Léo, 20 ans déjà !

 Voilà 20 ans que le vieux lion a tiré sa révérence. Un 14 juillet, qui plus est, quel coup du sort. Il doit encore en rire, lui l’anarchiste, d’être parti un jour de fête nationale.

La première fois que je l’ai vu sur une scène, c’était à Charleville-Mézières en 1969 où il était venir rendre hommage au grand Rimbaud. Ce fut un récital émouvant, pourtant il ne peut s’empêcher d’apostropher une spectatrice qui avait eu l’audace de rire à la fin de la chanson « Pépée » dédiée à son chimpanzé mort l’année précédente. C’est la première fois que j’entendais « C’est extra », chanson qui devait marquer son retour vers le succès.

Quelques mois plus tard, j’ai eu l’occasion de le voir de nouveau à Reims. Habillé de noir, c’était l’anarchiste « grande gueule » qui s’imposait ce soir-là, il faut dire que le public était tout acquis à sa cause. Il fallait voir les poings dressés quand il entonnait « Y en a pas un sur cent, et pourtant ils existent … » ou « Ni Dieu ni maître ». Un concert de choc où le poète s’effaçait derrière le révolutionnaire. Une prestation de feu où il donnait le meilleur de lui-même.

Quelques années plus tard, j’ai eu l’occasion de le voir dans un coin perdu de Belgique, à Bourlers près de Chimay, dans une salle minable. J’ai eu une désagréable impression, ce jour-là : Ferré qui cachetonnait et qui sabotait son tour de chant parce que le public n’était pas digne de lui. Avait-il besoin de cela ? Autant vous dire que ce n’est pas le meilleur souvenir que j’ai de lui. Mais on lui pardonnait tout, même ses coups de gueule.

Mon Ferré, c’est le poète, celui qui met en musique Aragon ou le merveilleux Jean-Roger Caussimon, son double. Ecoutez le dans l’irrésistible « Monsieur William » ou « Ne chantez pas la mort », cette chanson d’une puissance inouïe. Heureusement, il n’est pas oublié et de nombreux artistes se réclament de lui : Bernard Lavilliers et Hubert-Félix Thiéfaine. Le premier a repris « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? », le second nous donne une jolie version de la chanson la plus énigmatique de Ferré : « La mémoire et la mer ».

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