Un timbre pour les JO de Londres… mais sans anneaux

C’était passé inaperçu, sauf des philatélistes, mais comme Le Parisien a rencontré l’auteur du timbre « Sports », émis par La Poste le 18 juin dernier, difficile d’ignorer ce dernier, d’une valeur faciale de 0,89 €, qui met en scène l’Elizabeth Tower (ex-Big Ben) et trois sportifs censés n’avoir rien d’olympiques…

Tu veux employer la mention « JO » et faire figurer des anneaux olympiques ? Passe à la caisse, et ce n’est pas donné. Du coup, La Poste, qui flairait le bon coup (les collectionneurs veulent augmenter leur série thématique de timbres commémoratifs des JO), a jeté l’éponge.

Jean-François Arrigoni-Neri, créateur du timbre « Sports », mettant en scène une joueuse de tennis, un coureur et un handballeur, résume : « La Poste n’a pas eu l’autorisation du Comité international olympique d’y apposer les anneaux. ».
Traduisez : elle n’a pas voulu cracher au bassinet à ce point.

 

À Londres et dans toute la Grande-Bretagne, c’est une véritable traque à ceux qui usurperaient les fameux sigles olympiques.
Un charcutier qui avait formé des anneaux avec des bangers (saucisses) s’est vu prié de les remettre en tas. La police, mais aussi une escouade d’une bonne vingtaine d’inspecteurs, sillonne l’Ulster, et de Land’s End à John O’Groats, les finisterres cornouaillais  et écossais.

Or donc, les deux millions d’exemplaires du timbre, le premier de ce créateur, finiront peut-être au bout du monde, chez des collectionneurs du ou des thèmes (Londres, les sports), mais ceux qui se consacrent exclusivement aux exemplaires célébrant les JO s’abstiendront peut-être.

Pourtant, en 2004, pour les 28es JO d’Athènes, La Poste avait bien diffusé une série de timbres frappés des cinq anneaux entrelacés. Idem pour la série Olympex 2008 de Pékin. Et même pour ceux d’hiver de Vancouver en 2010. Mais, là, Paris était encore vaguement ville candidate pour ceux de 2012… et Annecy pour ceux d’hiver.

Là, comme il n’est plus question d’une candidature française, ni pour les jeux d’été, ni pour ceux d’hiver (ou, du moins, on l’espère…), plus de réel besoin de flatter (et rémunérer) le CIO.

Au passage, on remarquera qu’en deux ans, ce timbre est passé de 0,85 € à 0,89. Et que faire d’un timbre de cette valeur ? Le tarif économique reste jusqu’à nouvel ordre à 0,55, l’intermédiaire à 0,57 et le classique « prioritaire » à 0,60 pour 20 g, et ce n’est pas 0,99, mais bien un euro tout rond pour un pli de 50 g (et 1,45 pour 100 g).

Remarquez que, pour 0,99€ (en noir et blanc) ou 1,39 (couleurs), vous pouvez commander en ligne un timbre personnalisé en communiquant le visuel de votre choix. Enfin, pas tout à fait de votre choix car, par exemple, une ville commémorant je ne sais plus quelle fête placée sous le patronage de sainte Jeanne (d’Arc) s’était vue retoquer le projet. Pas question de faire figurer une arme, même une pique ou un glaive, sur un timbre. Vous pouvez toujours tenter de placer des anneaux sur votre création, mais vous risquez fort un refus.
Évidemment, vous pourriez tenter de placer des anneaux de couleurs autres que les officielles. Mais je doute fort que le subterfuge ne soit pas décelé.

L’arnaque du timbre en ligne, c’est que, d’abord, vous l’imprimez vous-même (et l’encre peut coûter cher), que la valeur faciale est largement inférieure (0,60 € généralement), et que le timbre est frappé d’une date de péremption (là, au 12 janvier 2013). 

0,89 €, c’est un montant qui ne correspond à rien. Enfin, si, en adjoignant des timbres dits complémentaires (valeurs de 0,01 ; 0,05 ; 0,10 €), vous arriverez peut-être à quelque chose approchant une valeur nette d’affranchissement.

Chaque année, La Poste émet une foultitude de séries et de timbres (en 2012, six acteurs de cinéma, par exemple, quatre capitales européennes, quatre poissons tropicaux, six soldats de plomb, &c.), dont 20 commémoratifs, et ceux de l’annuelle fête du timbre (en octobre prochain cette année, avec une série de 12 timbres célébrant le feu). C’est quasiment impossible à financer et les valeurs s’écartent le plus souvent des tarifs (0,77 € pour la série des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle).

 

L’astuce consiste à inciter les habitants d’une ville ou d’une région à l’acquisition de timbres qu’ils emploieront de préférence aux habituels, ou de cerner des thématiques que les collectionneurs affectionnent.

À l’étranger, c’est souvent une source de financement non négligeable pour de tout petits pays prompts à vous ressortir de temps à autre un de Gaulle, un Kennedy, un Gandhi, &c., soit des personnalités internationales.
Le Vatican, et Saint-Marin (10 % du PIB en exportation de timbres, émissions à 120 000 ex. pour moins de 32 000 habitants) sont aussi des champions du genre

La principauté de Monaco s’est offerte à la fois les anneaux olympiques plus le logotype des jeux de Londres (émission du 17 juillet dernier). Valeur faciale : 1,35 €. Monaco émet d’un à trois timbres par mois.
J’imagine qu’on peut les recevoir gratuitement par la poste princière. Mais il faut souscrire en s’engageant à dépenser environ 25 € par semestre.

 

Tenez-vous bien : même le Liechtenstein a émis une série « Fédération sportive olympique du Liechtenstein 2012 à Londres », les deux timbres (tennis, natation) ayant une valeur faciale d’un ou de 1,40 CHF (franc suisse), chacun comportant les anneaux olympiques. 

Remarquez que, si cela se trouve, les postes françaises vont peut-être émettre, en fonction des médailles obtenues par les athlètes français à Londres, de nouveaux timbres. Avec ou sans contribution au Comité olympique ?  On verra… ou pas.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !