Les rapports, en France, entre le monde de la politique et celui des affaires

Ce texte fait suite à l’article écrit le 6 avril 2012, par Eelisavaleroy,  et intitulé "Une nouvelle force industrielle", ainsi qu’aux commentaires y relatifs 

 (cf. http://www.come4news.com/une-nouvelle-force-industrielle-682781#pc_229875).

Il se divise en deux volets, le premier étant consacré à l’examen lui-même des rapports entre le monde politique et celui des affaires, et le second à la situation des fonctionnaires.

 

A) Examen des rapports entre le pouvoir politique et le monde des affaires 

 

Si nous regardons la France depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, quels furent – je pose la question – les gouvernements les plus corrompus sous les présidents suivants : Auriol, Coty, De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterand, Chirac et Sarkozy.

 

Quant à moi je l’ignore, mais je pense que l’occupation des postes importants, aux plus hauts échelons de l’Etat et de l’économie, a dépendu, durant les cinquante dernières années, non seulement de l’appartenance à une famille politique (voire même à une secte, songeons aux Francs-Maçons) – chose qui existe depuis longtemps – mais également d’une formation spécifique (comme énarque, notamment).

 

S’ajoute à cela le fait que le rapport à l’argent a changé de fond en comble, depuis la mondialisation, dès les années 1980,  des rapports de production et d’échange. Et ce pour deux raisons : d’abord en raison de la privatisation des entreprises publiques et la délocalisation subséquente des unités de production des nouvelles unités privatisées dans les pays à bas salaires; et ensuite parce que les gens d’aujourd’hui veulent s’enrichir au maximum dans un temps très bref, chose qui ne peut se faire qu’à travers la spéculation boursière; ou, comme ce fut le cas au moment de l’introduction du néolibéralisme, grâce à la privatisation des entreprises publiques par des gouvernements dont les membres se sont enrichis à cette occasion.

 

Si donc il existe, depuis très longtemps, en France, une oligarchie où s’entremêle le monde de la politique et celui des affaires, celle-ci est de plus en plus  orientée vers la spéculation. J’entends par là que si le capitaliste-épargnant-investisseur se rémunérait, autrefois, sur l’intérêt de son épargne ou sur le profit de son investissement, il obtient, aujourd’hui, l’essentiel de ses gains sur la différence des cours boursiers (à la hausse comme à la baisse, ce qui explique qu’un dirigeant peut encaisser des bonus faramineux y compris quand sa propre entreprise fait des pertes, puisqu’il joue sur cette baisse, précisément, au moment de spéculer  – et ce même si une telle action est illégale puisqu’elle relève du délit d’initiés).

 

Or tout cela est possible car le Big Boss se paie une partie de ses bonus avec des stocks options. On dira peut-être que le personnel de l’entreprise en bénéficie lui aussi, parfois, ce qui le pousse à être le plus performant possible.

 

Et cependant, il est une chose que les gens extérieurs à l’entreprise ignorent la plupart du temps : à savoir que les seules personnes qui, au sein de l’entreprise, connaissent véritablement sa situation réelle, sont les membres de la direction : tous les autres (personnel, actionnaires, et, si l’on regarde à l’extérieur de l’entreprise, ses autorités de tutelle s’il s’agit de l’Etat, ou les journalistes) ignorent la situation réelle d’une entreprise. Et parce que les directeurs de l’entreprise peuvent être des escrocs (voir, par exemple, à cet égard, la faillite de la société Enron aux Etats-Unis) ,la direction de l’entreprise va inviter son personnel à être payé en titres de l’entreprise, tout en sachant que leur cours va s’effondrer dans quelques semaines.

 

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Pour en revenir à la France, il est bien clair que les imbrications, en France, entre le monde de la finance et celui de la politique ne datent pas d’aujourd’hui, puisque déjà au XIXe siècle, la Haute Banque (représentée  par les Rotschild, Perier, etc) était de connivence avec les hautes autorités de l’Etat, et notamment au moment de financer ses grands projets d’investissement.

 

Même chose, après la Seconde Guerre Mondiale, puisque durant cette période l’Etat joua un rôle actif à la fois dans la production et la distribution des richesses, et ce dans un environnement marqué par l’intégration de la France, non seulement dans une Europe en train de se faire, mais dans un monde de plus en plus dérégulé sur le plan économique.

 

Quant au gouvernement français lui-même, si une distanciation me paraît avoir toujours existé, entre le Président de la République et ses administrés (et qui n’a jamais été aussi grande que sous Charles de Gaulle), ce qui différencie, à mon avis, le gouvernement Sarkozy des autres, c’est cette tentative de rapprochement (ou de pseudo-rapprochement), de la part du Président d’une part, et,  d’autre part, cette modernité, ce kitsch ou ce glingling que l’on ne trouve nullement chez ses prédécesseurs (à telle enseigne que certains de ses membres sont, de mon point de vue, des parvenus sans scrupule, et qui n’ont, si ce sont de jolies nanas avec leur joli minois, que leur joli petit cul et leur opportunisme intéressé à faire valoir pour se gonfler personnellement les poches et celle de leur famille – qui est ici une famille personnelle et non la famille politique à laquelle tout ce joli monde appartient).

 

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Maintenant, si l’on regarde les choses avec un peu plus de recul, on peut constater :

 

1) que le rêve d’une gauche au pouvoir et travaillant pour le peuple n’a duré que durant les deux premières années du premier septennat de François Mitterand, et que, grâce à lui, tout une gauche caviard a pu truster les bons postes et s’empiffrer grâce à son accès à tous les postes à responsabilité – en quoi elle a démontré, en pareille circonstance, ne pas être meilleure que la droite;

 

2) que les deux grands partis de France que sont, aujourd’hui, l’UMP et le Parti Socialiste : a) se font arroser, avant,  pendant, et après les élections, par les patrons, ou les entreprises, ou tel groupement patronal, sur des caisses noires situées dans les paradis fiscaux (lesquels, pour cette raison même, ont encore de beaux jours devant eux); b) se servent, toutes les fois qu’ils sont au pouvoir, des marchés publics pour faire leur pelote grâce à de fausses factures ou à des adjudications illégales (toutes choses qui, pour être contraires à la loi, n’en existent pas moins – ce qui prouve que la détention du pouvoir corrompt les gens, et notamment quand ceux-ci sont des parvenus);

 

3) que les PDG des grands groupes privés étant du même bord, ou du même monde, que les dirigeants politiques, tout ce beau monde contrôle les leviers de pouvoir aussi bien dans la politique que dans l’économie, ce qui leur permet de s’assurer une jolie rente de situation (les uns en tant que PDG des grandes entreprises, et les autres comme ministres ou grands commis de l’Etat);

 

4) s’ajoute cela une spéculation mondiale qui permet, si les affaires dans ce secteur d’activité sont bien menées par les dirigeants des grands groupes d’affaires, à ces mêmes dirigeants d’accumuler de véritables fortunes; des dirigeants qui d’ailleurs se paient des bonus même si – ainsi qu’on l’a vu tout à l’heure – la situation de l’entreprise dirigée par eux se porte mal (ce qui présuppose qu’eux memes spéculent en bourse contre leur propre entreprise); tout en sachant que l’Etat viendra sauver l’entreprise en raison du risque systémique qu’elle représente, vu son importance, pour le reste de l’économie.

 

Et si l’Etat ne sauve pas les grandes banques ou les grandes entreprises industrielles en difficulté, faute d’argent pour le faire, ce sont des capitaux étrangers qui s’en chargeront. Avec ce résultat que des pans entiers de l’économie française passeront en mains étrangères.

 

5) Pour le reste, si, comme dans le cas de Total, les grands groupes financiers ou industriels français ont une vocation internationale (dans le pétrole, le gaz, etc), une partie de l’argent encaissé par eux le sera sur des caisses situées, à l’étranger, dans les paradis fiscaux, lesquelles pemettront le financement occulte des partis politiques et des campagnes menées par eux.

 

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A part cela, il existe aussi, en France, une ancienne noblesse et une ancienne bourgeoise qui vit sur la rente de son patrimoine (terres, actions, obligations, biens immobiliers, ect.) et qui participe elle aussi, en échange de bas taux d’imposition sur les gros revenus ou la fortune, au financement des campagnes des partis politiques.

 

En résumé,on peut considérer que la France a, à sa tête, aujourd’hui, deux sortes de riches : les anciens riches (dont l’exemple le plus frappant, est, aujourd’hui, Mme Bettencourt, héritière de l’Oréal reprise par Nestlé) et les nouveaux riches.

 

Or ces nouveaux riches, en France, ne font pas fortune de la même façon, par exemple, qu’aux Etats-Unis puisque là les Bill Gates, Steve Jobs, et Cie y créent des business dans l’informatique, ou dans d’autres secteurs industriels grâce à un fort esprit d’entreprise; alors qu’en France, par comparaison, l’esprit d’entreprise consiste principalement, pour les dirigeants des grands groupes : a) à délocaliser les unités de production dans les pays à bas salaire toutes les fois que les possibilités le permettent; b) à serrer au maximum les salaires du personnel et à augmenter très fortement les cadences de travail avec un volume restreint de main d’oeuvre; c) à puiser dans la caisse de l’entreprise, voire à endetter celle-ci au maximum si les opérations financières menées (notamment dans le domaine de la spéculation) sont en train de tourner court.

 

 

B) Situation des fonctionnaires

 

 

En règle générale, la question est de savoir si les fonctionnaires sont plus compétents et mieux payés (comme enseignants, infirmiers, médecins, ingénieurs, cheminots, etc . – puisque tout employé d’une collectivité publique est, d’une certaine façon, un fonctionnaire) lorsqu’ils travaillaient dans le secteur privé plutôt que dans le secteur public.

 

A cette question, certains répondront que la privatisation des services concernés ne peut qu’améliorer leur efficience, et donc aussi le revenu des prestataires de service. Mais quant à moi, je ne suis pas de cet avis, à condition que le gouvernement d’un pays ne vide pas l’Etat de sa substance en privatisant tous les services d’un côté et en allégeant les impôts des riches de l’autre.

 

Je vais vous donner un exemple qui fait sourire les gens à chaque fois que j’en parle : J’ai vécu en Suisse à une époque où étudier  dans une école publique était plus difficile qu’étudier dans des écoles privées, au motif que les diplômes du secteur public étaient d’un niveau si élevé (je pense ici au baccalauréat), que les enfants des riches qui ne parvenaient pas à suivre les cours dans les écoles publiques, étaient envoyés par leurs parents dans des écoles privées afin qu’ils puissent compenser leur retard moyennant finances.

 

Cela prouve donc que l’enseignement public était d’un très bon niveau (aujourd’hui je n’en sais rien), et que donc les enseignants dispensant cet enseignement l’étaient aussi.

 

Mais si vous videz les caisses de l’Etat, il est évident que les enseignants, ou bien iront dans le privé, afin de mieux gagner leur vie s’ils en ont la possibilité; ou bien seront précarisés s’ils ne peuvent pas le faire et si l’Etat n’a plus d’argent pour les payer convenablement.

 

Et moins l’Etat aura d’argent dans ses caisses, plus, en corollaire, il existera, en son sein – si les autorités désirent que l’Etat se gère comme une entreprise privée – des garde chiourmes chargés de contrôler que les gens de terrain soient performants, et qui les licencieront s’ils ne le sont pas.

 

Ce qui parfois n’a rien à voir avec la qualification professionnelle de l’enseignant, puisque c’est là un moyen – déguisé – pour l’Etat, de dégraisser ses effectifs.

 

Et ce qui vaut pour l’enseignant vaut également pour le médecin, l’infirmier, le technicien ou l’ingénieur de  France Télécom. Etc. etc.

 

Or ce garde-chiourme, quand bien même il serait une parfaite nullité dans le secteur qu’il est chargé de contrôler, n’en est pas moins payé par l’Etat en raison de l’économie qu’il lui fait faire de cette façon.

 

ET le système de devenir totalement vicieux quand ceux qui veulent monter dans la hiérarchie liciencient un maximum de subordonnés – quitte, pour cela, à réorganiser les unités qu’ils dirigent – et en faisant travailler plus ceux qui continuent à oeuvrer au sein de l’unité concernée. 

 

J’ajoute que la réorganisation des unités ne sert, le plus souvent, qu’à cela, et pas du tout à améliorer les compétences de chacun.

 

Quant au pantouflage de ceux qui se ramassent de jolis salaires à ne rien faire, s’il est bel et bien une réalité – comme le soulignent certains intervenants dans les articles publiés sur C4N -, force est néanmoins de constater qu’il est en diminution. De même, d’ailleurs, que le doublement ou le triplement des mêmes activités au sein d’une meme entreprise ou d’une même adiministration.

 

On précisera qu’un tel phénomène ne peut valoir que parmi des groupes publics ou privés suffisamment élargis pour permettre aux directeurs de tel ou tel département, ou de telle ou telle unité (police, gendarmerie, sécurité du territoire au sens large, etc.) de "se tirer dans les pattes" en marchant sur les plate-bande du voisin, puisque chaque responsable désire avoir sa part du gateau, ainsi qu’une notoriété qui dépendra forcément de la largeur du champ de compétences qui lui a été attribué.

 

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Ceci étant, les temps me paraissent avoir changé à propos de la manière dont les entreprises ou les banques ayant pignon sur rue engagent leurs cadres supérieurs.

 

A cet égard je voudrais rappeler ici qu’à une certaine époque, en Suisse, un cadre de haut niveau, pour être engagé dans une grande banque ou une grande entreprise, devait : a)  grader à l’armée (qui, en Suisse, est, mis à part quelques services très spécialisés, une armée de milice),  et b) être du bon parti politique (qui était à cette époque le parti radical).

 

Or les entreprises ou les banques se sont rendu compte, une fois plongées dans une concurrence opérant désormais à l’échelle mondiale, que le temps perdu par ces cadres, durant les nombreuses semaines passées à l’armée (et bien qu’elles fussent payées par des assurances spécifiques plutôt que par l’entreprise elle-même) représentait une charge pour elles puisque ceux-ci ne généraient  aucun revenu, durant tout ce temps, pour le compte de l’entreprise.

 

Tant est si bien qu’avec le temps, les dirigeants de ces entreprises en sont venues à engager, comme cadres supérieurs, des gens au bénéfice de diplômes spécifiques (notamment en gestion d’entreprise).

 

Et pareillement des administrations publiques, puisqu’elles aussi sont gérées, depuis récemment, selon les mêmes normes que les entreprises privées.

 

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Pour autant – et je me permets d’insister sur ce point – il n’existe pas que des effets positifs associés aux nouvelles méthodes de gestion, que ce soient dans les entreprises privées ou publiques – ou, sur un autre plan, que soit dans l’industrie, la banque-assurance, ou l’administration.

 

Prenons l’exemple d’un postier : chaque postier, aujourd’hui, doit faire sa tournée, le matin, en y consacrant tant de minutes, lesquelles ont été chronométrées sur la base d’un système stakhanoviste.

 

Mais le problème est que certains postiers étant aujourd’hui des intérimaires qui ne cessent de permuter, d’un jour sur l’autre, durant les tournées qu’ils ont à effectuer, ils ne connaissent, au départ, ni les personnes à qui ils doivent livrer lettres, recommandés, argent, ou paquets, ni les lieux (rue, immeuble, étage de l’immeuble, appartement de l’étage) où ces personnes résident.

 

Or à l’époque, quand la Poste était un servire public et que le postier était un employé à vie, il connaissait toutes les personnes et leur lieu de résidence, ce qui lui faisait gagner du temps au moment de la distribution du courrier ou des paquets.

 

Voilà un exemple qui montre que le nouveau management ne tient nullement compte des effets positifs associé à un ancien système qui avait, certes, ses aspects négatifs.

 

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