera du même acabit.
La La Land est structuré par le cycle des saisons, ceci est une bonne idée pour donner du rythme au récit. De plus chaque saison est liée à une tranche bien précise de leur histoire d’amour. En hiver, tout comme la météo qui ne le montre pas à Los Angeles, c’est froid. Les deux protagonistes se croisent, se bousculent violemment dans un bar, se charrient en se lançant des défis musicaux, bref ils ne s’aiment pas. Cela se termine en une superbe chanson où tout deux s’accordent pour dire que passer la soirée ensemble c’est «gâcher une merveilleuse nuit » sous ce ciel étoilé. Vient ensuite le printemps, époque où les bourgeons sont en fleur, les coeurs sont légers et l’envie d’aimer est comme un parfum dans l’air. Mia et Sebastian se rendent compte de leur attirance mutuelle ce qui nous offre une séquence inoubliable, une danse dans les étoiles façon Moulin Rouge, des pas dérobés secrètement en pleine nuit dans l’observatoire Griffith. En été, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, ils s’aiment, l’air californien les rend beaux, tellement que l’on soupçonne rapidement un pépin. Cela intervient en automne, les feuilles des arbres commencent à tomber des branches, les nuages se font plus présents et la grisaille gagne le couple. La flamme de la passion vacille. Et enfin vient l’hiver, période de veille, de mort et de renouveau. Nous suivons l’histoire de ces deux rêveurs comme nous pouvons observer la ritournelle des saisons.
Envoûtant, voilà un adjectif collant parfaitement à La La Land. Un charme qui doit essentiellement à ses musiques et chansons qui adhèrent avec le contexte. A l’instar des grands classiques, nous avons un couple, jeune, beau, sachant danser et chanter, nous emmenant dans leur aventure romanesque pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur qui nous ravit, le pire qui nous chagrine tellement Ryan Gosling et Emma Stone parviennent à donner vie à Sebastian et Mia, à les rendre attachants. De ces deux acteurs, qui en sont à leur 3ème collaboration après Gangster Squad et Crazy Stupid Love, il en ressort une parfaite alchimie. Investis, nous nous en rendons compte en les voyant, Ryan Gosling joue, chante et danse sans doublure, tout comme Emma Stone. En plus d’être un ravissement pour les oreilles, il l’est également pour les yeux. Nous observons un gros travail sur les couleurs, les détails et sur la façon de filmer qui sont autant d’hommages aux illustres aînés Chantons sous la pluie ou West Side Story. Par exemple quand Mia se rend à la fête, les travelings avant et arrière renforcent la fusion avec le personnage, nous la suivons dans ses préparations avec ses camarades de chambres, chacune portant une robe de couleur distincte. Ou bien cette façon de projeter la lumière sur Ryan Gosling quand il se met à jouer du piano, plus rien ne compte, il n’y a que le musicien et son instrument, ensemble ils donnent vie au jazz.
Les détails ont du sens car dans un film au scénario simple, il est facile de leur donner une place. Il y en a une foultitude, à l’image du costume noir comme si Sebastian était en deuil quand il joue avec son ami Keith, une sorte de jazz moderne complètement dénaturé. Idem avec le Rialto, lieu de leur premier émoi devenu un endroit insalubre, faisant alors écho à leur relation quand nous le revoyons au moment elle bat de l’aile. Damien Chazelle nous livre un film d’une grande splendeur et d’un esthétisme léché, habité par des acteurs convaincants pour nous jouer une histoire légère, sympathique, romantique et mélancolique. La fin ne laissera personne indifférent [spoiler] ce magnifique tourbillon retraçant en quelques secondes ce qu’aurait pu être la vie de Mia et Sebastian s’ils étaient restés ensemble soutire directement quelques larmes et un sentiment de gâchis. Toutefois cela laisse réfléchir sur l’individualisme et l’accomplissement des rêves, peut-on vivre avec la personne que l’on aime et réaliser ce qui nous tient à coeur ou bien faut-il faire des sacrifices pour y arriver ? [spoiler]