L’indépendance de la justice, le parquet, les juges,

et les affaires politico-judiciaires.

 

Pour de nombreux concitoyens, les rouages de la justice et ses mots techniques sont obscurs. Les affaires qui sont en cours, Bettencourt, Takieddine, Karachi, Tapie, Cahusac, Sarkozy, les sondages de l’Élysée, marquent de plus en plus la nécessité de comprendre et d’avoir une justice indépendante. Bien sûr la prétention de décrire ce qu’elle est serait prétentieux, mais seulement d’apporter des éléments pour comprendre les rouages de la justice pénale par ce qu’il faut naviguer entre les textes.

Ces affaires aux conséquences nationales, outre celles de Cahusac et de Jean-Noël Guérini, sont toutes à mettre au crédit de la droite. La liaison politique-justice souvent activée par elle pourrit la vie politique, le procureur de Nanterre Philippe Courroye prenait ses instructions à l’Élysée dans l’affaire Bettencourt, par le simple fait que, au plus haut niveau judiciaire les procureurs ne sont pas indépendants. Ces magistrats du ministère public, représentants de l’État, sont sous l’autorité du Garde des Sceaux ministre de la justice, donc dans une liaison politique. Ils sont chargés de faire appliquer la loi au nom de la société, et leurs sièges, que l’on appelle le Parquet, ou le ministère public, sont aux Tribunaux de Grande Instance. Le parquet représente l’ensemble des magistrats du ministère public, procureurs de la république, assistés de procureurs adjoints, de vices procureurs et de substituts. A chaque tribunal de grande instance il y a un parquet. Le rôle de ce tribunal est de représenter les intérêts de la collectivité et d’appliquer la loi pénale.

Le Garde des Sceaux nomme les magistrats du parquet après avoir reçu l’avis du Conseil Supérieur de la Magistrature dont la mission est de garantir l’indépendance de la justice. Mais le CSM, qui est sous la présidence du président de la république et la sous présidence du Garde des Sceaux, est présidé par le procureur général près la Cour de Cassation, qui est nommé en conseil des ministres, c’est le procureur des procureurs, mais il est forcément sous obédience politique.

Le CSM dont la compétence est, en outre, donnée par cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées ne peuvent donner qu’un simple avis sur simple proposition de la Chancellerie, dénommé le ministère de la justice, pour la nomination des magistrats du parquet.

 

On voit les liens, entre Garde des Sceaux et le procureur général près la Cour de Cassation, tous politiques, et bien souvent de même obédience.

 

Dès lors que la nomination des magistrats du parquet est, en dernier ressort, dévolue au Garde de Sceaux, ministre de la justice, et cela quelques soient les avis du CSM, il est bien évident que l’autorité qui créée la promotion est la chancellerie, et les magistrats du parquet ont forcément intérêt à suivre ses instructions.

C’est le fameux lien qui fait que le parquet peut être influencé par l’obédience politique de celui qui nomme ses magistrats, ce qui ne peut conduire qu’à une justice orientée, dès lors que l’on ne respecte pas, au niveau du garde des Sceaux l’indépendance du CSM.

 

Cela pose le problème de l’indépendance de la justice qui peut ne pas être indépendante pour raisons politiques.

 

Pendant un procès, par exemple le Garde des Sceaux peut intervenir directement en donnant des instructions écrites précises au parquet. Le Code de procédure pénale prévoit qu’il puisse adresser aux magistrats du ministère public des instructions générales sur l’action publique, le ministre peut fixer ainsi les grandes orientations de la politique pénale, et contrôler leur bonne interprétation en intervenant directement auprès du parquet, ce qui paraît logique, si elles restent dans le cadre strict de la loi.

Mais, il peut aussi agir sur une affaire, pour raisons politiques ou autres, et même si le magistrat n’est pas d’accord avec la recommandation écrite du Garde des Sceaux, il est obligé de s’y conformer. Il peut exprimer son opposition seulement oralement, mais c’est le garde des Seaux qui finalement a toujours le dernier mot. Il peut ainsi décider de le sanctionner ou de le remplacer.

 

Une justice indépendante est finalement un leurre, mais elle peut l’être si le Garde des Sceaux, ministre de la justice respecte son indépendance

 

La relation parquet juge d’instruction est la clé de voute de toute affaire judiciaire. Comment ça marche, le parquet, donc le procureur de la république, reçoit les plaintes de la police ou de la gendarmerie, ou comme dans l’affaire Cahusac, une information écrite susceptible d’engager des poursuites pénales. Le parquet, peut à la suite des plaintes ou des informations engager une information judiciaire dans le cadre de l’ouverture d’une instruction, ou classer sans suite. Dans le cas d’une instruction, elle est confiée soit au juge d’instruction, via un réquisitoire, s’il s’agir d’un dépôt de plainte, même si la plainte est retirée, et s’il s’agit d’une infraction à un officier de police judiciaire. C’est le cas de l’affaire Cahusac.

Les officiers de police judiciaire procèdent aux enquêtes préliminaires et de flagrance qui se caractérisent par l’urgence de la situation, sous le contrôle du Procureur de la République, et exécutent les missions que leur donne le juge d’instruction quand celui-ci est nommé pour suivre l’enquête. Pour mener à bien les enquêtes, préliminaires ou de flagrances, les officiers de police disposent de pouvoirs d’investigation et de contrainte qu’ils peuvent mettre en œuvre d’office, ou sur instructions du Procureur de la République. Certains actes nécessitent une autorisation du Procureur ou encore une décision du juge des libertés et de la détention. Ils procèdent ainsi, par exemple, à des perquisitions, saisies, auditions, prélèvements externes. Ils ont également le pouvoir de placer une personne en garde à vue.

Dans le cas de l’affaire Cahusac, l’enquête préliminaire fut menée sous le contrôle du procureur de la république. Le juge d’instruction fut ensuite saisit à la fin de l’enquête par le procureur de la république mais, il peut être également saisit par toute personne qui dépose plainte avec constitution de partie civile.

Le juge d’instruction rassemble et examine les preuves de l’infraction.

  • Il prend toutes les mesures utiles à la manifestation de la vérité et instruit à charge et à décharge.
  • Il dirige l’instruction et peut délivrer des mandats de recherche, de comparution, d’amener et d’arrêt.
  • Il procède à l’audition des témoins, aux interrogatoires des personnes mises en examen et aux confrontations.
  • Il peut faire procéder à une enquête de personnalité des personnes mises en examen, ou à une enquête sociale (situation matérielle, familiale et sociale).
  • Il peut procéder à des perquisitions, des mises sous scellés d’objets ou de documents.
  • Il peut ordonner le contrôle judiciaire et examine les demandes de mise en liberté.
  • Il peut également autoriser des écoutes téléphoniques. Elles sont effectuées sous son autorité et sous son contrôle. Elles sont possibles en matière criminelle ou correctionnelle quand la peine encourue est égale ou supérieure à 2 ans.

Le juge d’instruction dans l’ordre judiciaire est un magistrat dénommé du «siège» puisqu’il reste assis pendant les audiences contrairement aux magistrats du parquet dénommés «debout» puisqu’ils se lèvent pendant les audiences.

Le juge d’instruction est indépendant c’est à dire que sa carrière ne dépend pas du ministre de la justice, donc du Garde des Sceaux, et il n’est pas soumis à un supérieur hiérarchique, il est libre d’enquêter comme il l’entend. Personne ne peut lui donner d’ordres et il peut mener les investigations qu’il juge utiles. Cette indépendance n’est pas sans contrôle, il y a plusieurs règles applicables. D’abord, «le juge instruit à charge et à décharge», art. 81, al. 1 du code de procédure pénale. Le juge doit également instruire dans un délai raisonnable, art. 175-2, ce qui suppose souvent de faire des choix et d’écarter certaines investigations. Les parties, mise en examen, partie civile, peuvent demander au juge qu’il procède à des investigations. Il peut refuser mais doit justifier par écrit sa décision, laquelle est susceptible d’appel.

L’indépendance du juge d’instruction dans son enquête constitua le souhait du précédent gouvernement de réduire leur pouvoir voire de les supprimer. Il est évident que, dès lors que des affaires politico-judiciaires sensibles comme celle de Cahusac, sont en instance, la suppression des juges constituerait un moyen de pression pour qu’une affaire litigieuse soit déclarée non lieu.

 

Le recours contre la décision des juges.

Le juge d’instruction peut faire l’objet de deux types d’appel. Il existe tout d’abord une voie d’appel dirigée contre les ordonnances qu’il émet, et une voie de requête en nullité. Dans les deux cas, la saisine est ouverte aux parties de la procédure, le ministère public, c’est à dire le parquet, à la personne poursuivie ou à la victime si elle s’est constituée partie civile.

L’appel s’effectue auprès de la chambre d’instruction. Lorsqu’elle est saisie par la voie de l’appel, procédure classique, la saisine a un effet dévolutif, qui a pour effet de limiter l’examen de la chambre au point de droit contesté. La loi donne cependant à la chambre d’instruction un droit d’évocation qui lui permet, si elle le juge nécessaire, d’évoquer l’ensemble du dossier et non pas seulement le point de droit soumis par les parties.

Mais en dernier ressort, le juge d’instruction peut rejeter la décision de la chambre d’instruction et conduire le prévenu au tribunal pour y être jugé comme ce fut le cas pour Jacques Chirac.

Dans le cas du recours sur la mise en examen de Nicolas Sarkozy, c’est la chambre d’instruction qui fut saisie.