Carol

Réalisateur : Todd Haynes

Date de sortie : 13 janvier 2016

Pays : UK, USA

Genre : Drame, Romance

Durée : 118 minutes

Budget : NC

Casting : Cate Blanchette (Carol Aird), Rooney Mara (Therese Belivet), Kyle Chandle (Harge Aird), Sarah Paulson (Abby)

Todd Haynes, réalisateur américain, aiment mettre en scène des femmes, mais pas n’importe lesquelles, des femmes fortes, prenant des risques en luttant contre les cadres exigus de leur époque. Il y eut Julianne Moore dans Loin du Paradis dorénavant il y aura Cate Blanchett et Rooney Mara dans Carol. Ce choix de scénario pas facile révèle un goût prononcé pour les prises de risque. Il l’avait fait avec I’m not there où il tissait une biographie bien particulière de Bob Dylan par le biais de 6 acteurs différents pour 6 périodes de sa vie. Audacieux, il raconte ici l’histoire de deux lesbiennes dans les années 1950, adaptée du roman de Patricia Highsmith sorti en 1952, Le gout du sel jugé sulfureux en son temps.  

New York, il neige, Noël approche, Carol Aird cherche un cadeau pour sa fille. Dans un grand magasin, elle fait la rencontre de Therese Belivet, charmante vendeuse de jouets qui lui propose un circuit de petits trains. Cet échange anodin, qui aurait pu s’arrêter là,  va se muer par un hasard provoqué en une romance peu conventionnelle pour les mœurs de cette société puritaine.

Le film est d’une grande beauté ! Les placements et les mouvements de la caméra traduisent à eux seuls l’état d’esprit des personnages. Au début du film, Therese est assise à côté de ses amis dans une voiture, par la fenêtre elle regarde la pluie tomber dehors, elle est absente et les discussions deviennent des bruits incompréhensibles, l’objectif se focalise sur elle et le reste de l’écran devient flou. Carol l’a perturbée. Les décors sont soignés et les années 1950 sont fidèlement ressuscitées, les immeubles, les voitures, les costumes, tout y est pour nous faire voyager dans le temps. Les lumières et les couleurs font preuve d’un grand travail, l’extérieur est dominé par le gris et le blanc évoquant la douceur et le froid d’un hiver calme tandis que les intérieurs sont composés de tons verdâtres, jaunes et de vieux roses pour un soucis de conformité avec les couleurs de cette époque. Des teintes qui tapissaient les maisons dans l’Amérique pré-Eisenhower.

Carol est surtout une magnifique histoire d’amour interdit, tout au moins, très mal perçu. Celui de deux femmes que tout oppose, Carol est riche, en plein divorce, mère d’une petite fille tandis que Therese est d’origine modeste, courtisé par un homme qui veut l’épouser et possède une passion mal assumée pour la photographie, ses clichés pourtant d’une belle qualité finissent dans un carton sous son évier. Bien que différentes, toutes deux partagent des points communs, la solitude et l’ennui, deux perceptions qui vont les rapprocher. Le jeu des actrices est d’une grande justesse, Cate Blanchett est magistrale, rayonnante, elle habite son rôle avec une grande élégance. Rooney Mara n’a pas usurpé son prix d’interprétation à Cannes l’an dernier, avec son visage fin, sa moue boudeuse, toute en retenue, une nouvelle Audrey Hepburn éclot à l’écran. « Un ange tombé du ciel » qui intervient à un moment fatidique pour Carol. Il est facile d’imaginer que sans cette rencontre, elle aurait pu commettre l’irréparable. Le duo est impliqué jusqu’au bout, allant même jusqu’à la scène de sexe.

Cette dernière création est également une ode à l’affirmation de soi, de l’orientation sexuelle assumée. Todd Haynes en homosexuel reconnu sait de quoi il parle et il traite le sujet avec justesse, loin des clichés et des caricatures. Les deux personnages iront même jusqu’à entreprendre un long voyage vers l’Ouest faisant un bras d’honneur symbolique à leur vie d’avant contrôlée par les hommes. Une virée émancipatrice, une douce parenthèse, qui sera là encore brisée par un homme. Car oui les hommes ont le mauvais rôle, entre un mari jaloux prêt au pire des chantages pour garder sa femme qui ne l’aime plus sous son emprise et un jeune prétendant, prétextant aimer sa promise, mais qui n’hésite pas à la tromper, le mâle est vil.  Dans la façon de d’exprimer également tout contraste, les deux femmes se lancent des regards, des gestes tendres, un mode de communication tout en douceur, alors que les hommes ne sont que paroles brusques et blessantes.