S’expatrier ? Comme Jean Noel Vandaelle, tous ceux qui l’ aiment et qui la quittent

L’expulsion de la collégienne d’origine kosovare, Leonarda Dibrani aura donc entraînée le retour du débat favori des périodes électorales, l’immigration. A quelques mois des Municipales cela relèverait d‘un pur hasard, tout autant que la promotion parallèle du charisme et de l’autorité supposés d’un ministre. Reste que le titulaire actuel du ministère de l’intérieur ne cache pas ses nobles origines espagnoles. Immigration ? L’expatriation constituerait en parallèle un phénomène croissant, et passé sous silence
Selon Jean Noel Vandaelle « le fond du problème culturel français transparaît avec Yello », né de l’Art de la peinture « devenue une cause perdue en France ». Il dénonce avec vigueur une « dictature intellectuelle dans l’art contemporain  français, portée à son paroxysme dans les années 80-90 » et qui aurait « tuée la peinture française ». Il y insiste, Yello « ne pouvait voir le jour qu’en Amérique ! » face au « sectarisme » et à l’approche institutionnelle sclérosée qui caractérisent ce qu’il reste de « culture » française. Désormais, il se revendique et ressent comme « un artiste américain né en France ».

Que le pays des droits de l’Homme propose la scission d’une famille s’inscrit « idéalement » dans la destruction programmée de la famille, du couple, de la filiation ? De la France avec elle-même.

Qu’on l’approuve ou pas, la logique d’ensemble est cohérente. La présidente du FN ne manqua pas de prétende « qu’on a touché le fond » estimant que le chef de l’Etat aura "abaissé" et "humilié" la France en participant à une affaire "qui ne relève même pas de la responsabilité d’un sous-préfet". Selon elle, le président « a appuyé sur le bouton de l’aspirateur à clandestins". Désavouant un ministre autant que lui-même, il a en effet proposé à la jeune fille de revenir en France pour reprendre sa scolarité, excluant un retour du reste de sa famille, notamment de son père. Décidément, la France n’en finit plus de « tuer le père » dans toute sa symbolique d’autorité. Ex patrie ?

Le chef du principal parti démocratique d’opposition s’interrogeait aussi sur « l’humanité dans l’idée d’un président de la République de vouloir séparer une enfant de sa famille " tout en affirmant qu’un retour en France de la famille Dibrani serait "un appel d’air terrible". Le rapport de l’inspection générale de l’administration justifie l’expulsion du père, Resat Dibrani, après épuisement de tous les recours, par le fait que son comportement ne "dénotait pas une réelle volonté de s’intégrer à la société française". La France « tu l’aimes, mais tu dois la quitter » ? Entre immigration et expatriation volontaire, quelque chose interroge les « droits de l’Homme » et le pays qui prétend encore à les incarner de façon exemplaire.

Outre le ping-pong idéologique de l’immigration autour duquel les scrutins électoraux tendent à tourner depuis les années 80, début de l’émergence savamment organisée d’un vilain parti d’extrême droite, la France n’est donc pas sans voir bon nombre de ses citoyens s’expatrier, de gré, et plus souvent de force, à bout de force. Pourquoi ?

Les raisons sont diverses, qu’il s’agisse de suivre des études dans des universités d’un meilleur niveau ou système de formation, pour « refaire sa vie », ou  vivre une expérience, bien sûr, pour trouver un bon emploi sans voir son salaire réduit à peau de chagrin après essorage lié aux taxes multiples made in France. L’impossibilité de se réaliser demeure la raison la plus évoquée. Nous y reviendrons.

Malgré tout, certains voient encore dans la France, un eldorado. Les mauvaises langues, ou les plus lucides, évoquent une couverture sociale constituant en soi l’appel d’air majeur pour « la misère du monde ». Mais toujours plus nombreux aussi sont ceux qui s’éloignent de leur Terre natale française pour ne pouvoir vraiment s’y épanouir professionnellement et personnellement. De façon tout à fait emblématique l’artiste peintre Jean Noel Vandaelle illustre cette dernière cause évoquée de l’expatriation. Les Etats-Unis ne s’y trompèrent pas en l’accueillant. Son génie saute aux yeux. Ses conférences nombreuses couronnent actuellement un succès justifié. Il a « réussi » dans son Art, aussi parce que son pays d’accueil, qu’il considère aujourd’hui comme le sien, aura su lui permettre.

Selon ses propos « après vingt années passées a "galérer" en France » il affirme avoir retrouvé le champ des possibles, ailleurs. Le « rêve américain » resterait donc une réalité en gestation pour qui dispose d’un véritable talent, et courage. Jean Noel Vandaelle cite volontiers Coriolan de Shakespeare "There is a world elsewhere". Comme nous le verrons, bien des français “de souche” ressentent actuellement, plus que jamais auparavant, l’appel et l’espoir du lointain. La France ne s’aime plus assez pour aimer vraiment ses citoyens.

La première exposition de Jean Noel Vandaelle eut ainsi lieu a Phoenix, en Arizona. Son personnage Yello bénéficia rapidement d’une notoriété croissante aux Etats-Unis. Cela illustre selon l’artiste une double « reconnaissance ». Celle d’un pays choisi à son égard. La sienne pour cette vraie terre américaine d’accueil. La France ne saurait plus « reconnaître » les siens, se rêvant idéale dans ceux qu’elle reçoit sans avoir les moyens de rester à la hauteur du fantasme qu’elle est devenue, ou pire, de sa caricature. Le « pays des droits de l’Homme » ne cesse de bafouer ses ambitions « Humanistes » qu’il distribue aux pigeons les plus naïfs ou, désespérés.


Chacun se souvient d’un premier ministre débutant n’hésitant pas à traiter de « minable » Gérard Depardieu, une des rares stars françaises mondialement connues et servant de fait au plus haut la renommée de la France. Les propos de Jean Noel Vandaelle raisonnent assurément pour la psychologie française plus globale, économique et sociale, autant que culturelle.

Dans bien d’autres domaines que l’Art, le pays le plus visité au monde qu’est la France serait ainsi devenu incapable de retenir ses meilleurs talents, dans l’Art comme dans la création d’entreprise. Bien qu’il s’apparente toujours plus à un pays vitrine de musée (cachant une misère accrue en coulisse), sa Capitale en premier lieu, les artistes et créateurs s’en détourneraient de plus en plus.

Avec courage, sincérité, inscrit dans une éthique véritable, Jean Noel Vandaelle compte actuellement parmi les grands aux Etats-Unis et au Japon, notamment. Que de chemin parcouru depuis cette année 2004 qui le voyait accueilli pour une année en résidence d’artiste à New York  Son œuvre Yellow Head and the Maritime Adventure  ne tardait pas à être exposée la même année au Newhouse Center for Contemporary Art à New York (600 m2 d’exposition). Poursuivant une ascension exceptionnelle, il présentait ces dernières années au Gilchrist Museum of Arts dans le Maryland, une grande exposition consacrée à l’évolution de son œuvre depuis, 2002… Un artiste américain majeur, né en France. Bien maladroit « pays des droits de l’Homme ».

 

 

Selon un bilan (31 décembre 2012) du ministère des affaires étrangères, 1 611 054  de nos compatriotes étaient inscrits au registre mondial des Français établis hors de France, soit une hausse de 1,1% par rapport à l’année précédente. Plus largement, la communauté française établie hors de France a augmentée fortement pendant la dernière décennie. La population inscrite au registre s’est accrue de 60% depuis l’année 2000, soit un taux de croissance moyen annuel de 4% par an, accompagné de "pics" occasionnels en 2006  et 2011. La proximité des Présidentielles ferait-elle fuir les concitoyens ? La dernière aurait battue tous les records en perte d’attractivité et de crédibilité pour la France.

 

Les variations des populations sont différentes d’une région à l’autre. Certains pays connaissent une expansion plus importante de leur communauté française (c’est le cas de l’Asie Océanie et l’Afrique du Nord). La moitié des Français expatriés reste établie en Europe. Comme Jean Noel Vandaelle, près de 19%…s’exilent aux Etats Unis, et 15% en Afrique. L’Asie-Océanie représente donc 7,5% des destinations choisies, le Proche et Moyen Orient près de 9%. Tous ces chiffres sont publiés par le Ministère des Affaires Etrangères.

 

Une France pour laquelle certains présentent l’immigration comme une planche de salut (la démographie nationale atteste d’une santé enviée par bien des pays, dont l’Allemagne) et nécessité quasi vitale ? Et qui se vide en parallèle de bon nombre de ses citoyens d’origine ? Certains vases « communicants » échapperaient au règne des éléments de langage.

Depuis la Présidentielle 2012, bien des études évoquent bon nombre: de riches Français effrayés par les annonces permanentes de taxation nouvelle (la ritournelle des  75% d’imposition aura fait des ravages dans les mentalités culpabilisées par « l’argent sale » des « diaboliques patrons »…), ces vilains riches font leurs bagages pour fuir leur pays à nouveau dominé par un socialisme non encore vidangé du marxisme primaire. En juin 2013, le Premier ministre britannique David Cameron n’hésitait pas à se dire ouvert à dérouler le tapis rouge aux entreprises et citoyens fortunés français fuyant le néo règne de l’imposition promue en gavage du mammouth toujours plus fonctionnarisé, aussi dans les pensées. La France survivra t’elle à une régression infantile dans son rétroviseur idéologique ?

Le 8 septembre dernier, Bernard Arnaulr, homme le plus riche de France et d’Europe entendait donc obtenir la double nationalité Belge, tout en niant vouloir s’exiler fiscalement. Même si cette intention ne serait plus d’actualité, cet arbre cacherait une forêt d’entrepreneurs. Lorsqu’un président "n’aime pas les riches" (tout en les côtoyant de façon « privilégiée » en coulisse ?), il ne faut pas s’étonner que certains mettent leurs ambitions créatrices en berne et pareillement leurs projets innovants, voire, qu’ils songent à s’expatrier. Une France qui ne veut plus se voir en peinture ? Seulement chez les antiquaires spécialistes en vieilles lunes idéologiques ou momies. Pour certains, l’exil des plus fortunés serait un mythe errant dans les rues cycliques de l’arrivée de la Gauche au pouvoir. Les chiffres évoqués précédemment attestent de la fuite croissante de la richesse, aussi en ressource humaine.

Qui ignore encore que 44 citoyens français font partie des 300 personnes les plus riches de Suisse ? Quel entrepreneur ne sait pas encore qu’il est plus avantageux de revendre sa boite en Belgique qu’en France, afin de ne pas voir ses plus-values exagérément imposées ?  Pour échapper à l’ISF et investir dans l’immobilier, Londres reste la destination phare. Echapper à des droits de succession exorbitants alors que la mort vous guette ? Prenez votre billet pour l’Italie ou l’Espagne ! Au-delà de la formulation humoristique, les faits sont là, révélateurs. La France actuelle ? Ils sont nombreux à l’aimer, mais à ne plus la « supporter ».

Vous êtes au chômage ? Les cours accélérés en langue germanique participeraient d’une urgence. Face au taux de chômage désorùais bien supérieur à 10%, trouver du travail en France exige une âme pour le moins téméraire, ou sacrificielle, face à la menace d’être « librement » contraint à des emplois aidés ou formations spécialisées en baisse des chiffres du chômage (l’informatique ! ). Avec son taux de chômage inférieur à 7%, l’Allemagne connaît depuis le début de la crise un afflux sans précédent d’immigrés provenant du sud de l’Europe, de la France. Pour travailler dans les secteurs de l’éducation, de l’énergie, du bâtiment, de la santé, s’expatrier vers les pays du Golfe (Arabie Saoudite, Emirats arabes, Koweit) ?  Pour ceux qui ont le plus le goût du risque et ne sont pas trop « exigeants » niveau condition et respect du droit du travail, direction la Chine, l’Inde ou le Brésil. Un bon niveau d’anglais ? Alors les Etats-Unis, que vous soyez peintre ou artiste peintre, informaticien, très entrepreneur par nature ou de formation, New York reste très sensible au supplément « valeurs » frenchy…plus encore que la France elle-même ?

Vous exiler tout en gardant l’attachement à la Langue française ? Le Québec et le Canada permettraient de bien se réaliser dans un environnement francophone

Chaque année l’ambassade du Canada à Paris propose ainsi 6750 "permis vacances Travail" (visas de un an). A la mi Novembre 2012, en moins de 48 heures tous avaient été attribués.

Vive le Québec libre ? En 2012, plus de 4000 Français se sont exilés au Québec. Ils étaient 2400 en 2011…Pour peu qu’on y ajoute les 6750 «permis vacances travail » et tous les expatriés avec autres types de visas temporaires, les 10000 étudiants dans les universités québécoises (chiffre en forte hausse), difficile de nier que bien des français reprennent leur liberté face à une France dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Les propos de Jean Noel Vandaelle trouvent décidément un écho très étendu.

 

A contrario de Leonarda Dibrani, et de sa famille, bon nombre de citoyens français « de souche » tarderaient même à revenir au pays lorsque la durée des divers types de visas vient à expirer. On les classerait dans la catégorie « clandestins français ». De façon tout à fait légale et officielle, gardons que 150.000 de nos compatriotes vivraient dans ces pays de culture si voisine.

 

Les derniers chiffres du ministère des affaires étrangères statuent sur une augmentation du nombre d’expatriés inscrits sur les registres consulaires (17.000 inscrits de plus comparativement à 2011). Ils étaient donc fin 2012, au moins 1.611.000 français déclarés auprès des Consulats comme établis hors de France. Mais la population globale des Français non-résidents (inscrits et non-inscrits) est estimée à 2,8 millions de personnes.  Le pourquoi ?

 

La raison financière ne serait pas prioritaire pour le français « lambda » décidant de s’expatrier, sans nier qu’elle le reste pour les plus fortunés. Ainsi, pour 63 % des expatriés la motivation principale reposerait sur la recherche d’une nouvelle expérience professionnelle, encore possible… Et 30 % placeraient leurs attentes prioritaires dans une augmentation de revenus. Gardons que 80,2 % des Français expatriés disent vouloir avant tout s’ouvrir à de nouveaux pays, à d’autres cultures, aussi de l’entreprise.

 

Même si 30 000 offres d’emplois ont été proposées par Pôle emploi international en 2011, dont 70 % vers l’Europe, dans les secteurs du tourisme, de la vente, de l’hôtellerie et de la distribution, les expatriés semblent souvent s’en remettre à eux même pour se faire une place. Le « visa » garderait sa symbolique la plus forte. L’espoir accru de « pouvoir créer sa boite plus facilement » et de « pouvoir mieux gérer soi même son argent » (Etude CNS Sofres – Octobre 2012) participe des raisons de l’expatriation. La culture économique et sociale française, très « fonctionnarisée », resterait un obstacle majeur à l’épanouissement et à la réalisation de soi. Nombreux n’aspirent plus à bénéficier d’un « emploi garanti à vie » pour y voir une sorte de « mort sociale », une fin d’ambition anticipée « facile mais souvent médiocre ». Toujours selon la même enquête récente.

 

La France a peur ?

 

Se réjouir alors que tant de citoyens refusent ce sentiment négatif. Quitte à s’éloigner un temps d’un pays qui ne les reçoit plus à leur juste valeur ? Si « l’affaire » de Leonarda Dibrani et de sa famille sera venue relancer la thématique démagogique et électoraliste de l’immigration, il n’est pas exclu que cette expatriation croissante de français constitue le plus beau rappel ou appel de la France, à elle-même.

 

A ne pas vouloir l’entendre, comme Jean Noel Vandaelle s’éprouvant désormais « Artiste américain né en France », bon nombre de citoyens pourraient bien aller trouver ou retrouver ailleurs leur identité véritable, loin de « l’exception française » en voie de disparition.

 

Une ex Patrie toujours plus expatriée d’elle-même ?


Guillaume Boucard