Cinéma : Zero Dark Thirty, un film décoiffant !

Ben Laden, le leader d’Al Qaïda, ce personnage mystérieux aux redondants enregistrements vidéos menaçants qui, à notre grande frustration avait fini bouche cousue, englouti dans les fonds marins, est de retour pour les besoins du cinéma. Une  grande polémique a été déclenchée autour de ce film qui est consacré à sa traque, Zero dark Thiry de Kathryn Bigelow. En effet une forme d’apologie de la torture sous tend le film, avec cette dernière dépeinte comme méthode incontournable afin de récolter des informations, alors que seules les méthodes classiques d’espionnage s’étaient avérées efficaces lors de la capture de Ben Laden. 

Sachant que l’équipe de tournage a bel et bien bénéficié de collaboration de la part du ministère de la Défense, de telles insinuations trompeuses  s’apparenteraient selon les détracteurs, à une forme de propagande ourdie par le Pentagone via Hollywood, car initialement le film devait sortir avant les élections présidentielles. Quant à la réalisatrice, elle réfute le reproche selon lequel elle ferait à travers son œuvre, l’apologie de la torture se défendant d’y relater des faits à l’état brut sans tomber dans la propagande. 

C’est l’histoire en gros d’une traque étalée sur une période de dix ans qui met en scène des modes de tortures abominables comme les simulations de noyage, l’utilisation de collier de chien, de boîte pour enfermer le prisonnier, d’abrutissement par la musique pour interdire tout sommeil…A côté, il y a toute cette bureaucratie avec son épineux travail de fourmi marqué  par les hauts et  bas de ces investigateurs, obnubilé chacun par un mobile personnel. Cependant, le mérite du succès de cette opération de grande envergure incombe en particulier à l’entêtement de Maya, (Jessica Chastain), l’analyste de la CIA laquelle semble cautionner, pour faire la guerre au terrorisme, le principe des interrogatoires. Son influence majeure sur le déroulement de cette stratégie dans une logique d’inflexibilité absolue face aux supplices des victimes, rend  presque indécente cette manière obstinée à vouloir filmer son charme en s‘y appesantissant. 

Après un début de feuilleton en ce maudit jour de septembre, l’assaut  par les forces spéciales américaines de la forteresse de Ben Laden à Abbotabad  au Pakistan vient achever le film. Une capture faite dans la précipitation, la brutalité, qui aurait pu certainement se dérouler différemment en épargnant des morts si bien qu’il est trop dur de l’applaudir. 

Je suis sortie lessivée de ce film qui n’a de langage que la violence. Un film bourré de clichés, de dénis, d’irrespect et moi je lui préfère largement le monde d’ "Ernest et Célestine" !

Depuis la mort de Ben Laden, la lutte contre le terrorisme se poursuit. Une méthode de lutte ô combien plus terroriste que le terrorisme lui-même.  De savoir qu’un membre des académies des arts et sciences qui décerne les oscars a décidé de boycotter le film et son équipe car « la torture n’y est jamais reconnue comme immorale, criminelle », me rassure. Et de surenchérir, « Jessica Chastain par sa beauté et sa posture dure mais vulnérable, réussit à rendre l’extrême brutalité bizarrement héroïque ». 

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