Burundi, les mannes secrètes du pouvoir

L’argent est l’opium des faibles et ceux qui n’ont pas d’idéal pour développer le pays, développe le fond de leurs poches.

Même si souvent, on dit qu’il faut surtout écouter ce qu’on dit et ne pas suivre ce qu’on fait, certains peuples savent qu’il ne faut surtout pas écouter les dirigeants mais les observer dans leurs actes. Les grands moralistes, les prétendus incorruptibles qui le chantent haut et fort sont souvent les plus corrompus. L’ancien Président zaïrois Mobutu disait que la chèvre broute là où elle est attachée. Pour avoir la paix, il laissait ses ministres voler pour qu’il ne soit pas inquiété dans le pillage du Zaïre. Les ministres laissaient les directeurs généraux voler. Les directeurs généraux laissaient les directeurs voler. Les directeurs laissaient les employés voler. Tout le pays était volé par ceux qui avaient au moins un petit pouvoir ou de quoi voler. L’article 15 « débrouillez-vous » signifiait tout simplement, « Arrêter de crier, voler tant que vous pouvez ». Pauvre citoyen qui ne pouvait pas voler et qui était chaque fois rançonné !

Il y a plus de dix ans, les Burundais se moquaient de ce qui se passait au Zaïre, actuel Congo démocratique. Aujourd’hui, le Zaïre de Mobutu n’est pas très différent du Burundi. Des détournements, des cas de corruption sont fréquents chez la majorité des ministres burundais, même à la présidence de la République. Ils ne sont jamais sanctionnés. Que fait le Président ? Est-il aveugle ou est-il plus pris par la prière ou le football ? Et si le Président de la République était corrompu !

Deux dossiers poussent à des interrogations. Les cahiers ougandais et le pétrole nigérian.

Quelle est la relation entre la dette ougandaise à l’égard du Burundi et un don de cahiers pour cinq ans ?

Tout commence par la guerre de Museveni pour la prise du pouvoir contre Oboté. L’ancien Président Bagaza a beaucoup aidé Museveni. Les tenues militaires et les chaussures destinées à l’armée burundaise allaient directement dans les maquis au profit des rebelles de Museveni. La bière de Bujumbura allait aussi dans les maquis. Le tout constituait un prêt d’un montant de 8 millions de dollars. L’Ouganda de Museveni doit au Burundi une créance de 8 millions et si on ajoute les intérêts, on arrive à 14 millions de dollars. Dieu seul sait que le Burundi d’aujourd’hui a besoin de cet argent. Pourtant, la dette a été effacée par un coup de baguette magique par le Président Nkurunziza.

Au cours d’une visite en Ouganda, le Président Nkurunziza a conclu un contrat très louche. Le Burundi annule la créance ougandaise contre la fourniture des cahiers sous forme de dons pour cinq ans. Ce qui est frappant, c’est que les cahiers ne sont pas évalués financièrement alors que la dette et les intérêts sont évalués à 14 millions de dollars.

Pourquoi les cahiers ? Une idée saugrenue ? Non, car le Président Ougandais est associé dans une imprimerie avec un Indien qui travaille en Ouganda. Leur société avait des problèmes pour écouler les cahiers fabriqués. L’idée est venue alors au Président Ougandais de rembourser la dette de l’Ouganda par des cahiers invendus et d’autres productions des années à venir pour maintenir le rythme de travail de l’imprimerie. Entre temps, l’imprimerie burundaise connaissait des difficultés liées à l’absence de ce marché.

De retour au Burundi, le Président Nkurunziza annonce un don de l’Ouganda des cahiers sans parler de la créance annulée. Les Burundais ont pensé à la générosité des Ougandais alors que c’était la « générosité » des Burundais.

Ce don des cahiers est aussi néfaste pour l’économie car il fait tourner les imprimeries ougandaises, mettant au chômage les Burundais. L’économie y perd aussi sa valeur ajoutée sans parler des 14 milliards de francs Bu.

Cerise sur le gâteau, la société ougandaise qui fournit les cahiers est la même société qui est impliquée dans la vente du Falcon présidentiel. Certains disent que la vente du Falcon est la suite de l’annulation de cette créance. Tout devenait possible.

Dans tous les cas, le Président de la République, qui a dépêché en Ouganda plus de deux fois son ministre des finances pour signer un protocole sans le discuter, n’est pas aussi innocent que certains pourront le croire. Le manque à gagner du Burundi a profité à quelqu’un. Comme le disait le chimiste Lavoisier, « Rien ne se perd, rien se crée, tout se transforme ». L’argent que le pays perd va dans les poches des autres. Je suis convaincu que le bon Dieu n’a jamais dit qu’il faut prendre l’argent du peuple aussi pauvre que les Burundais pour s’enrichir sur leurs dos. Le Président Burundais se vantait devant des journalistes dans un cadre privé que Dieu merci, il n’a pas de besoin d’argent pour signifier qu’il en a suffisamment. Or, il a déjà distribué 10 fois ses salaires et intendance. Quel miracle ! A moins que les pierres soient transformées en pain ! Vive la bonne volonté de Dieu !

Le pétrole nigérian, le grand secret financier et vivier de la corruption du pouvoir burundais

Tout est parti d’une volonté du pouvoir nigérian de détourner l’argent et de dépasser le quota attribué par l’OPEP. Le Nigéria a demandé à l’OPEP l’autorisation de dépasser le quota qui lui est attribué et distribuer le différentiel aux pays africains afin de leur permettre de s’équiper.

Chaque pays recevait son quota de barils par jour. Le Burundi a eu 15 000 barils par jour. Le nombre de barils exportables est de 840 000. Il faut presque deux mois pour exporter. Il s’agit du pétrole brut. Le Burundi a alors choisi un courtier qui se charge de négocier les raffineurs et exporter ce pétrole. Le Nigéria vend au Burundi au prix bas et le Burundi le vend au prix du marché. Les dirigeants du Burundi empochent une commission et les Nigérians empochent la grosse part de la différence entre le prix d’amis et le prix du marché mondial. Ce système permet aux dirigeants nigérians d’empochent de grosses sommes laissant aux Burundais quelques millions de dollars.

Officiellement, le Burundi reçoit 80 000$ par trimestre. Officieusement, ce sont des millions de dollars qui sont apportés en valises directement à la présidence et une partie sur un compte de la BRB.

Qui fait quoi et depuis quand ?

Un certain Dieudonné Kwizera a été à la base de ces contacts depuis les derniers mois de Buyoya III. Il a continué surtout avec l’ancien Président Ndayizeye qui en a beaucoup profité. Les Présidents empochent un certain pourcentage d’un montant variable en fonction des cours mondiaux du pétrole. Ndayizeye avait même laissé le Falcon présidentiel à Kwizera et deux de ses ministres deux fois pour se rendre discrètement au Nigéria.

Le Président Nkurunziza a continué la pratique. Il empoche des millions de dollars via certains intermédiaires. Kwizera reste dans le circuit. Isaac Bizimana, gouverneur de la BRB, ancien conseiller économique du Président de la République, est aussi chargé de ce dossier. Il y a aussi Akpan, un Nigérian et le directeur de cabinet du Président, le fameux Mbazumutima. Ceusx qui sont cités reçoivent aussi un petit pourcentage.

Cet argent est géré directement par le directeur de cabinet civil du Président de la République Mr Mbazumutima. Le lecteur comprendra que ce Mbazumutima est aussi impliqué à fond dans la vente illicite du Falcon présidentiel.

Cet argent ne rentre pas dans le budget de l’Etat. Il ne profite en rien aux Burundais si on exclut l’argent distribué par le Président de la République d’une façon informelle.

L’intermédiaire nigérian se rend régulièrement à Bujumbura pour donner aussi des enveloppes de main à main.

Le pétrole nigérian pourrait faire baisser les prix du carburant au Burundi. Cependant, il sert plutôt à augmenter la richesse de certains dirigeants. S’il était vendu directement au Burundi ou s’il servait à couvrir les variations du prix du carburant, les prix en général pourraient baisser pour le bonheur des Burundais. La hausse du prix du carburant influe sur le transport des marchandises et la transformation des produits. Ce don du Nigéria était une manne du ciel au peuple burundais. Dieu propose, les hommes disposent. Le pouvoir en a voulu ainsi. Les Burundais devront patienter et payer quelques centaines de francs le litre à la pompe pour enrichir leurs dirigeants.

La corruption est le grand facteur du sous-développement. Si le Burundi est parmi les trois derniers pays les plus pauvres au monde, ce n’est pas parce qu’il manque des ressources naturelles, humaines ou techniques. Il faudrait plutôt chercher du côté de la corruption. Débarrassé de la corruption en particulier et de la mauvaise gouvernance en général, le Burundi pourrait faire un décollage économique et social.

 

Gratien Rukindikiza – burundibwacu.org – mai 2007

Psychanlyse du dirigeant noir africain 

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