Une seule feuille sinon çà ne sera pas lu !




…Une seule feuille, sinon…


 

Deux lignes… trois mots… un  résumé… très court… un condensé… un mémo… une compilation… un seul tableau…

Des formules qui ont inévitablement sifflé à vos oreilles de nombreuses fois.

Et ceci commence dès l’école primaire où les élèves reçoivent souvent cette consigne du « tout condensé », sauf qu’elle est formulée différemment : « X dizaines de lignes  ou  X centaines de mots ».
Une coquetterie d’enseignants.

Interprété par les jeunes élèves, cela fait tout de suite volumineux comme travail,  même si, en fin de compte, précisément, le chiffre annoncé correspondait au feuillet unique. 

Parfois, si l’élève rebelle a dépassé le quota imparti, la copie peut être biffée et accommodée d’un zéro pointé : « élève X, vous n’avez pas été attentif à la consigne ! ».

Fichtre, il n’est pas question de savoir écrire, il faut d’abord compter. 

Peu importe que le devoir porte sur un travail de rédaction, c’est la consigne du chiffre qui prime. Soyons juste tout de même, le rappel à l’ordre est couramment pratiqué par des enseignants tolérants et rompus aux distractions de leur jeune auditoire.

 

Il n’y a pas de temps à perdre, la toute puissante politique du chiffre s’inculque dès le plus jeune âge.

Les interros d’histoire/Géo/SVT sont souvent réduites à leur plus simple expression. 

Il peut être distribué aux élèves un questionnaire à trous qui permet au correcteur de ne plus devoir lire les copies, puisqu’il suffit d’y superposer une grille qui laisse apparaître le mot manquant qu’il suffit de biffer si erroné, ce qui réduit la note d’autant.

Généreusement diffusé aussi, l’impérissable QCM, qui réduit la réflexion à sa plus simple expression et par extension le savoir aussi. 

Il suffit de cocher une case, ou plusieurs parfois, avec quelque piège sournoisement glissé pour relever la difficulté. Dans ce cas, le candidat est bien inspiré d’en cocher 2… ou plus. 

A contrario il a tout faux. 

 

Mais attention, le QCM  est assorti d’une propriété dynamique et sympathique.  

On peut s’entraîner pour exceller ou du moins tenter d’y parvenir, car il existe des méthodes adéquates.  

C’est pas un « truc », mais c’est tout comme.  

Les plus accrocs peuvent alors afficher une performance et pourquoi pas décrocher la timbale.

Révolue l’époque où l’élève puisait les mots dans la question pour construire sa réponse.

D’ailleurs, il est même question aujourd’hui de supprimer la Géo des programmes. C’est tout de suite plus simple.

La pratique généralisée du sms a réduit le langage écrit à sa plus simple expression. Difficile de faire plus court. Ajoutez le verlan et l’expression codée est parfaite. Non avertis, s’abstenir !

Les profs du supérieur eux, s’arrachent tout de même les cheveux, parce que des lacunes en français engendrent aussi des lacunes dans les branches mathématiques dans la mesure où les énoncés mal interprétés, ou pas compris, deviennent compliqués voire impossibles à résoudre.

Ce n’est pas que l’élève est mauvais en maths ; c’est qui est nul ou presque en français.  

Dans une école d’ingénieurs d’Angers, que je connais fort bien, le directeur a été amené à ajouter plusieurs  heures/semaine de français à tous ses élèves, pour tenter de limiter l’échec d’une part, mais surtout  pour les contraindre à  s’exprimer correctement à l’oral et à l’écrit. 

Un vrai fléau a-t-il confié.

Arrivés à l’âge adulte,  combien sont-ils à ne plus savoir écrire et pas vraiment lire ?

À défaut, ils savent vivre avec leur temps,  car la télé pour lobotomisés a su saisir sa chance. 

Télé réalité et autres programmes débiles et bon marché sont venus occuper les espaces temps toujours plus nombreux. 

Le tout puissant CSA veille tout de même pour qu’il n’y ait pas d’écarts. On ne sait pas vraiment où se situent leurs limites à ne pas franchir, mais elles existent. 

 

Je reviens à mon temps, celui de « faire court »… « Travailler plus pour vivre mieux » !?

Si c’est pour se faire « baiser »  pourquoi pas.

Les limites de l’acceptable ayant été dépassées, j’avais décidé de porter une affaire devant les tribunaux.  

Au bout de quelque temps, les  juges avaient assorti leur verdict d’attendus que j’avais du mal à interpréter.  

Je découvrais seulement  qu’on pouvait impunément mentir à  la Cour, ce que j’avais du mal à digérer. Toutefois, la sérénité des juges attentifs m’impressionnait beaucoup.

Le morceau était gros, et de toute manière si ce n’était pas nous qui faisions appel, c’était obligatoirement la partie adverse rompue à la pratique nationale et internationale de « la jouer longue ». Comme quoi la dualité est bien ancrée dans le monde. 

 

Mon avocat était tout à fait satisfait de ce jugement. 

Serein, il m’avait expliqué que le jugement ne nous était pas défavorable et que lesdits attendus constituaient une vraie « perche » qui nous était tendue. 

Ce qui voulait dire en clair : « on va en appel ».

Les juges veulent des éléments chiffrés avait-il précisé, et nous allons leur en donner.

 

Il m’avait alors demandé de lui faire parvenir le plus rapidement possible, en version TABLEAU, un résumé chiffré de l’historique qui courait sur des centaines de pages. 

Il m’appartenait de faire établir ce document obligatoirement par un expert-comptable.

Ce dernier point était crucial, dans la mesure où les juges sont sensibles à une compétence indiscutable. Et un expert-comptable fait autorité.  

Il avait clamé plusieurs fois : « UN SEUL TABLEAU SINON ILS NE LE LIRONT PAS » .

L’expert-comptable connaissait visiblement la formule. J’ai obtenu ce document et l’appel a été jugé en ma faveur. Ensuite entériné.

Cela va faire jurisprudence clamait mon avocat ! Mais combien d’années s’étaient écoulées ?

 

Alors que les tribunaux croulent sous des dossiers constitués de piles de documents qui ne seront probablement jamais lus, et qui ont une fâcheuse tendance à s’égarer, une seule feuille venait de me procurer une satisfaction inestimable. Être écoutée et entendue. 

 

 

52 réflexions sur « Une seule feuille sinon çà ne sera pas lu ! »

  1. Ca, lecture et ecriture ce sont deux domaines majeurs qui sont la base d’une réussite dans « la » vie et « sa » vie. Non pas qu’illétré est condamné, mais ce sera beaucoup beaucoup plus dur de trouver sa place dans le monde du travail.

    C’est pour ça que je félicite et remercie les associations qui se destinent à apprendre la lecture et écriture à des personnes qui désirent combler un manque d’instruction. Et j’admire également le courage de ces personnes dites « illétrées » qui se lancent dans l’apprentissage de la lecture.

    Etant petit ça me gonflait et aujourd’hui c’est crucial pour moi, surtout la lecture. Aujourd’hui je m’arrache les cheveux a chercher comment accorder les participe passés, les cod coi etc.

    Vivent les sites de grammaire! lol!

    Julien.

  2. JULIEN

    Ah…la règle des participes passés !

    Et pourtant c’est une jonglerie très accessible et tout à fait sympathique, pour autant que la méthode d’apprentissage ait été adaptée. Mais ça, c’est une autre histoire.
    J’avoue que les enfants doivent être particulièrement bien constitués pour ingurgiter l’imbuvable grammaire qui leur est servie à l’école.
    J’étais horrifiée des règles absurdes que les petits devaient mémoriser sous peine d’un zéro retentissant le lendemain en classe.
    Ce n’était absolument pas accessible à leur jeune cerveau. Vocabulaire inadapté et patos prétentieux qui masquait le vide des concepts.

    De plus ils sont nombreux à s’être farci les imbuvables auto-dictées, la manière la plus idiote qui soit d’inculquer l’orthographe aux jeunes enfants.
    J’ai eu accès à une directive de l’Education Nationale adressée aux enseignants du primaire et qui les informait que « si le mot écrit par l’enfant était phonétiquement correct, l’enseignant ne devait pas compter la faute ?!?

    Eh oui, comme je vous le dis.

    Les enfants ne comprenaient pas pourquoi le verbe « partager » par exemple, pouvait s’écrire « é », « er », « és », « ées » etc…
    Ils ont traîné avec eux au collège et au lycée, les trop nombreuses lacunes des socles communs. Et le temps perdu reste perdu.

    J’ai appelé ça le terrorisme intellectuel. Ce n’est pas la faute des enseignants qui trop souvent devaient obtempérer (sauf ceux qui n’en avaient cure), c’est celle des gourous de la rue de Grenelle !

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