Procès de salafistes: irrégularités et torture au menu de la défense

La Cour d’appel de Tunis a commencé mardi à entendre des plaidoiries de la défense axées sur des vices de procédure et la torture des prévenus au procès de 30 salafistes, dont deux condamnés à mort le 30 décembre dernier. Les premiers avocats à prendre la parole parmi une quarantaine à la barre ont tenté de réfuter les accusations en relevant « les irrégularités » et « entorses à la loi » qui ont marqué, selon eux, l’affaire dans les étapes d’arrestation, d’interrogatoire et de premier jugement.

La Cour devait entendre des plaidoiries sur le fond au cours d’une audience nocturne, avant la mise en délibéré de l’affaire dans ce procès en appel ouvert le 15 janvier.

Il fait suite à un premier jugement condamnant à mort Saber Ragoubi, 24 ans, et Imed Ben Ameur, 34 ans, deux des 30 Tunisiens poursuivis pour implication dans des accrochages armés en décembre 2006 et janvier 2007, au sud de Tunis, qui ont fait 14 morts, dont un officier et un agent de sécurité, selon les autorités.

Les accusés sont poursuivis notamment pour assassinat, incitation aux habitants à s’entretuer et adhésion à une association terroriste « Jound Assad Ibn Fourat » dont quatre meneurs, un Mauritanien et trois Tunisiens, y compris leur chef Lassad Sassi, sont morts dans les affrontements.

Le juge Manoubi Hmidane a dû faire des rappels à l’ordre lorsque des avocats ont tenté de revenir sur les circonstances de ralliement de leurs clients « à leur insu » au noyau armé et les sévices qui auraient généré de « faux aveux« .

Dans une plaidoirie générale, Me Mokhter Jallali a dénoncé un « procès d’intention« , affirmant que les prévenus avaient été poussés par la police à se réfugier auprès de la bande armée en raison de leur pratique religieuse. Il s’est interrogé sur le fait que les meneurs aient agi en liberté durant plusieurs mois, alors qu’ils étaient repérés par les services de sécurité dès leur infiltration en Tunisie en provenance des maquis algériens du Groupe salafiste pour la prédication et le Combat (GSPC, devenu Al-Qaïda au Maghreb).

Me Ahmed Néjib Chebbi a plaidé « la nullité de procédures« , contesté le bien fondé des accusations et déploré un refus d’expertise médicale qui aurait permis, selon lui, d’établir des séquelles de torture sur les prévenus.

Me Aberraouf Ayadi, s’est fait retirer la parole en insistant sur les détails de sévices de nature sexuelle, après avoir affirmé que les 30 accusés étaient « jugés en lieu et place des meneurs » tués lors des affrontements.

La plupart des prévenus de tendance salafiste ont clamé leur innocence et répété avoir côtoyé la bande armée en cherchant à échapper aux « harcèlements » de la police pour cause de fréquentation de mosquées et port de barbe.

Selon l’accusation, le groupe avait pour objectif de commettre des attentats pour « renverser le régime » et les autorités avaient indiqué avoir saisi six Kalachnikov, des explosifs et des plans de sites des ambassades américaine et britannique. Le parquet avait demandé le maintien ou l’aggravation des peines prononcées en première instance. (AFP – 19.02.2008)

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Tunisie: audition de deux condamnés à mort dans le procès de 30 salafistes

Deux salafistes tunisiens condamnés à la peine capitale en première instance ont été entendus mardi à la reprise des débats au procès ouvert le 15 janvier devant la Cour d’Appel de Tunis, a constaté une journaliste de l’AFP.

Saber Ragoubi, 24 ans, et Imed Ben Ameur, 34 ans, condamnés à mort le 30 décembre, font partie des 30 salafistes poursuivis pour implication dans des accrochages armés survenus en décembre 2006 et janvier 2007, au sud de Tunis, et ayant fait 14 morts, dont un officier et un agent de sécurité, selon les autorités.

Ils sont jugés notamment pour adhésion à un groupe terroriste « Jound Assad Ibn Fourat » dont les quatre meneurs, un Mauritanien et trois Tunisiens, y compris leur chef Lassad Sassi, un vétéran d’Afghanistan et de Bosnie, sont morts dans les affrontements.

« Je ne me sens aucunement concerné par ma condamnation à mort, parce que je suis convaincu de mon innocence« , a clamé Saber Ragoubi, avant de raconter à la Cour les péripéties de son implication. Comme Imed Ben Ameur et d’autres co-accusés lourdement condamnés, ce prévenu a répété qu’il avait connu le groupe armé au moment il cherchait « une planque » pour échapper aux « pressions et harcèlements » de la police en raison de sa fréquentation de la mosquée et du port de la barbe. Il a cependant indiqué avoir quitté son emploi dans des hôtels touristiques à Sousse (centre-est), suivant une fatwa émise par des téléprédicateurs du Moyen-Orient interdisant ces « endroits de débauche » aux musulmans, a-t-il dit.

Les deux condamnés à mort ont démenti la manipulation d’armes (des kalachnikovs) et d’explosifs, affirmant tout ignorer sur le groupe armé et niant tout projet de déstabilisation du régime par une action violente. « Je n’ai découvert la présence d’armes qu’au moment de l’assaut donné par les forces de sécurité et, d’ailleurs, je me suis rendu« , a affirmé Saber Ragoubi, indiquant que seuls 4 meneurs étaient armés au moment de l’assaut. Revenant sur leurs aveux, les prévenus ont décrit par bribes des formes de « torture indescriptible » auxquelles ils ont été soumis, selon eux, dans les locaux de la police et dans la prison. L’avocat de Saber Ragoubi a demandé une expertise médicale pour son client.

La Cour a du interrompre à sa demande l’interrogatoire du second condamné à mort, Imed Ben Ameur, un diabétique, vraisemblablement pris de malaise, et devait entendre mardi soir les plaidoiries de la défense, en présence de diplomates européen et américain et d’observateurs internationaux. Agés de 22 à 42 ans, ces militants jihadistes avaient été condamnés le 30 décembre lors d’un procès contesté et boycotté par la plupart des avocats.

Selon l’accusation, le groupe avait notamment pour mission de recruter et commettre des attentats et les autorités avaient indiqué avoir saisi six Kalachnikov, des explosifs et des plans de sites d’ambassades (USA, GB). Le noyau composé de six personnes se serait infiltré d’Algérie après avoir reçu une formation dans les maquis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) devenu Branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. (AFP – 12.02.08)

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Comment les salafistes ont été neutralisés

Exclusif. Le jugement des membres rescapés d’un groupe djihadiste arrêtés il y a un an s’est achevé le 30 décembre. En s’appuyant sur les procès-verbaux d’interrogatoire des trente condamnés, Jeune Afrique a pu reconstituer le film des événements qui ont secoué la banlieue sud de la capitale entre le 23 décembre 2006 et le 3 janvier 2007.

La chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis a eu la main lourde. Très lourde : deux condamnations à mort, visant Imed Ben Ameur, menuisier, né le 20 mai 1973 à Sousse, et Sabeur Ragoubi, ouvrier, né à Kairouan le 2 juin 1983 ; huit condamnations à la réclusion à perpétuité ; plus des peines allant de cinq à trente ans de prison pour les vingt autres coaccusés. Prononcé tard dans la nuit du 29 au 30 décembre 2007 par le juge Mehrez Hammami au terme d’une audience marathon marquée par le retrait de la quarantaine d’avocats du collectif de défense des prisonniers, ce jugement constitue l’épilogue judiciaire de l’affaire dite du « groupe de Soliman ».

Si elle venait à être confirmée et exécutée – Samir Ben Amor, un des défenseurs des prévenus, a annoncé qu’il interjetterait appel -, cette sentence marquerait un revirement doublé d’une régression humanitaire, la Tunisie observant, depuis 1993, un moratoire sur les exécutions capitales.

Tous les condamnés ont été déclarés coupables de participation à une entreprise terroriste, et certains ont été impliqués dans les affrontements meurtriers avec les forces de sécurité qui ont fait, selon un bilan officiel, 14 morts, dont 12 terroristes, 1 policier et 1 militaire, entre le 23 décembre 2006 et le 3 janvier 2007. Les motivations et le parcours des principaux protagonistes de cette affaire, presque tous éliminés, et parmi lesquels figurent 6 activistes – 5 Tunisiens et 1 Mauritanien – affiliés au GSPC algérien, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, restent obscurs. Et les débats, bâclés, n’ont pas aidé à comprendre les raisons qui ont poussé des dizaines de jeunes sans histoire ni affiliation politique marquée à basculer dans l’aventure djihadiste.

Que s’est-il réellement passé il y a un an, dans le triangle Grombalia/Hammam-Lif/Soliman ? Comment les salafistes ont-ils pu se jouer pendant des mois de la surveillance d’une police omniprésente et supposée infaillible, et circuler sans être inquiétés entre Kasserine, Sidi Bouzid et la banlieue de Tunis ? Quels étaient leurs objectifs réels, leurs cibles ? Même si des zones d’ombre subsistent, notamment en raison d’une chronologie assez vague – « en juin », « au début de l’été », « pendant le ramadan » -, et même si beaucoup d’éléments essentiels à la compréhension de l’affaire font toujours défaut, comme les circonstances précises de la mort des deux agents des forces de sécurité, le récit que vous allez lire permet de se faire une idée un peu plus précise du film des événements. Il s’appuie exclusivement sur les procès-verbaux d’interrogatoire des trente condamnés, tels qu’ils ont été communiqués aux avocats de la défense. Une exclusivité Jeune Afrique.

Djebel Boukafer, quelque part dans un maquis islamiste non loin de Tebessa, dans l’est de l’Algérie : Lassaad Sassi, 37 ans, est impatient et fébrile. Il vient de recevoir l’aval de ses chefs du GSPC pour entreprendre une mission particulièrement délicate : s’infiltrer en Tunisie pour y créer des cellules de soutien logistique, et recruter et former de futurs terroristes. Sassi, qui se fait appeler Abou Hechmi, est un élément très aguerri. Ancien de la garde nationale tunisienne (l’équivalent de la gendarmerie), vétéran de la Bosnie, il est passé par les camps d’entraînement d’Al-Qaïda en Afghanistan avant de rejoindre les maquis du GSPC. Il rêve maintenant de poursuivre le combat dans son pays natal. Il réussit sans peine à convaincre quatre de ses compatriotes, Mohamed Hédi Ben Khlifa, Zouhair Riabi, Mohamed Mahmoudi et Tarak Hammami, et un Mauritanien natif de la bourgade de Nbaghia, Mohammadou Maqam Maqam, alias « Chokri », de l’accompagner. Les six hommes formeront le noyau dur du Jound Assad Ibn Fourat, les soldats d’Assad Ibn Fourat, le conquérant arabe de la Sicile.

Un arsenal rudimentaire

Dans la nuit du 22 au 23 avril 2006, le commando passe clandestinement la frontière, à Bouchebka, et gagne le Djebel Chaambi, point culminant de la Tunisie (1 544 mètres d’altitude), après quatre jours de marche. Son arsenal est rudimentaire : six fusils-mitrailleurs kalachnikovs, des chargeurs, quelques grenades et des talkies-walkies. Le 27 avril, Sassi et Ben Khlifa, un Bizertin de 25 ans, quittent le refuge pour se rendre dans la ville voisine de Kasserine. Ils achètent des vivres et des cartes téléphoniques Tunisiana avant de retourner au camp. Quelques jours plus tard, c’est au tour de Hammami et de Mahmoudi d’assurer le ravitaillement. Mahmoudi, originaire de Ben Guerdane (Sud tunisien), a pris rendez-vous, par le truchement de sa famille, avec un contact censé lui fournir une cache dans la ville de Sfax et qu’il doit rencontrer aux portes de la ville. C’est un piège. Les deux hommes sont arrêtés par les forces de sécurité, qui saisissent sur eux une grenade et un peu d’argent1.

Ne les voyant pas revenir, Sassi et ses trois compagnons comprennent rapidement. Ils doivent improviser. La géographie du Djebel Chaambi et des montagnes de la région ne se prête guère à l’action clandestine, la végétation y étant trop rare. Ben Khlifa prévient son beau-frère, Ramzi el-‘Ifi2, sympathisant islamiste installé à Sidi Bouzid en qui il a entière confiance, et lui fixe rendez-vous à la gare routière. Il lui demande de lui trouver une cache en ville. Sans succès. Les infiltrés changent leurs plans et se mettent en quête d’une planque dans la banlieue de Tunis. On leur présente Wael Ammemi3, vendeur de vêtements dans les souks. C’est la couverture idéale : ­commerçant, propriétaire d’une Renault Express, il fait de fréquents voyages et ne peut donc éveiller les soupçons. Ramzi et Wael aident le groupe Sassi à entrer en contact avec Majdi el-Amri et Sahbi el-Masrouki, membres d’une cellule salafiste tunisoise. Début juin, les clandestins gagnent la capitale à bord de l’Express, s’installent chez Majdi et finissent par trouver une planque à Hammam-Lif, localité populaire à une quinzaine de kilomètres au sud de la capitale.

Un campement à Aïn Tbornog

Il faut maintenant « rapatrier » les armes enterrées dans les montagnes autour de Kasserine. Ramzi s’y attelle, en compagnie de trois élèves de l’Institut supérieur d’études technologiques de Sidi Bouzid, militants d’un petit cercle d’étudiants salafistes, dont un certain Rabia Bacha, originaire de Soliman. Détail étonnant : les membres du groupe, qui ont fait l’aller en voiture, effectuent le trajet du retour en bus avec les armes dissimulées à l’intérieur de gros sacs de sport ! Pendant tout l’été et l’automne, le groupe, fort désormais d’une grosse vingtaine de membres, multiplie les précautions et change plusieurs fois de cache, tout en restant dans un périmètre restreint, entre Hammam-Lif, Ezzahra et Hammam-Chott. Sassi initie ses apprentis guérilleros au maniement des kalachnikovs et à la fabrication d’explosifs à partir de produits en vente dans le commerce. Il ne semble pas avoir envisagé d’actions kamikazes et privilégie la voiture piégée comme mode opératoire. Le groupe djihadiste projette de s’attaquer aux « infrastructures vitales » de la République, à des « objectifs symboliques » ainsi qu’aux « intérêts étrangers » et à « des personnalités tunisiennes et étrangères ». Mais il n’en est qu’au stade préliminaire des préparatifs : les pièces versées au dossier d’accusation ne font nulle mention « d’attentats planifiés » contre les hypermarchés Carrefour ou Géant ou les ambassades américaine ou britannique.

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Détail des peines prononcées dans le procès du groupe armé « Assad Ibn El Fourat »

Détail des peines prononcées dans le procès du groupe armé « Assad Ibn El Fourat »

 

 

Nom

Age & Origine

Sanction

01

Imed ben Ameur

20.05.1973 Sousse

Peine de mort

02

Saber Ragoubi

02.06.1983 Sousse

Peine de mort

03

Mokhles Ammar

06.12.1981 Sousse

Perpétuité

04

Ramzi Elaifi

10.04.1982 Sidi Boueid

Perpétuité

05

Ousama Abbadi

16.07.1982 Sidi Bouzid

Perpétuité

06

Sahbi Nasri

22.12.1981 Kairouan

Perpétuité

07

Fathi Essalhi

28.09.1983 Sbeïtla

Perpétuité

08

Waeil Amami

17.09.1985 Sidi Bouzid

Perpétuité

09

Mohammed Ben Ltayfa

15.03.1983 Sousse

Perpétuité

10

Ali Afaoui

10.08.1965 Kabbaria

Perpétuité

11

Ali Sassi

20.12.1985 Sousse

30 ans de Prison

12

Ziad Essid

16.04.1983 sousse

30 ans de Prison

13

Med Amine El Jaziri

25.06.1979 Sidi Bouzid

30 ans de Prison

14

Badreddine Ksouri

20.05.1982 Thala

30 ans de Prison

15

Tawfik Hwimdi

28.04.1978 Sousse

30 ans de Prison

16

Majdi Latrech

20.06.1983 Sousse

30 ans de Prison

17

Ahmed Mrabet

16.08.1984 Ras Jbal

30 ans de Prison

18

Jawher Slama

16.07.1978 Soliman

20 ans de Prison

19

Med Amine Dhiab

30.09.1978 Sfax

20 ans de Prison

20

El Kamel Oumhani

24.07.1983 Rgeb

15 ans de Prison

21

Jawhar el Kassar

29.07.1977 Tunis

15 ans de Prison

22

Mahdi haj Ali

28.02.1980 Sousse

12 ans de Prison

23

Mohammed El Bakhti

14.11.1985 Soliman

12 ans de Prison

24

Jamel Mallkh

01.08.1983 Ras Jbal

10 ans de Prison

25

Hatem erriabi

26.03.1978 Soliman

10 ans de Prison

26

Khalifa Graoui

20.02.1981 Sidi Bouzid

7 ans de Prison

27

Nafti El Bannani

30.03.1976 Kassrine

6 ans de Prison

28

Marwan Khalif

14.07.1977 Sousse

5 ans de Prison

29

Med Khalil Zandah

19.08.1985 Ariana

5 ans de Prison

* Jugements prononcés le Dimanche 30 décembre 2007

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