Une abbaye bénédictine, Sainte Énimie.




D’après la légende, l’abbaye de Sainte Énimie a été fondée, au VIIe siècle, sur le site de Burlatis, par la fille de Clotaire II et sœur du roi Dagobert, la princesse mérovingienne Énimie qui « désirait se consacrer à Dieu. » Mais, historiquement, le premier monastère attesté avait été établi, par l’évêque du Gévaudan, Saint Ilère, – Saint Hilaire -, au VIe siècle, vers l’an 530.

 

 

 

 

La création du Monastère de Sainte Énimie.


Assez rapidement l’édifice conventuel est tombé en désuétude et les documents, sur la vie de Sainte Énimie(1), ne donnent guère de détails sur la présence des moines. Selon cet écrit(2), « …Durant une courte période de vie sauvage, retirée dans une grotte, elle guérit des malades, – lépreux, aveugles, boiteux, paralytiques… -, rien qu’en les touchant, le plus spectaculaire de ces miracles étant la résurrection d’un enfant qui s’était noyé dans le Tarn. Par le même procédé, elle fait aussi couler une source qui s’était asséchée. La nouvelle se répand et des femmes la rejoignent pour l’aider. Elle décide alors de faire bâtir un monastère(3). On bâtit aussi un monastère pour moines. Énimie devient l’abbesse du complexe monastique, établi sous l’autorité de l’évêque. Elle ne fait plus de miracles jusqu’à la fin de sa vie. Le seul prodige raconté est d’ordre économique et concerne l’étonnante fertilité de la vallée du Tarn. Énimie a fait promettre aux nonnes de garder secret le lieu de son cercueil, caché dans la pierre dure et anonyme. Complices de leur abbesse, les nonnes réussissent à tromper le roi Dagobert, frère d’Énimie qui voulant transférer les reliques de sa sœur à Saint-Denis, y ramène le cercueil de la filleule d’Énimie qui portait le même prénom. La dernière nonne étant morte, Dieu révèle à un moine la localisation précise du tombeau. Les reliques sont révélées et leur culte s’institue. »

 

 


Le prieur de Sainte Énimie avait une certaine importance puisque le titre donnait un droit d’entrée aux États particuliers du Gévaudan. Deux siècles après la mort d’Enimie, les religieuses de l’abbaye qu’elle avait fondé, tombèrent dans un si grand relâchement, qu’en 951 l’évêque de Mende, décidant de « rétablir, dans son ancienne splendeur, le monastère en l’honneur de la Mère de Dieu, où reposent les restes de la Bienheureuse Énimie », se cru obligé de les remplacer par des bénédictins de l’abbaye de Saint Chaffre, près du Puy.

 

Donation, au Xe siècle, du Monastère de Sainte Enimie à l’Abbaye de Saint Chaffre.

 

Restauré, le bâtiment conventuel est confié au seigneur Dalmace, du couvent de Saint-Théofred dans le Velay, et placé sous l’ordre de Saint-Benoît. Si Dalmace accepte la charge du monastère, il refuse d’être dépendant d’un seigneur local et il en exige la donation totale et héréditaire. L’acte fut passé à Rome, le 5 Mai 951, devant le tombeau de Saint-Pierre et en présence du pape Agapet II, de l’évêque de Mende, Étienne, de celui du Puy, Godescalc et de nombreux clercs.

 

 


Dès lors, la terre, une terre exempte de seigneur, appartenant aux moines, devient une sauveté, une particularité qui a donné nom au Causse de Sauveterre, l’un des grands Causses du Massif Central. Rapidement, les moines de Saint Chaffre donnent au monastère un certain lustre. Les pèlerinages ne cessent de se multiplier vers les reliques d’Énimie.


Bref historique du monastère de Sainte Énimie.


Au XVe siècle, le monastère est peut-être élevé en abbaye. Le « premier abbé commendataire » est François Alamand, qui fut vicaire général du diocèse de Mende du temps de l’évêque Julien de la Rovère. C’est d’ailleurs lui qui avait été élu évêque vers 1478, mais avait résigné au profit du neveu de Sixte IV. Son oncle, également prénommé François, avait également été prieur de Sainte Énimie de 1425 à 1458, et avait obtenu de Charles VII des « lettres de sauvegarde » assurant la protection royale. C’est de lui qu’il a pris la succession, à son décès, en 1459. Il est alors protonotaire apostolique. Le monastère est alors composé de 12 moines.

 

 


En 1491, François Alamand obtient d’Innocent VIII le droit d’annuler les aliénations des biens de son monastère. Il est remplacé cette année-là par Antoine Raymond comme prieur, mais le remplace fréquemment lorsque ce dernier s’absente.


En 1597, le prieur obtient de l’abbaye mère de Saint-Chaffre que le monastère soit chauffé de novembre à avril.


En 1788, un Bref papal sécularise les Bénédictins de l’ancienne observance de Cluny. Ceci est appliqué au monastère de Sainte Énimie par l’évêque Jean-Arnaud de Castellane le 30 juillet 1790. Il supprime ainsi la vie monastique. Et la Révolution française vidant l’édifice conventuel de ses moines, la bâtisse, son mobilier et ses archives brûlés, – la bibliothèque, dont la combustion dura huit jours, donnait sur la place du Piot et comportait près de 2 000 ouvrages -, est vendue comme bien national, et est ensuite, servant de carrière, démembrée et incendiée.

 


Le monastère de Sainte Énimie.


Aujourd’hui, il ne subsiste que peu d’éléments, – quelques vestiges restaurés accueillant un collège, le Chemin des Moines longeant le rempart ouest, l’ermitage du Xe siècle, la chapelle Sainte Madeleine et la salle capitulaire, grande salle longue de 24 mètres construite pour endiguer le flot de pèlerins et servir de réfectoire, du XIIe siècle -, dans la bourgade de Sainte Énimie.


Notes.


(1) Elle est l’objet d’un culte immémorial dans le diocèse de Mende. La tradition parle de Sainte « Eremio », la Sainte Ermite. Ses reliques attirèrent les pèlerins dans les Gorges du Tarn où l’évêque Hilaire avait établi un monastère vers 530. En 951, ce monastère est pris en charge l’abbaye de Saint Chaffre près le Puy..

(2) Étude sur « La Vie de Sainte Énimie », de Bertrand de Marseille. Cristina Álvares

(3) Généralement, les monastères étaient bâtis sur d’anciens ermitages La vie en communauté exige une règle et très rapidement cette règle s’avérait être celle de Saint Benoît. Mais tandis que chez les hommes c’était leurs discours qui attiraient les foules, ici c’est la seule action thérapeutique du corps féminin qui les attire auprès d’Énimie.

 

11 Novembre 2012 © Raymond Matabosch