L’art au Marché ? Rester en marche vers le sommet de l’Art

Comme chaque année depuis 1903 à Paris, le Festival d’Automne aura donc rempli au mieux sa mission, notamment celle de promouvoir de nouveaux talents et de rendre l’Art plus accessible à tous. Alors que sa Présidente d’Honneur, Monique Baroni, expose une partie de ses œuvres reconnues au niveau international à la Galerie « L’Art et la Matière » (Isle Saint Louis – Paris), il semble qu’il y ait précisément « matière » à penser et à s’interroger sur le Marché actuel de l’Art en France. Bien des questions portent aussi sur la définition même de la politique culturelle appliquée sur le territoire. Gardons le travail et la véritable philosophie de l’Art de Monique Baroni comme exemple à suivre, dans la résistance à la médiocrité du « concept » prétendant au statut d’Art, comme les « éléments de langage » remplacent ailleurs la véritable pensée ou action. Une société aurait la « Culture » qu’elle mérite ?

 

Certains invitent à « ré-enchanter le monde » afin de sortir de la « crise ». La Présidente d’Honneur du Festival d’Automne s’inscrit dans cette démarche au niveau de ses créations, lesquelles tendent en effet à enchanter la vie par la Culture des nobles couleurs extérieures, ou intérieures.

 

Comme en atteste la vente récente d’un tableau de Francis Bacon à un tarif inégalé, le règne du néo « dieu » de l’Argent serait sans limites. L’Art constituerait un de ses « produits cibles » privilégiés. Les Trois Études de Lucian Freud, du peintre britannique mort en 1992, ont ainsi été acquises par la Galerie New-Yorkaise Acquavella, pour 142,4 millions de dollars. C’est l’œuvre d’Art la plus chère du monde. Le précédent record de vente d’un tableau avait été obtenu en mai 2012 pour une version du Cri d’Edvard Munch vendu 119,9 millions de dollars (89,2 millions d’euros) par la maison concurrente Sotheby’s. La dernière œuvre de Francis Bacon à s’être aussi bien vendue remontait à 2008 et s’élevait à 86,3 millions de dollars (64,1 millions d’euros). Entre l’Art et l’Argent ? La Culture véritable permettrait encore de faire la différence.

 

La petite minorité de l’Humanité qui s’approprie les 3/4 des ressources et biens trouve probablement une meilleure conscience à investir dans un domaine permettant d’afficher quelque niveau intellectuel ou culturel. Moral ? Cette notion est en voie d’être interdite au royaume des droits de l’Homme. La marchandisation  s’accommode peu de l’éthique. A l’image de la fête de la « Musique » mêlant les bruits les plus stériles et insignifiants aux plus grandes harmonies, le « Design », la Pub et les tatouages, auraient désormais voix au chapitre de la Peinture, de l’Art. Quelques chiffres au niveau de la comptabilité ? Elle s’impose plus que jamais en critère premier dans tous les secteurs. La « Culture » n’y échappera pas.

 

De façon significative notons qu’au niveau mondial le Marché de l’Art contemporain vient de dépasser en 2013 le milliard d’euros. Cela s’expliquerait par la croissance du nombre de collectionneurs. En l’espace de 20 ans ce Marché est passé de 500.000 à 70 millions de collectionneurs et plus de 270 millions de « consommateurs d’art. » Hélas, la France serait aujourd’hui très déclassée sur le circuit de l’Art contemporain

 

 

Avec un chiffre de ventes de 29 millions d’euros en 2012/2013 le pays de Voltaire et d’Hugo s’affiche comme mineur face aux 354 millions de chiffre d’affaires du Marché américain et chinois. La France de l’Art Contemporain perd de son influence même si son vivier de talents reste important. Le Salon d’Automne l’a confirmé  

Les professionnels français du Marché de l’Art ont au moins gagnés au niveau de certaines de leurs revendications, La TVA à l’importation d’œuvres d’art a vue son taux réduit.

La FIAC de Paris, qui se déroule aussi au mois d’Octobre aura pu fêter ses 40 bougies la tête haute. Elle « gagna » dans son extension spatiale,  couvrant non seulement le Grand Palais mais aussi les Jardins des Tuileries et des Plantes jusqu’aux Berges de la Seine. Sous la nef du Grand Palais 184 Galeries venues de 25 pays purent alors prendre place. Mais les Galeries françaises se comptant au nombre de 55 (contre 61 l’an dernier), elles ne représentaient que 30% des exposants. Les Etats-Unis renforcèrent encore leur influence incarnée par 33 Galeries (22 en 2010 et 30 en 2012). Avec 22 Galeries, l’Allemagne était en bonne place. L’Italie restait représentée par 13 Galeries, le Royaume-Uni par 12, la Belgique par 11. 

Enfin, avec seulement 5 Galeries la Suisse fît pourtant grand effet. Les plus familiers de Genève avaient une pensée pour le fameux Musée Barbier Mueller magistralement dirigé par Laurence Mattet. Cette année 2013 la vît être décorée à nouveau des plus hautes distinctions. A l’évidence, ce Musée parle fort pour son pays, et pour l’Art, en exemple de vraie politique Culturelle.

Quelle importance accorder au Marché de l’Art ? A-t-il une dimension économique suffisante pour garder durablement l’attention particulière des pouvoirs publics ? Il semble que la dynamique provienne de plus en plus d’initiatives privées. Si la France fût longtemps considérée comme la "Mère des Arts", ses enfants terribles semblent s’éparpiller au sein d’une action publique n’ayant pas été sans céder à la tentation du « concept » et autres démarches relevant plus du marketing et de « l’évènementiel » que de l’Art. Voir des élus  évoquer « la Nuit Blanche » ou « la Nuit des Musées », « Paris Plage », comme des incarnations majeures de la « Culture » ne laisse t’il pas deviner que la Capitale se soit endormie…assoupie ?

Si le Salon d’Automne aura su garder toute sa vigueur de façon exemplaire, la Capitale, le Pays, gagneraient à se réaffirmer par ce qu’ils ont su longtemps incarner aux yeux du monde, la Culture « en grand » ! Le recul sur le Marché de l’Art Contemporain est symbolique. Il reste à se souvenir que la France est au-delà de la « modernité » et des modes, son patrimoine, sa Mémoire, son excellence possible, font toute sa différence. Ce Marché de l’Art était jadis beaucoup plus glorieux, voire le premier du monde. Il s’est depuis un demi-siècle totalement affaissé. Paris a fortement reculé par rapport à Londres, sans même parler de New-York. La France se doit-elle de retrouver l’ambition des sommets ? En matière d’Art  et de Culture véritables.


Il semble qu’il faille résister au repliement autant qu’au mimétisme. Si certaines régressions  historiques sont avérées, ayant entraînées un déclassement, la France reste riche de tout ce qui la constitue. Sur le Marché de l’Art, sa puissance commerciale et sa renommée qualitative restent certains pour le mobilier du XVIIIème, pareillement pour les grands impressionnistes et les classiques de l’Art Moderne/ L’Art Contemporain ne serait pas son fort ? Certains veulent malgré tout s’en convaincre. La Mémoire, les racines, auraient mauvaise presse.
Pour tous les intérêts divergents ou contradictoires au sein des divers et nombreux acteurs (marchands, experts,  commissaires-priseurs, artistes et ayants droit, auctioneers, galeristes), le Marche de l’Art en France  est d’abord, menacé par lui-même. Que les autorités publiques se renient parfois en adoptant des stratégies concurrentielles mercantiles qu’elles ne savent pas maîtriser n’est pas pour favoriser une clarification nécessaire dans le rôle des uns et des autres. Une action publique Culturelle qui reprend possession du cadre général, laissant le secteur Privé jouer pleinement son rôle pour activer le Marché de l’Art ?
L’évaluation générale des tenants et aboutissants de ce domaine exige en outre des structures d’observation plus fiables. Par exemple, quelle fiabilité reconnaître aux chiffres de la fréquentation des Musées ?
Pour tous les intérêts divergents ou contradictoires au sein des divers et nombreux acteurs (marchands, experts,  commissaires-priseurs, artistes et ayants droit, auctioneers, galeristes), le Marche de l’Art en France  est d’abord, menacé par lui-même. Que les autorités publiques se renient parfois en adoptant des stratégies concurrentielles mercantiles qu’elles ne savent pas maîtriser n’est pas pour favoriser une clarification nécessaire dans le rôle des uns et des autres. Une action publique Culturelle qui reprend possession du cadre général, laissant le secteur Privé jouer pleinement son rôle pour activer le Marché de l’Art ?
L’évaluation générale des tenants et aboutissants de ce domaine exige en outre des structures d’observation plus fiables. Par exemple, quelle fiabilité reconnaître aux chiffres de la fréquentation des Musées ?

La France doit-elle se satisfaire de la 3ème place qui lui est encore parfois reconnue ? Ne pas laisser s’accroître exagérément la distance qui la sépare de Londres, New-York étant trop loin pour elle. Comme la crise sociétale générale le démontre, des problèmes fiscaux et parafiscaux  ne seraient pas étrangers à la perte d’influence française sur le Marché de l’Art. Malgré des avancées sur la TVA, cette dernière reste un facteur encore pénalisant au niveau de l’importation et du droit de suite. Qu’on le veuille ou non, c’est bien à Bruxelles que la partie se joue. La détermination  de la Grande Bretagne à garder certains « privilèges » fiscaux participe du recul de la France.

    

Les principaux Musées parisiens publient ainsi des résultats extraordinaires pour l’année 2012. Le Louvre affirme une augmentation de 14 %, (10 millions de visiteurs), Orsay et Guimet disent accroître leurs performances de 15%, le Centre Pompidou avance un progression de 6% de visiteurs. A contrario, le Musée du quai Branly admet une baisse de 10 % dans sa fréquentation. Ce dernier semble plus cohérent avec le contexte général de la régression française.

 

Même si les couloirs du Métro abondent en publicités diverses, s’agissant notamment ces derniers temps de « L’impressionnisme et la mode » ou de « Degas et le Nu »  à Orsay, les visiteurs eux même ne semblent pas se reconnaître aussi nombreux que les comptes rendus « officiels » le prétendent. Dernièrement, la Cour des Comptes montrait du doigt l’Institut du Monde Arabe, assurant que sa fréquentation n’était pas de un million de personnes par an comme il l’affirmait, mais de 350.000 

 

La bonne volonté ou dynamisent des établissements cités n’est pas en cause. Outre les effets de « la crise », dans ce domaine comme dans d’autres, la France aurait perdue son Latin ? La « culture » de l’évènementiel fêtocrate n’irait pas dans le sens d’un retour de la crédibilité. En matière d’Art aussi, savoir d’où l’on vient serait la meilleure façon de pouvoir dessiner un futur. Que la France retrouve un peu de sa Mémoire. Les « concepts » ne feront jamais une vraie politique Culturelle, durable et porteuse. La politique spectacle creuse toujours bien des tombes.

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Gardons que l’attractivité des Musées de Paris est passée de 400000 en 2001 à 2,4 millions en 2012. Mais selon un Rapport du Conseil Régional (CRC ) portant sur le patrimoine muséographique de le Ville de Paris "aucun des Musées Municipaux de la Ville ne figure dans le palmarès des sites culturels les plus fréquentés ».

 

Que la France et sa Capitale aient à réinventer un modèle économique du Marché de l’Art ? Que ce secteur ne soit que le reflet d’une crise systémique générale ?

A moins qu’il ne s’agisse aussi d’une crise d’identité Culturelle. A toujours courir après une « modernité » ou « branchitude » que des Capitales ou grandes villes étrangères (Londres, Berlin, New York…) auraient le « génie » de savoir répandre, à trop renier ses racines, l’ex « Mère des Arts » serait veuve pour avoir tuée tous ses pères ou maîtres d’œuvres. Pour éviter toute remise en question réelle s’agissant d’une politique Culturelle perdue en cours de route, bien des décideurs sauront trouver dans les nouvelles technologies et les échanges instantanés de la « Ville Monde » l’explication à tout. Quels que soient les supports marchands ou moyens de diffusion, l’erreur serait de confondre les déficiences de contenant et de contenu. Sans nier la réalité ou nécessité du Marche, la « puissance créative » demeure primordiale pour tout ce qui relève de l’économie de la connaissance et des Arts. Quel est le « message »  Culturel de la France ?

 

Etre riche d’un patrimoine sans égal ou presque, et se perdre dans un « culte » du « Concept » ? A trop attribuer le sceau « Contemporain » à tout et rien, à surtout à  rien, pouvoir encore prétendre aux sommets de l’Art ?  La France serait un clown triste.

 

Tout comme les élus gagneraient à retourner plus souvent sur le terrain pour valider ou non leurs mesures, comprendre le Marché de l’Art exigerait d’être plus à l’écoute des Galeristes ? Notamment. Retrouver l’Art et la Matière…

 

Oubliant que la Culture n’est pas sans fédérer un pays pour en être le creuset même, reliant à un imaginaire autant qu’à une Histoire, certains s’étonneront qu’un candidat aux plus hautes fonctions ait pu déclarer en Mai 2012 que « le budget de la Culture sera entièrement sanctuarisé durant le prochain quinquennat ».et que dans le budget 2013 la « mission culture » voit ses crédits reculer de 4,5%…( 114 millions d’euros). Le projet pluriannuel  de la loi « finances » prévoit en outre une réduction encore plus radicale d’ici 2015, avec un recul de -7,5% (soit -191 millions d’euros). La Culture est morte, vive la Culture ?

 

Alors que d’autres pays initialement moins bien « armés » au niveau de l’Art, qu’il s’agisse du Patrimoine ou du vivier de nouveaux talents, ont contribués à voir le Marché de l’Art Contemporain dépasser en 2013 le milliard d’euros de chiffre d’affaires, la France s’apparente donc à une éternelle jeunette pleine de ressources vives…mais qui se mettrait en retraite anticipée.

 

Qu’il faille s’inspirer de la nouvelle politique culturelle de la Suisse ?

 

Outre la dynamique exemplaire du renommé Musée Barbier Mueller qui n’est oas sans oser la rencontre en son sein de toutes les étapes de la civilisation (même les Religions anciennes), les propos du Conseiller fédéral Alain Berset (Cf GenèveActive) souhaitant  « renforcer la cohérence et la continuité des actions menées par tous les acteurs de la vie culturelle (…) pour offrir une meilleure visibilité de la culture Suisse à l’étranger » assise sur « une vision ambitieuse pour la culture », propos qui détonnent avec la morne plaise française actuelle.

 

De Monique Baroni à Laurence Mattet, la même exigence forgée bien loin de la « culture » des concepts. Puisse la « Mère des Arts » retrouver au plus vite, l’ambition des sommets, et ré-enchanter le monde de ses plus vives couleurs.

 

Guillaume Boucard