Non, Éric Poindron ne mêle pas de poudre d’ombre (umbra) au fourrage de Zafara, dans l’enclos boulonnais – non littoral – au sol en terre homonyme, de son sien – et non terre sienne – jardin intérieur. Comme Adèle, Zafara est morte. Défunte non infante, mais trépassée de vieillesse, jadis. On n’en verra pas les taches dans L’Ombre de la girafe, des éditions Bleu autour. Mais son halo perdure…
Vous connaissez les adages à rimes en « hon » ? Genre, « dans le cochon, tout est bon ». Eh bien, en voici un nouveau, tous droits réservés pour les philologues, spécialistes de l’oculomotricité appliquée à la lisibilité, et autres universitaires (gratos pour les Oulipiens présentant un justificatif) : « Chez Poindron, y a point d’heure » (ah bon, ce n’est pas en « hon » ? Mais après l’heure, c’est plus l’heure de rectifier). En mode survol – des Poindron, pas tous, gagnent à être survolés avant lecture et chronique –, cela semble évident. L’Ombre de la girafe fut écrit à point d’heure, soit tant en heures ouvrables qu’improbables, aux petites comme aux autres, en allant piocher dans des carnets, en somnolences entrecoupées, &c. L’évidence même est contredite par les faits ? Pas grave. Comme il n’y a aucune importance à ce que l’auteur-narrateur me rétorque et retoque. Cette détestable approche scolaire n’est toutefois pas superflue. Éric Poindron écrit « je », mais « je est autre » car parfois, il gamberge, se fait narrateur, et c’est l’imaginant escamoteur qui prend le dessus (ou l’escamoteur imaginant, c’est selon). Toujours en mode feuilletonnant, remarque préliminaire : je m’attendais à un tout autre ouvrage. Soit genre feuilletoniste (avec une seule n, pourquoi si peu de n ?), plaisant, quasi-feuilletonnier (Baudelaire, et non Catherine Poulain – auteure du Grand Marin, et autres prédécesseurs écrivains de la Royale), avec maintes paranomases et moult distrayantes figures de style (probable, ce genre). Soit somme érudite, avec notations marginales, appareil de références, candidate à un prix de l’Académie, le Grand Prix Gobert par exemple (beaucoup moins prévisible). Oui, mais cela, c’était « le voyage de la Girafe », dont il détailla les étapes, pour lequel il abondait et surabonde encore de détails, anecdotes, &c. Pas L’Ombre… Or, il est beaucoup moins question de celle de Saint-Hilaire (dite aussi de Charles X), et de son périple « au long cou » (sous-titre de L’Ombre), de la Méditerranée au Jardin des Plantes. Cette Ombre n’est que le rameau de l’arbre, comme une note d’intention de metteur en scène n’est pas la pièce. Ce « Voyage » deviendra peut-être Le Voyage : « il y avait de quoi en faire un quatre mille pages », convenait-il en présentant, à la librairie Gallimard, son Ombre. Oui, mais… D’abord un retour en version augmentée du Stevenson (Belles Étoiles – Avec Stevenson dans les Cévennes, et une ânesse), un ouvrage commun « avec Charlélie Couture », un livre « rémois », and so on. Bref, ce livre « dans la trace de… » (Saint-Hilaire, de feu Poindron père, qui avait réuni de la documentation), sur Zarafa (son surnom à elle) ne sera point, la veille de demain, entre nos mains. Un autre, peut-être, et je m’en voudrais d’avoir contribué à ce qu’un aigrefin pique l’idée du projet à Poindron. Lequel rappelle que les zoologistes de l’époque, qui n’avaient point vu la florentine girafe, si ce n’est en gravure, considéraient encore les licornes plausibles et la de Médicis et autres « hypothétiques ». Ombre donc. Reflet de ce quelle inspire, et comme le disait René Char, « l’ombre du zèbre n’a pas de rayures ». Or donc, pour clore ce préambule, il est beaucoup plus question de Poindron, des Poindron (grand-père, père), du chum australo-champenois Paul Wenz, d’autres, et dites donc, de François Le Vaillant (tout un chapitre, alors que le dit ornithologue meurt en novembre 1824, deux ans avant que Zarafa bouche les abords du Vieux-Port – ils furent plus de 5 000 à s’y rendre). Le Vaillant a vraiment existé, mais si ce n’était le cas, Poindron aurait pu l’inventer (en auteur du personnage, narrateur de sa geste).
Lecture fastoche
144 pages. De texte dru (hors couverture et obligées ; la maison Bleu autour, modestement, indique soit 112, soit 120, sur la même page de son site, mais comme ce n’est pas paginé, c’est de l’estimation au pif). Petit format (13×17 ; là, c’est exact, au pied de la lettre, j’ai vérifié avec celui à coulisse). C’est écrit en sentes, chemins, et de par les rus de la sérendipité. Vous trouvez parfois de profondes réflexions, comme celle-ci : « C’est pas le plomb qui tue le typo, c’est le zinc ». Pas le comptoir pour entonner À la santé du confrère lors de la saint Jean (Porte Latine, et porte d’Italie, près l’École Étienne). C’est bien évidemment érudit, eh, c’est Poindron, mais tout autant proche des petites gens (c’est lui aussi). On passe, pour ainsi dire, de la fille du roi de Siam à celle du proviseur du regretté Cabu (là, c’est métaphorique ; comme moi, Éric était trop jeune pour l’avoir connue). On sasse de la Slavia (Brasserie de la Comète) qui évoquera autant la Météor que celle de La Sirène (disparue du Hainaut ; mauvaise pioche ; il fut bien des brasseries de l’Étoile, mais point de filante ; cela étant, si un météore géant s’approchait, les sirènes retentiraient). Je ne plagie pas le « style » de Poindron, j’évoque, nuance ! Ses nostalgies fragrances. Le soupirant, l’éprise des dictionnaires et autres encyclopédies, qui en ouvre une page, passe d’une entrée à l’autre, de C à H, revient au A, repart au K, par cas, sera ravi, reprendra son Robert (des noms propres), et son Le Mourre (« mémoire vive de l’Histoire ») au détour d’un Étoges (Marne). « J’aurais pu raconter l’histoire (…) du caméléon de Francis de Miomandre, des chats fantômes d’un incertain homard presque boulevardier… ». Et certes de la péniche de Simenon (c’est évoqué plus loin, et je me demande si Les Écrits sur l’eau de Miomandre n’ont pas remémoré l’esprit de la péniche au pied de l’escalier). Là, c’est moi qui fait mon cuistre, jamais l’auteur, qui évoque certes le bateleur de Le Vaillant, mais ne nous ramène pas sa science — ses lectures, oui, mais sur un ton quasi badin qui ne rebute jamais. Cela alterne avec des paroles d’enfants, des évocations de hêtres tortillards, de messages astraux (voire des vaisseaux spatiaux de la couleur des Mistral gagnants, mais, là, ce n’est pas non plus de l’imitation, mais un truc mnésique, qui rime avec musique). Pour en revenir aux étoiles et aux brasseries, une autre – à bar aux arrondies arêtes en Zn – s’appelle « philante », comme Prévert écrivait « giraffe ». C’est en éternel apprenti s’étonnant (et étonnant) que Poindron arpente les spirales de son imaginaire, lesquelles s’expandent sur des superficies astrales ou s’amenuisent en filets, filaments, car il écrit « des vérités dissimulées », et professe (soit a découvert avant de renseigner) « que toutes les aventures sont inventées. ». D’un ami et connaissance commune (David Collin) il dit, en français, hors allemand, (non écrit, mais cela viendra…) : « le voyage le fabrique, et il ne fabrique pas le voyage. ». L’Ombre de la girafe vous refabrique, vous remet en chantier. Et c’est écrit peigné fin.
Éds Bleu autour, collection Céladon, 13 euros ; www.bleu-autour.com
P-S. – j’ai salopé la une de couverture, histoire d’y caser le texte de la quatrième. Que l’éditeur, Patrice Rötig, et Claire Forgeot (qui a recadré carré l’œuvre de Michael Sowa pour la cohérence de la collection – dont l’achat de deux ouvrages ouvre droit au don du Je n’y reviendrai pas, du photographe Luc Baptiste – ce qui incite à y retourner), veuillent ne pas m’en vouloir durablement.
Vous connaissez les adages à rimes en « hon » ? Genre, « dans le cochon, tout est bon ». Eh bien, en voici un nouveau, tous droits réservés pour les philologues, spécialistes de l’oculomotricité appliquée à la lisibilité, et autres universitaires (gratos pour les Oulipiens présentant un justificatif) : « Chez Poindron, y a point d’heure » (ah bon, ce n’est pas en « hon » ? Mais après l’heure, c’est plus l’heure de rectifier). En mode survol – des Poindron, pas tous, gagnent à être survolés avant lecture et chronique –, cela semble évident. L’Ombre de la girafe fut écrit à point d’heure, soit tant en heures ouvrables qu’improbables, aux petites comme aux autres, en allant piocher dans des carnets, en somnolences entrecoupées, &c. L’évidence même est contredite par les faits ? Pas grave. Comme il n’y a aucune importance à ce que l’auteur-narrateur me rétorque et retoque. Cette détestable approche scolaire n’est toutefois pas superflue. Éric Poindron écrit « je », mais « je est autre » car parfois, il gamberge, se fait narrateur, et c’est l’imaginant escamoteur qui prend le dessus (ou l’escamoteur imaginant, c’est selon). Toujours en mode feuilletonnant, remarque préliminaire : je m’attendais à un tout autre ouvrage. Soit genre feuilletoniste (avec une seule n, pourquoi si peu de n ?), plaisant, quasi-feuilletonnier (Baudelaire, et non Catherine Poulain – auteure du Grand Marin, et autres prédécesseurs écrivains de la Royale), avec maintes paranomases et moult distrayantes figures de style (probable, ce genre). Soit somme érudite, avec notations marginales, appareil de références, candidate à un prix de l’Académie, le Grand Prix Gobert par exemple (beaucoup moins prévisible). Oui, mais cela, c’était « le voyage de la Girafe », dont il détailla les étapes, pour lequel il abondait et surabonde encore de détails, anecdotes, &c. Pas L’Ombre… Or, il est beaucoup moins question de celle de Saint-Hilaire (dite aussi de Charles X), et de son périple « au long cou » (sous-titre de L’Ombre), de la Méditerranée au Jardin des Plantes. Cette Ombre n’est que le rameau de l’arbre, comme une note d’intention de metteur en scène n’est pas la pièce. Ce « Voyage » deviendra peut-être Le Voyage : « il y avait de quoi en faire un quatre mille pages », convenait-il en présentant, à la librairie Gallimard, son Ombre. Oui, mais… D’abord un retour en version augmentée du Stevenson (Belles Étoiles – Avec Stevenson dans les Cévennes, et une ânesse), un ouvrage commun « avec Charlélie Couture », un livre « rémois », and so on. Bref, ce livre « dans la trace de… » (Saint-Hilaire, de feu Poindron père, qui avait réuni de la documentation), sur Zarafa (son surnom à elle) ne sera point, la veille de demain, entre nos mains. Un autre, peut-être, et je m’en voudrais d’avoir contribué à ce qu’un aigrefin pique l’idée du projet à Poindron. Lequel rappelle que les zoologistes de l’époque, qui n’avaient point vu la florentine girafe, si ce n’est en gravure, considéraient encore les licornes plausibles et la de Médicis et autres « hypothétiques ». Ombre donc. Reflet de ce quelle inspire, et comme le disait René Char, « l’ombre du zèbre n’a pas de rayures ». Or donc, pour clore ce préambule, il est beaucoup plus question de Poindron, des Poindron (grand-père, père), du chum australo-champenois Paul Wenz, d’autres, et dites donc, de François Le Vaillant (tout un chapitre, alors que le dit ornithologue meurt en novembre 1824, deux ans avant que Zarafa bouche les abords du Vieux-Port – ils furent plus de 5 000 à s’y rendre). Le Vaillant a vraiment existé, mais si ce n’était le cas, Poindron aurait pu l’inventer (en auteur du personnage, narrateur de sa geste).
Lecture fastoche
144 pages. De texte dru (hors couverture et obligées ; la maison Bleu autour, modestement, indique soit 112, soit 120, sur la même page de son site, mais comme ce n’est pas paginé, c’est de l’estimation au pif). Petit format (13×17 ; là, c’est exact, au pied de la lettre, j’ai vérifié avec celui à coulisse). C’est écrit en sentes, chemins, et de par les rus de la sérendipité. Vous trouvez parfois de profondes réflexions, comme celle-ci : « C’est pas le plomb qui tue le typo, c’est le zinc ». Pas le comptoir pour entonner À la santé du confrère lors de la saint Jean (Porte Latine, et porte d’Italie, près l’École Étienne). C’est bien évidemment érudit, eh, c’est Poindron, mais tout autant proche des petites gens (c’est lui aussi). On passe, pour ainsi dire, de la fille du roi de Siam à celle du proviseur du regretté Cabu (là, c’est métaphorique ; comme moi, Éric était trop jeune pour l’avoir connue). On sasse de la Slavia (Brasserie de la Comète) qui évoquera autant la Météor que celle de La Sirène (disparue du Hainaut ; mauvaise pioche ; il fut bien des brasseries de l’Étoile, mais point de filante ; cela étant, si un météore géant s’approchait, les sirènes retentiraient). Je ne plagie pas le « style » de Poindron, j’évoque, nuance ! Ses nostalgies fragrances. Le soupirant, l’éprise des dictionnaires et autres encyclopédies, qui en ouvre une page, passe d’une entrée à l’autre, de C à H, revient au A, repart au K, par cas, sera ravi, reprendra son Robert (des noms propres), et son Le Mourre (« mémoire vive de l’Histoire ») au détour d’un Étoges (Marne). « J’aurais pu raconter l’histoire (…) du caméléon de Francis de Miomandre, des chats fantômes d’un incertain homard presque boulevardier… ». Et certes de la péniche de Simenon (c’est évoqué plus loin, et je me demande si Les Écrits sur l’eau de Miomandre n’ont pas remémoré l’esprit de la péniche au pied de l’escalier). Là, c’est moi qui fait mon cuistre, jamais l’auteur, qui évoque certes le bateleur de Le Vaillant, mais ne nous ramène pas sa science — ses lectures, oui, mais sur un ton quasi badin qui ne rebute jamais. Cela alterne avec des paroles d’enfants, des évocations de hêtres tortillards, de messages astraux (voire des vaisseaux spatiaux de la couleur des Mistral gagnants, mais, là, ce n’est pas non plus de l’imitation, mais un truc mnésique, qui rime avec musique). Pour en revenir aux étoiles et aux brasseries, une autre – à bar aux arrondies arêtes en Zn – s’appelle « philante », comme Prévert écrivait « giraffe ». C’est en éternel apprenti s’étonnant (et étonnant) que Poindron arpente les spirales de son imaginaire, lesquelles s’expandent sur des superficies astrales ou s’amenuisent en filets, filaments, car il écrit « des vérités dissimulées », et professe (soit a découvert avant de renseigner) « que toutes les aventures sont inventées. ». D’un ami et connaissance commune (David Collin) il dit, en français, hors allemand, (non écrit, mais cela viendra…) : « le voyage le fabrique, et il ne fabrique pas le voyage. ». L’Ombre de la girafe vous refabrique, vous remet en chantier. Et c’est écrit peigné fin.
Éds Bleu autour, collection Céladon, 13 euros ; www.bleu-autour.com
P-S. – j’ai salopé la une de couverture, histoire d’y caser le texte de la quatrième. Que l’éditeur, Patrice Rötig, et Claire Forgeot (qui a recadré carré l’œuvre de Michael Sowa pour la cohérence de la collection – dont l’achat de deux ouvrages ouvre droit au don du Je n’y reviendrai pas, du photographe Luc Baptiste – ce qui incite à y retourner), veuillent ne pas m’en vouloir durablement.