Notre petite sœur

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Réalisateur : Hirokazu Koreeda

Date de sortie : 28 octobre 2015

Pays : Japon

Genre : Drame, comédie

Durée : 127 minutes

Budget :

Casting : Haruka Hayase (Sachi), Masami Nagasawa (Yoshino), Kaho (Chika), Suzu Hirose (Suzu)

Le cinéma japonais est riche de productions traitant de la famille, des sentiments et des relations, parfois tumultueuses, au sein de la cellule primaire. Énumérer tous les films nippons ayant pour thème ce sujet serait interminable et inutile. Le plus emblématique étant Voyage à Tokyo de Yasujiro Ozu en 1953 montrant la désintégration progressive du lien social qui unit les parents aux enfants. Un chef d’œuvre du 7ème art où le réalisateur, bien plus que filmer, capture un moment de vie et le sublime. Comme son illustre maître, Hirokazu Koreeda n’est pas un nouveau venu, il connaît bien le sujet. Son palmarès le prouve, sur son CV : le Prix du Jury au Festival de Cannes en 2013 pour Tel père, Tel fils.  Avec une grande aisance et beaucoup de technicité, il s’adonne à l’adaptation du manga Kamakura Diary d’Akimi Yoshida. 

 

Sachi, Yoshino et Chika sont 3 sœurs, elles résident dans la vieille demeure familiale à Kamakura, ville de plaisance au sud de Tokyo. Leur père, qu’elles n’ont pas vu depuis une quinzaine d’années, vient de décéder. Par respect, elles se rendent à ses funérailles et font la rencontre de leur demie sœur dont elles apprennent l’existence : Suzu. Une adolescente de 14 ans devenue orpheline qui est finalement recueillie par ses 3 sœurs aînées. Commence alors une nouvelle vie dans une nouvelle ville avec une nouvelle famille.

 

Quelle beauté ! Quel film !  D’une grande tendresse et d’une infinie douceur ! Notre petite soeur est comme une friandise sucrée qu’on laisse fondre dans la bouche afin que l’agréable sensation qu’elle procure demeure le plus longtemps possible. C’est fin, c’est drôle, c’est mélancolique. Les quatre sœurs sont attachantes et différentes, elles se complètent à merveille. L’aînée est autoritaire, la seconde est « fofolle », la troisième aborde la vie avec une grande décontraction et la petite dernière a la tête bien sur les épaules. Au début, ce n’est pourtant pas évident pour Suzu d’être vue par ses 3 grandes sœurs comme le fruit du désamour de leur père pour sa mère, être l’aboutissement d’une union adultère. Pourtant l’intégration se fait sans heurt et avec beaucoup de tolérance.

 

Malgré cette légèreté bienfaisante, l’omniprésence de la mort plane sur le film. Celle du père premièrement, point de départ de toute l’aventure, un homme que l’on ne verra jamais, même pas en photo mais qui apparaît comme l’architecte de cette rencontre fraternelle. Il était « pitoyable mais gentil » selon les dires de Sachi. Koreeda nous apprend que la mort des proches fait partie de la vie, on la célèbre comme un événement. C’est une chose triste et destructrice mais le maître la rend calme et douce, une occasion terrible de reconstruire sa vie. La saisonnalité est une chose très forte dans le film, cela lui donne un rythme et fait avancer l’histoire. Les japonais ont le chic pour savoir filmer ces choses avec tant de pudeur que ça en devient émouvant.  La vie est cyclique, on vit, on meurt et les erreurs commises autrefois sont en passe d’être commises de nouveau … ou pas. Notre petite soeur est également une histoire d’amour, un amour familial très fort malgré les tensions.

 

Les lieux ont une vie, ainsi la demeure familiale, grande maison traditionnelle en bois avec des portes coulissantes en papier, est un personnage à part entière. C’est le lieu de l’action, le lieu où tellement de choses se sont passées, les racines de la famille y sont figées. Puis le Japon c’est le pays des traditions à l’image de cette liqueur de prunes produites par les femmes de la famille depuis une cinquantaine d’années, une production artisanale cachée dans les lattes du plancher, prenant de l’âge et devenant meilleure. Un sujet récurrent, à l’instar des cerisiers en fleurs souvent cités. La scène où le jeune Futa emmène Suzu sur son vélo entre les allées d’arbres fleuris mérite tous les égards. Outre la maison et les filles il y a Kamakura. Les couleurs tantôt claires et vives, tantôt sombres et chaudes n’ont de cesse de magnifier la ville. Koreeda est un magicien et son adaptation est une parfaite réussite.

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