« C.V. ANONYME » & BON SENS.

« C.V. ANONYME » & BON SENS.

– Bien sur, toute discrimination (1) est choquante, qu'elle soit basée sur le sexe, la race, la religion, le nom ou autre et l'accès à l'emploi doit s'effectuer que sur la seule compétence.

– Le projet du CV anonyme veut favoriser cette impartialité. De quoi s'agit-il ? N'y faire figurer ni photo, ni nom, ni sexe, ni âge, ni nationalité. A juste titre, il faut s'en réjouir ! Mais que dans l'esprit du texte, pas dans sa lettre (…)——
Car le bon sens doit garder sa place. Il y a des évidences à respecter qui, parce qu'évidentes, ne figurent pas noir sur blanc sur le profil du poste recherché. Imaginons le cas d'une jeune femme bardée de diplômes, mais recouverte, à la mode (?) Taliban, d'une Bourka (« tchador intégral ») : à part postuler pour tenir le même rôle que celui tenu dans les années 60 par Juliette Gréco dans le remake d'un film qui s'appellerait « Belphégor, le retour », que peut-elle faire ? Rien. Est-ce choquant ? De même, serait-il choquant qu'en voyant, un beau matin, arriver un « conseiller en placements » le visage couvert de piercings un directeur de banque demande à l'intéressé de prendre rapidement tourne visse et tenailles pour se démaquiller ? Non. Mais ce même choix de présentation peut se révéler tout à fait approprié pour travailler dans un club de nuit : Faire respecter des normes sociales, ce n'est pas imposer des discriminations ! Seuls les artistes sont au-dessus de ces normes. Pensons aux tenues de Salvador Dali ou de Brian Jones : Autant d'arcs-en-ciel dans la monotone grisaille vestimentaire ! Mais le salarié ne fait pas un show et une entreprise n'est pas une démocratie qui, elle, accepte particularités, singularités et individualités. Nombre de cadres portent un « costume/cravate » qui est effectivement un uniforme, le reflet d'une convenance. Les choses sont ainsi.

– Pensons à l' « affaire » récente de la filiale du groupe l'Oréal, traînée au tribunal pour avoir demandé des embauches d'animatrices « B.B.R. » c'est-à-dire « bleu blanc rouge » (comprenez françaises) : les laboratoires Garnier, filiale en question, viennent d'être relaxés. La justice s'est prononcée, ce que je me garderai bien de faire ne connaissant pas les méandres du dossier. Mais je ne suis pas choqué de voir dans une parfumerie plus de jeunes et belles femmes vendre des cosmétiques que d'hommes âgés, bedonnants, mal rasés, le col couvert de pellicules. Je ne suis pas non plus étonnés de voir davantage de « grands frères » blacks et costauds assurer la sécurité devant les caisses de supermarchés que de petites minettes de 40 kilos.
Ne soyons pas pour autant psychorigides : Il y a, c'est une certitude, des zones frontières : je pense aux exigences (américaines) à l'embauche des parcs Disney, exigences refusées et condamnées par nos tribunaux et c'est tant mieux ! Pour s'en convaincre pensons que ces braves ricains interdisent l'importation de notre pourtant fameux calendos bien coulant… De plus, c'est incontestable, les normes sociales évoluent, et, j'en ai conscience, il faut se méfier des évidences…
Bref, rien n'est simple…

– Ce qui précède n'est pas qu'anecdotique, que secondaire. Ce qu'est peut-être la demande de CV sans photo… Mais ce projet (qui reste un gadget sans décret d'application) a au moins l'avantage de sensibiliser l'opinion. Et il faut continuer lutter contre les véritables discriminations. Comme celle dont a été victime une femme de Loire-Atlantique, volontairement écartée par un employeur de Chateaubriant en raison de sa seule couleur de peau. Ce dernier, en date du 17 juillet 2006 a été fortement condamné par le tribunal correctionnel de Nantes.

(1) A voir : le site de HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) http://www.halde.fr

COLPIN Didier