Maestro, le film de Léa Fazer

Pour avoir eu le privilège de vivre une expérience unique lors du tournage des "amours d’Astrée et de Celadon" sous la houlette d’Eric Rohmer, monstre sacré du cinéma d’auteur, Jocelyn Quivrin s’était promis de lui rendre un vibrant hommage. La Grande Faucheuse en voulut autrement et c’est Léa Fazer sa co-scénariste qui mènera à terme ce projet baptisé Maestro. 

Henri (Pio Marmaï) rêvait de jouer dans un grand film d’action ; lui aussi se voyait déjà en haut de l’affiche, adulé et riche signant des photos à tous ses admirateurs qui se bousculaient. Par un concours de circonstances, l’artiste en herbe atterrira dans un projet aux antipodes de celui qu’il se plaisait à passer et repasser dans ses rêves : un rôle dans l’adaptation d’une oeuvre littéraire par le Maestro, Cédric Rovère, (Michael Lonsdale). 

L’opportunité ou jamais pour Henri l’inculte de faire en douceur son apprentissage du cinéma, de la vie, sous le regard du maître charismatique obnubilé par cet amour de la transmission :  initiation à la poésie, l’art, la quintessence même de la beauté ; comme une forme de révélation que cette rencontre qui, de manière inattendue,  viendra bouleverser l’ordre d’une vie en stimulant des sens jusque là à l’état latent. 

Un tournage, une histoire de famille avec ses joies, ses peines, et surtout ses pépites poétiques à foison. Michael Lonsdale a quelque chose en lui qui crève l’écran si bien que dès qu’il s’en éloigne le film se met à en pâtir. A l’inverse, Alice, (Deborah François), la précieuse ridicule, elle  donne la désagréable impression tout au long du film de s’écouter, de se pâmer d’admiration pour sa personne…

En définitive, le point fort de l’hommage rendu à Eric Rohmer sera le choix de l’acteur censé l’incarner. Les hics ne font toutefois pas défaut à cet hommage : le maître y est montré comme incapable de cerner un niveau d’élève, se laissant aisément berner ; le maître roupille à son aise à l’heure même des répétitions… Et quand on verse dans le comique, le film se met à prendre du plomb dans l’aile :  les tergiversations autour du décryptage du verbe kiffer, signe de l’ouverture d’esprit du Maestro, jouent plutôt en sa défaveur.

Une bonne dose  d’ironie en filigrane qui toutefois laisse intacte l’aura de ce maître détenteur de l’art de savoir rendre parfaits tant de moments de la vie : lui qui répète "Jouissez de la vie, il est déjà beaucoup plus tard que vous ne le pensez."

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