Entreprise : les séminaires

De l’entreprise privée : Les séminaires d’entreprise ou séminaires professionnels

Dans les entreprises où on a les moyens financiers, on organise des séminaires.

Selon les entreprises, d’autres noms sont attribués à ce grand moment de partage collectif, généralement annuel et qui dure de 1 à X jours : convention, colloque, séminaire de travail, séminaire de motivation (« teambuilding » pour les anglophones qui, par miracle, se farciraient mes chroniques), séminaire de récompense, alumnat – alumnat, ça sonne antédiluvien et religieux-, conférence management pour les VIP de l’entreprise, TOPEX = Top Executive – sous-entendu management – pour les VIP +++, et patatas bravas ! Ceux qui connaissent la cuisine espagnole et qui ont quelque goût culinaire pour les plats épicés sauront de quoi je parle !

Votre chroniqueuse a participé, tout au long de sa brillantissime carrière et participe encore, avec la régularité d’une horloge suisse – vous savez celles qui font « COUCOU COUCOU » à de nombreux séminaires et les adore ! Et ce grand moment de convivialité collective est attendu, tel le Messie, par la majorité des salariés.

Certains esprits chagrins diront qu’il est curieux, bizarre – vous avez dit bizarre comme c’est bizarre – que j’apprécie les séminaires et alors que je tire sur tout ce qui bouge.

Négatifs que vous êtes ! Si j’aime tourner en dérision et décaper certains sujets, j’ai un esprit très positif dans la vie et contrairement ce que vous pourriez penser.

Les séminaires permettent de sortir du bureau où, pour mon goût, je passe bien trop de temps et de me rendre dans un endroit unique, en France ou mieux encore, à l’étranger. Le graal !

Château, hôtel de luxe, restaurant gastronomique, … des endroits qu’en temps normal, je ne fréquente qu’en de rares occasions.

Je peux, ainsi, jouer à la châtelaine née avec une cuillère dorée dans la bouche, m’asseoir au fond de la salle de conférence pour piquer un roupillon (comme on est nombreux, je passe inaperçue), dormir dans une chambre de 40m² bien aménagée et meublée, joliment décorée, à la moquette épaisse avec une salle de bain en marbre avec douche plus baignoire séparées, toilettes séparées et avec vue sur le lac.

Le séminaire est organisé autour d’interminables réunions dans les salles de conférence du château, de l’hôtel de luxe, et d’activités : challenge, euh pardon il faut dire défis, à relever, activités sportives, jeux stratégiques, ….

Le but de ces réunions est généralement de :

– Faire le bilan de l’année écoulée et d’évoquer l’année à venir
– Remotiver les troupes qui, exsangues d’avoir tant bossé, sont au bord du « burn out »
– Informer les salariés de changements éventuels qui, lorsque ces changements sont négatifs : dégraissage, plan de départs volontaires, serrage de ceinture, diminution conséquente de tout et de rien, licenciements, … – consiste à faire passer une pilule empoisonnée en faisant croire que cette pilule guérira l’entreprise de tous les maux salariaux
– S’auto-congratuler des formidables résultats financiers de l’entreprise
– Parler pour ne rien dire de concret et par conséquent brasser l’air ambiant, chaud de préférence
– Inviter des intervenants extérieurs, des clients, des fournisseurs, des personnes célèbres pour leur montrer qu’ils doivent continuer à utiliser les services, produits, prestations, fabrications de cette vénérable entreprise
– Aborder un sujet précis qui nécessite de rassembler les acteurs de l’entreprise concernés par ce sujet
– Informer les salariés de changements positifs car tout va pour le mieux dans la meilleure entreprise du monde
– Souder les équipes grâces aux activités, visites prévues pendant le séminaire, …

Les salariés désignés pour « séminariser » se déplacent de concert, en train, en voiture, en avion selon l’endroit choisi et il y a une ambiance du feu de Bouddha pendant la durée du déplacement, c’est tout juste si certains n’entonnent pas quelque chanson grivoise.

On met en appétit ce micro monde par un dîner de gala ou un dîner tout court la veille au soir du séminaire, qui ne commencera véritablement que le lendemain matin avec une réunionite aiguë suivie d’une activité l’après-midi pour clore en beauté la journée et avant que chacun ne rentre dans ses pénates, exténués de s’être pieuté plus tard que d’habitude, retrouver femmes, hommes et enfants, chiens et chats abandonnés.

Si vous êtes vernis, le séminaire peut durer plus longtemps mais la majorité des séminaires auxquels j’ai participé et participe encore, se déroule sur une seule journée.

Il convient de préciser que depuis quelques années, les entreprises ont réduit la voilure en l’espèce, parce que le séminaire, cela coûte bonbon.

Au revoir champagne Ruinart, petits fours Dalloyau ou Lenôtre à s’en faire péter la panse, cuisiniers payés pour cuisiner devant vous des mets délicats et raffinés au sein de petites cuisines ambulantes dispersées dans un immense salon, alcools en tous genres et à volonté, caviar remplacé, de nos jours, par des œufs de lompe, crabe remplacé, de nos jours, par l’horrible surimi qui, soit dit en passant, n’a plus rien à voir avec du crabe, pâtisseries à se damner.

Désormais les buffets, s’ils sont fournis et très bons, n’ont plus cette petite touche de folie, de fantaisie qui faisait dire aux participants que c’était exquis et inoubliable !

Au cours de ces séminaires, c’est comme sur les vols longue distance, on passe son temps à manger, cela occupe : petit déjeuner, pause-café pour couper l’indigeste réunion, faire pipi, caca et jeter un sort aux viennoiseries qui resteraient du petit-déjeuner, déjeuner, goûter pour redonner des forces aux challengers qui ont bien « challengé » lors de l’activité de l’après-midi, dîner.

On fait bombance et on prend 5 kilos en 1 journée !

Votre chroniqueuse qui, dans la vie réelle, se nourrit 2 fois par jour, estimant cela amplement suffisant, ne parvient pas à suivre ce rythme de bombance effréné et s’en tient à son habitude.

Les heureux élus gonflent la poitrine et se font tout beau pour participer au séminaire.

Chacun scrute chacun pour voir si aucun pellicule ou tâche malencontreuse ne ternit le costume, la robe, la jupette, si aucun collant n’a filé, si les chaussures sont bien cirées, si les couleurs des vêtements sont bien assorties, ….  Les messieurs sortent leurs plus beaux costards taillés sur mesure chez le meilleur couturier et les dames, leurs plus belles robes qu’elles affichent avec des chaussures à talons hauts et pointus avec lesquelles elles n’ont pas l’habitude de marcher et redoutent sans cesse de se « gameller ».

Votre chroniqueuse qui est « Miss Gamelle » par excellence – surnom donné par son époux, vous finirez par tout savoir, petits coquins que vous êtes – n’étant pas très stable sur ses petons 36 fillette, a, au compteur, un nombre effroyable de fractures en tous genres et accumulées depuis l’enfance. Elle ne porte donc que des chaussures plates ou presque plates et détonne systématiquement parmi les hautes perchées. Elle refuse, pour faire comme ces dames, de se retrouver pour une énième fois plâtrée jusque au cou et contrainte de se taper une rééducation longue et pénible ! Elle assume, comme tout le reste !

Enfin, ces dames prennent le soin d’aller chez le coupe-tif quelques jours avant L’EVENEMENT afin d’être impeccable, refaire leur couleur, leur permanente, leurs frisottis, bref se faire lisser le poil et se maquillent au mieux, lourdement pour mes critères, le résultat étant parfois désastreux.

Je raffole de la soirée précédant le séminaire car je peux observer les dérives du genre humain et m’en amuser royalement. Sachez qu’il y a systématiquement quelques séminaristes, incapables de bien se tenir, qui oublient qu’ils se trouvent dans un cadre professionnel, qui roulent sous la table d’avoir picoler à donf ou bien qui parlent trop fort ou bien encore qui ne contrôlent pas ce qu’ils disent ou bien les trois en même temps. Mise au placard ou pire, licenciement garantis au retour du séminaire !

Il y a également, inévitablement, quelques histoires secrètes mais qui ne sont un secret que pour les protagonistes, qui se nouent dans les chambres, la nuit, et bien que les parties de jambes en l’air entre collègues tendent à disparaître du monde du travail.

Pour ceux qui savent se tenir et/ou qui, comme moi, ne boivent pas d’alcool, on assiste à des scènes inoubliables.

Je me souviens, et alors que j’étais la seule femme à exercer dans une petiote entreprise d’une centaine d’ingénieurs, qu’un de ces ingénieurs, saoul comme un Polonais – pauvres Polonais et cette réputation qui leur colle au gosier – avait carrément montrer ses fesses après avoir sauté sur la table où nous dînions ! Son sort fût scellé peu de temps après le retour du séminaire et j’espère qu’il ne pointe pas encore et toujours chez Polo.

Je me souviens d’un collègue directeur qui, à table, exaspéré que d’autres séminaristes directeurs se plaignent des salaires trop élevés, pour leur goût, de certaines petites mains de l’entreprise avait balancé haut et fort : « c’est quand même bizarre que ce soit toujours ceux qui gagnent le plus qui trouvent que ceux qui gagnent le moins sont trop payés ». Un vent sibérien avait soufflé autour de la table ! Et j’avais été la seule à avoir dit : « c’est exactement ça ! ».  Je n’ai été, suite à cette approbation, ni virée, ni mise dans un placard, ni envoyée aux archives ou au tri des crayons. Ma bonne étoile sans doute. Mon aura peut-être !

Je raffole de l’activité du lendemain car je peux observer ces messieurs dans leur tentative, parfois désespérée, de montrer que : « c’est moi qui ait le plus de testostérone ».

Je refuse, à chaque fois, de participer à l’activité programmée sauf si elle est purement intellectuelle.

Si c’est une activité physique, sportive ou je ne sais quoi de similaire, je prétexte un mal de dents, car il est hors de question que je me ridiculise devant tout le monde et alors que je suis d’une nullité crasse pour les activités demandant force, endurance ou je ne sais quoi, du genre : faire du karting en tournant bêtement sur un circuit un nombre incalculable de fois ou bien compétition de canoë kayak. Je suis certaine d’arriver la dernière en tout. J’ai ma petite fierté tout de même ! Par contre, s’il faut tirer à la carabine, je suis championne ! et certaine de repartir avec une peluche ridicule.

J’observe avec délectation ces messieurs qui sont en nombre supérieur aux dames, le nombre de cadres hommes dans le monde du travail étant supérieur au nombre de cadres femmes.
Au cas où vous en douteriez : en 2016, il y avait dans notre beau pays, 4,3 millions de cadres dont seulement 34% de femmes.

Et là, je jubile, ces messieurs, mis en situation de compétition, tentent avec énergie et combativité d’être les meilleurs dans l’activité proposée et font tout pour ne pas perdre la face, écraser le copain d’à côté et montrer qu’ils assurent un max, Indiana Jones, Batman, qu’ils croient être. Les moyens qu’ils utilisent pour parvenir à leurs fins relèvent de l’école maternelle : tricheries, mauvaise foi, remise en cause des règles du jeu, mensonges éhontés, …

Certaines dames pouffent de rire, gloussent telles les poules et certaines dames, comme moi, pensent que tout cela est affligeant de connerie humaine !

Vivement le prochain séminaire !