À MA MÈRE !

Même si j’ai de la peine en constatant que tu ne me reconnais plus, même si je sais que tu vas me répéter une fois de plus que je ne suis pas ta fille. Même si tu demandes des nouvelles de ton père mort à la guerre, en 1917, même si tu me demandes, comme tous les dimanches, si je suis mariée, si j’ai des enfants, même si c’est toi qui m’appelle « maman »,  je te pardonne.

C’est grâce à TOI que je suis devenue ce que je suis, et ne regrette rien.

À 99 ans, tu ne t’es jamais plainte, et tu vis les derniers jours de ton existence dans une bulle, protégée de tout souci matériel, et à l’abri des nouvelles alarmantes, qui plongent notre pays dans une guérilla sociale qui risque bien de faire plus de ravages que toutes les guerres réunies.

Tu ne sais pas, tu ne sais plus, qui gouverne notre pays. Le mot Europe n’a aucun sens pour Toi. 

Les mots : chômage,  agression,  insécurité, sont sortis de ton vocabulaire et de ta mémoire.

Tes yeux ne distinguent plus que les ombres, et tous comptes faits, ce n’est pas plus mal.

En ce jour où l’on fête toutes les mamans du Monde, je me vois mal te faire état de ce qui nous guette, et  refuse de partager avec TOI, l’angoisse qui m’étreint

Alors, ces mots que je ne te dirai pas, ces peurs, ces colères qui m’animent, même un jour comme aujourd’hui, je vais les déposer dans ce texte que tu ne liras pas, mais que j’aurai aimé partager avec Toi.

 

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