La chanson de l’éléphant

Réalisateur : Charles Binamé

Date de sortie : 6 aout 2015

Pays : Canada

Genre : Thriller

Durée : 110 minutes

Budget : environ 6 millions de dollars

Casting : Xavier Dolan (Michael Aleen), Bruce Greenwood (Toby Green), Catherine Keener (Susan Peterson), Carrie Anne Moss (Olivia)

1966, à la veille de Noel dans un établissement psychiatrique, le Dr. Lawrence a mystérieusement disparu, ce matin il ne s’est pas rendu au travail. Aucune explication quant à son absence. La dernière personne à l’avoir vu vivant se trouve être Michael Aleen, un patient un peu particulier. Le directeur de l’institut, Dr. Green, est déterminé à connaître la vérité et à ne pas ébruiter cette disparition car un précédent scandale sexuel a éclaboussé l’hôpital quelques mois auparavant. Un étrange jeu du chat et de la souris se met alors en place.

Difficile de rentrer dans cette histoire, le début est terriblement brouillon. Le milieu est froid, aussi bien par la période dans laquelle il prend place, en plein hiver, que le lieu, un hôpital. Les couleurs sont fades, tournent au bleu, blanc, gris, hormis ce bureau aux murs noirs capitonnés et aux étagères dûment garnies de bouquins intelligents. D’emblée, on est assailli de noms sans pouvoir les identifier à des personnages, le récit est coupé entre l’interrogatoire actuel où différents protagonistes vont nous parler de ce qui s’est passé, l’histoire en question et des flashbacks. A cela s’ajoute un titre encore obscur. Mais cela ne constitue pas une raison pour quitter la salle, bien au contraire, il faut s’accrocher. Progressivement, le film devient intéressant, le scénario s’installe et nous capte. On veut savoir ce qu’il est advenu de ce satané docteur Lawrence et à quel point Michael est-il impliqué ? Facétieux, brillant, intelligent, le patient instaure un vrai jeu de manipulation et il est drôle de voir comment le psychiatre, sensé décerner le vrai du faux, tombe dans le panneau à chaque fois. Le coup du « cadavre dans le placard » ou les photos compromettantes dans le tiroir sont autant d’exemples d’un esprit fallacieux. Les premières minutes sont glaçante, les deux menant un dialogue de sourd, élèvent la voix, Michael parlant des éléphants et le docteur Green de son associé. Pour en venir à un terrible constat, qui est le plus en danger, les éléphants que l’on massacre allègrement pour leur ivoire ou bien M.Lawrence ? Au fur et à mesure, le ton change, les défenses tombent, l’enquête progresse étape par étape permettant de s’approcher de la vérité, les secrets personnels sont évoqués, la confiance et l’attachement naissent doucement.

La chanson de l’éléphant fait la part belle au jeu des acteurs, ce qui semble normal pour une adaptation d’une pièce de théâtre du canadien Nicolas Billon. Les deux hommes sont plus proches qu’ils ne le pensent, tous les deux ont un passif assez douloureux qui va se dévoiler progressivement. En premier lieu, le jeune Michael, interprété par un Xavier Dolan plus que convaincant en acteur, dans un film qu’il ne réalise pas, fait assez rare pour qu’il soit souligné sur qui le film repose essentiellement car il détient un savoir que tout le monde veut connaître. Alors il mène en bateau, raconte des sornettes, joue les facétieux avec intelligence, il gagne du temps et obtient des concessions. Il est différent des autres fous de l’établissement et cela se voit dans la mise en scène. Il suffit de voir comment la caméra le filme dans le hall, tous les pensionnaires sont dans leur monde sauf lui qui la fixe. Cette place principale est renforcée par le titre du film, La chanson de l’éléphant est une comptine qui le résume. Si chacun a un animal totem, pour Michael c’est l’éléphant, symbole de mort, de peur et de fascination qui le relie à son père (chasseur d’ivoire occasionnant un trauma quand, âgé de 8 ans, il assiste à une mise à mort affreuse), à sa mère (dans un contexte bien précis que nous apprendra le film et qui fait écho à son premier film J’ai tué ma mère) et à sa personnalité avec un texte plein d’humour doté d’un double sens. En second lieu, Bruce Greenwood, beaucoup plus effacé et plutôt bon. Aux premiers abords, froid et austère, il devient attachant. Le récit de son passé, de sa blessure personnelle renforce ce côté. Une cicatrice qu’il partage avec son ex-femme, l’infirmière en chef Peterson, incarnée par la pertinente Catherine Keener.

Il en reste que La chanson de l’éléphant est un film touchant, émouvant, assez minimaliste car l’essentiel de l’action se situe dans le bureau du Dr.Lawrence. Un quasi huis clos prenant, comme une séance de psy en plus passionnant. Il exorcise les démons du passé et vide d’un poids sur la conscience. Le spectateur ressort avec les réponses à ses questions et une petite larme à l’œil. Le sentimentalisme est malgré tout surjoué à cause d’une musique trop mélodramatique. Trop de violon, tue le violon.