Réalisateur : Jeff Nichols

Date de sortie : 16 mars 2016

Pays : USA

Genre : SF, thriller

Durée : 111 minutes

Budget : 18 millions de dolars

Casting : Michael Shannon (Roy Tomlin), Kirsten Dunst (Sarah Tomlin), Joel Edgerton (Lucas), Adam Driver (Paul Sevier), Sam Shepard (Calvin Meyer)

Un petit garçon un peu spécial doté d’un étrange pouvoir, une secte au style vestimentaire douteux qui en a fait son messie, son père biologique qui l’enlève de ses griffes, un ami qui l’aide dans cette aventure, des agents du FBI et de la NSA qui se lancent à leur poursuite, une prophétique fin du monde, tous ces ingrédients mis ensemble composent le nouveau film de Jeff Nichols. La petite touche personnelle comme dans tout bon plat : une méthode de réalisation où il amorce une situation, conduit le spectateur dans des sentiers bien connus mais casse les codes en ne montrant pas la suite directe, celle attendue, laissant place à des interrogations et des suppositions toutes personnelles. Un road movie oppressant teinté de science fiction un brin vintage. Amateur dX-Files, de Carpenter (Starman notamment car le scénario est très proche) et de Spielberg période E.T (un enfant venu peut être d’ailleurs et qui souhaite rentrer chez lui, on nous épargne tout de même le fameux : »téléphone-maison »), ce film est fait pour vous. 

Ce premier constat est perceptible tout au long du film. Nichols est influencé par les années 1980. Cela se voit dans les références cinématographiques utilisées, dans les looks des personnages pas très modernes, dans les outils utilisés (le magnétophone à cassette d’Adam Driver, disparu des écrans depuis des années) et surtout dans la bande son. Les touches, les notes, les jingles, David Wingo est lui aussi sous le magnétisme de cette décennie décidément très inspirante. Le compositeur parvient a insufflé la même ambiance assez anxiogène qu’il avait réussi à planter dans Take Shelter, où là aussi il était question de fin du monde.

Le titre du film n’est pas un hasard, le Midnight Special était un train de nuit texan qui passait non loin de la prison de Sugarland. Avec sa lanterne à l’avant, il incarnait pour les prisonniers noirs un symbole de liberté. Ici, il incarne tout cela : le voyage nocturne, l’essentiel du film se passe la nuit, et la liberté. En effet, le film est mu par ce sentiment, liberté de quitter cette secte, liberté de quitter cette planète où le garçon semble prisonnier, liberté de savoir ce qui se passe réellement derrière les coordonnées secrètes qu’il parvient à décrypter et pour le spectateur de connaître le fin mot de l’histoire. Revenons à la  nuit, elle a quelque chose de rassurant pour le petit Alton, photo et radio sensible, il doit porter des lunettes de plongée bleue et un casque de chantier (tiens tiens une référence à Take Shelter ?) en permanence pour ne pas rentrer en crise. La nuit symbolise une forme de cocon protecteur. Tout cela dessert le personnage car il est difficile de s’attacher à lui, non pas que l’acteur joue mal, mais il n’est clairement pas attendrissant. Il reste figé dans son monde, isolé à cause de cet attirail.

Ce qui n’est pas le cas des autres acteurs principaux, Michael Shannon, Kirsten Dunst, Adam Driver et Joel Edgerton portent le film avec justesse. Le premier est un habitué du réalisateur (Take Shelter, Shotgun Stories, Mud) et continue d’explorer le même type de rôle, celui d’un père qui tente de protéger son enfant par tous les moyens. Il convainc mais il manque un petit quelque chose dans son visage pour faire passer les émotions. Kirsten Dunst quant à elle est formidable dans ce rôle de mère à la dérive, vêtue comme une plouc où la jeunesse et la pétillance est totalement absente. Adam Driver compose un rôle proche d’un Fox Mulder, celui d’un agent gouvernemental peu conventionnel, aimant croire à l’incroyable et pour qui le paranormal existe. Finalement, Joel Edgerton est peut être le plus humain des protagonistes et un ami sur qui on peut compter. Il franchit des limites irréversibles pour qu’ Alton parvienne à son but.

La fin laisse un goût amer quand elle singe le très moyen A la poursuite de demain. Un télescopage raté de deux mondes laissant apparaître des immeubles futuristes, genre de cités florales monumentales idéalisées d’où sortent des ombres avec des yeux et un cœur de lumière. Difficile de garder son sérieux devant ce genre de spectacle et là encore ça jure complètement avec le reste du film. Cette course contre la montre sombre et inquiétante se transforme en livre de propagande pour une secte aux idéaux absurdes. Jeff Nichols réussit malgré tout son pari de réaliser un film à gros budget teinté de religion.