« Internet est mort. Vive la télé ! » Quand Technikart fait du…Technikart !

Dans le Technikart du mois de septembre, la télévision française est à l’honneur, et avec elle une certaine idée de la culture. En couverture du magazine décalé et culturel, faiseur de tendances et adepte de la déconstruction des idoles artistiques, on retrouve un Laurent Ruquier, quelque peu méconnaissable, arborant une paire de lunettes de Microsoft qui à terme permettront d’offrir une nouvelle expérience télévisuelle. La photo est déconcertante, tout comme le dossier du mois, oscillant entre discours atypiques et provocateurs sur la mort d’Internet et éloge de la télévision de demain.

S’il fallait en douter, l’avant-gardisme anime toujours les plumes des journalistes de Technikart, et ce nouveau mensuel ne déroge pas à l’état d’esprit du magazine. Le titre du magazine de Laurent Courbin, qui a récemment racheté cette pièce maîtresse de la vie culturelle française, s’inscrit parfaitement dans la ligne éditoriale qui a contribué, au cours de ces dernières années, à positionner ce mensuel comme un incontournable pour celles et ceux désireux d’être au courant de l’état d’esprit de la scène culturelle française.

Quoi qu’il en soit, le décor est clairement posé, et avec cette image percutante, accompagnée d’un titre pour le moins paradoxal, ou devrions-nous dire quelque peu provocateur, « Internet est mort. Vive la télé ! », Technikart fait un énième pied de nez aux postures intellectuelles convenues et somme toute conformistes. Faire l’éloge de la télévision, que d’aucuns appréhendent comme désuète et en déliquescence peut paraître étonnant. Rappelons-nous notamment des propos du PDG de Netflix sur la mort programmée de la télé. En effet, Reed Hastings, le président de Netflix, service digital permettant d’avoir accès à une vaste bibliothèque de films et de séries télévisées (Peaky Blinders, House of Cards, Narcos…) s’est notamment fait connaître, auprès des adeptes de la disruption, pour avoir prédit la mort, d’ici 20 ans, de la télévision linéaire.

Dans ce numéro, Technikart s’inscrit en faux contre les propos du PDG de Netflix, et il faut bien le reconnaître ce contre-discours, totalement dissonant, s’il est surprenant, n’en est pas moins rafraîchissant.

Avec les moyens offerts par Internet, et le processus d’individualisation grandissant des services proposés par les nouvelles plateformes digitales, il est vrai que le modèle proposé par la télévision, massifié, horizontal et hiératique, apparaît quelque peu dépassé. Dans cette optique, peu nombreux sont ceux qui s’avanceraient à parier sur les chances de la télévision contre Internet, voire pire, à oser proclamer la mort de l’Internet.

Internet est mort, Vive la télé !, ce titre, par-delà son effet punchline, ouvre vers une véritable réflexion, tant philosophique que technologique. Le dossier de Technikart bouleverse nos croyances, et même celles que nous croyons les plus assurées, et nous invite, conformément à la posture prise par le mensuel depuis sa fondation, à penser hors des sentiers battus. Cela est bel et bien déroutant, mais foncièrement excitant. Par-delà les discours lénifiants et répétitifs qui irriguent le champ médiatique mainstream, Technikart fait voler en éclats les discours les mieux établis.

Télé outragée, télé brisée, télé martyrisée, mais télé libérée. C’est sur un élan gaullien, qui là encore détonne pour le moins dans l’univers décalé et hype de Technikart que débute le dossier du mensuel. La télé linéaire à papa a vécu, et cela le magazine ne le remet pas en question. Toutefois, dans une logique darwinienne, ce dossier nous montre avec quels procédés (hybridation avec les réseaux sociaux, casques de réalité virtuelle, 4K, reportage en 360°….), la télé peut s’adapter au nouvel écosystème technologique et comportemental.

La transformation digitale, loin d’acter la mort de la télévision linéaire, offre au contraire l’opportunité à cette dernière de repenser son modèle de fonctionnement, et corrélativement son business model.

En appréhendant de manière fine les évolutions sociologiques de l’opinion, ainsi que les nouveaux modes d’accès à l’information (utilisation exponentielle des smartphones), les décideurs du monde de la télévision pourront réussir à accompagner la révolution copernicienne nécessaire à la survie de ce média. La télévision est aujourd’hui confrontée à un enjeu structurant majeur, à savoir sa capacité à passer d’un monde clos, avec une diffusion linéaire et un mode de fonctionnement appréhendant sa cible comme massifiée et relativement indéterminée, à un monde infini. En s’ouvrant aux réseaux sociaux, aux innovations technologiques, ainsi qu’aux nouveaux comportements de la population, la télévision sera à même de s’extirper d’une approche trop fermée afin de repenser, à nouveaux frais, son rapport au public.

Les nouvelles potentialités liées aux nouvelles technologies tendent irrémédiablement à ringardiser une certaine forme de télé ; mais leur symbiose avec le média télévisuel constitue une stratégie gagnant-gagnant capable de propulser la télévision dans un nouveau cycle vertueux de croissance. L’hybridation et la symbiose entre la télé et les nouvelles technologies contribueront ainsi à faire advenir un média en parfaite adéquation avec son temps, dépouillé de ses oripeaux traditionnels et désuets.

La télé traditionnelle est morte, mais la télévision a de beaux jours devant elle, telle est en substance l’axe majeur qui structure le dossier proposé par Technikart.