Incrémentation de l’activité du Turrialba : Risques de pluies acides et/ou de nuées ardentes…

Le Mercredi 29 Mai 2013, dans la matinée, un pilote de la compagnie aérienne Sansa, signale « avoir observé une plume de gaz obscure, une fumée noire, provenant du volcan Turrialba », une plume d’aérosols volcaniques qui pourrait être constituée de goutelettes d’acide sulfurique et de fines particules de roches riches en silice. L’observation est confirmée, à l’Institut d’Investigation, Observatoire Vulcanologique et Sismologique de l’Université Nationale du Costa Rica, – OVSICORI-UNA -, par les fonctionnaires en charge du Parc National du Volcán Turrialba, qui mentionnent « avoir observé un panache de gaz, légèrement plus foncé que la normale, s’élevant au-dessus de la Boca 2012, le cratère Ouest, entre 07 h 30 et 07 h 45, le dit-jour 29 Mai 2013... »

turrialba.jpgToutefois, les enregistrements sismiques n’ont pas présenté d’activité anormale durant cette période temps, pas plus qu’ils n’en ont enregistré au cours des journées des 27 et 28 Mai. De même, les images transmises par la webcam implantée sur la partie sommitale du volcan ne montrent aucune émission visible de cendres du 23 au 29 Mai. En outre, l’activité habituelle caractérisant le Turrialba est l’émission de deux panaches distincts, composés de gaz à haute température, – supérieure à 750° C -, et d’aérosols magmatiques, l’un émanant de la Boca 2010, le cratère Ouest, et le second de la Boca 2012, le cratère Est. Le 29 Mai, la première plume est apparue plus blanche que la deuxième, la différence de couleur étant principalement attribuable, pour l’OVSICORI-UNA, « à une différence dans la proportion de gaz et d’aérosols magmatiques, et non à la présence de cendres. »

turrialba 2.jpgEn outre, l’examen des images satellites, de jours précédents, en recherche du dioxyde de soufre émis par le volcan Turrialba, réalisées par le satellite Aura, ont indiqué que le panache était riche en gaz volcaniques. De fait, l’OVSICORI-UNA en avait conclu que « l’observation du panache de gaz émis par le volcan Turrialba, d’aspect sombre, est indicative d’une charge plus élevée en aérosols volcaniques, un processus provoqué et favorisé par une augmentation de la pression interstitielle, à l’intérieur des conduits volcaniques, concomitante à la pénétration d’eau, suite aux pluies abondantes que sont sont produites, dans le système hydrothermal et l’émission, de cendres, du 21 mai 2013. »

Autrement que par sa production habituelle de plumes de gaz, l’activité sismique et volcanienne du Turrialba est restée relativement calme jusqu’au 14 Juillet 2013, date à laquelle une importante activité sismique, les tremblements de terre de basse fréquence et de longue période, – LPs -, caractéristiques aux déplacements des fluides dans les conduits magmatiques, passant de 200 à 600 par jour, avec un pic supérieur à 1.000 LPs, le 15 Juillet, et se pérennisant depuis, a été enregistrée. De plus, à partir du 18 Juillet, la présence d’un tremor de basse fréquence, d’une durée cumulée oscillant en 1 h 30 et 4 h 00, suivant les jours, est notée.

Le volcan Turrialba est un stratovolcan costa-ricain qui se localise dans le district de Santa Cruz, canton de Turrialba, province de Cartago. Il se situe dans la « Cordillera Volcánica Central ». Culminant à 3.340 mètres d’altitude, il est, après le volcan Irazú, 3.432 mètres, le deuxième édifice volcanique le plus haut du Costa Rica. Son nom, d’origine indigène, dérive de celui de deux petites agglomérations qui existaient, sur ses flancs, en 1659, date à laquelle elles furent ruinées soit lors de l’arrivée des conquistadors espagnols, soit lors d’une éruption pyroclastique, Turrialba la grande et Turrialba la chica.

turrialba 1.jpgVoisin du volcan Irazu, et assis sur une même base caldeirique, ils sont appelés volcans jumeaux. L’édifice volcanique présente des pentes escarpées sur son secteur Nord et modérées sur son secteur Sud prédominer pentes modérées. Le Turrialba a trois cratères dont le plus grand de 50 mètres de diamètre, le cratère central, le plus ancien, la Boca 2010, à l’Est, et, le plus actif, fumerolles et soufre, la Boca 2012, à l’Ouest. Au cours du XIX° siècle, il est rentré en éruption à plusieurs reprises, – 1847 1853, 1855, 1861, 1864-1865, 1866 -, avec production de coulées pyroclastiques, – nuées ardentes -. Depuis Janvier 2001, le volcan se signale par une activité accrue, émissions de fumerolles denses, une activité volcanique augmentant graduellement depuis 2005. Du 06 au 20 Janvier 2010, le volcan a émis des panaches de cendres et deux villages, La Central et El Retiro, ont été évacués. De même une incandescence sommitale et un panache de cendres ont été observés le 22 Mai 2013 et ont entrainé l’évacuation des hameaux La Picada et La Silvia.

En conclusion, bien qu’une incrémentation de l’activité sismique et vulcanienne, du Turrialba, soit constatée, aucun changement notoire, en surface, dans la zone sommitale, siège des deux cratères principaux et actifs, – Boca 2010 et Boca 2012 -, n’a été constaté : pas d’inflation apparente ni au sommet de l’édifice ni sur les flancs, pas d’évolution dans la composition des fumerolles, aucun comportement anormal décelable dans la structure des plumes émises par les deux bouches cratérales… Toutes les interrogations sont, conséquemment, permises : « Une éruption silencieuse serait-elle en préparation sur le Turrialba ? Une éruption explosive avec nuées ardentes peut-elle se déclencher ? Y a-t-il risques prochains de pluies acides ? »

 31 Juillet 2013 © Raymond Matabosch