Un patriotisme discret, et surtout fait maison

Pour le jour du drapeau (Flag Day), les patriotes all-American déploieront pour près de cent millions d’USD de bannières étoilées, pratiquement toutes fabriquées en Chine. Désormais, l’UMP fait dans la surenchère avec le FN dans l’exhibition d’oriflammes tricolores, comme on avait pu le voir lors du rassemblement pour Nicolas Sarkozy au Trocadéro. Les Jeunes populaires éventraient à la chaîne des cartons de drapeaux français… Made in China ?

En prévision dès législatives, dès la fin du rassemblement de la Bastille proclamant la victoire de François Hollande, l’UMP et le FN avaient soulevé un début de polémique : des drapeaux étrangers (dont le breton) avaient été brandis sur la place.

Depuis le passage de Michèle Alliot-Marie à la Justice, l’outrage au drapeau français est passible d’une contravention de cinquième classe dont le montant a été majoré à 1 500 euros.

C’est comique : si brandir des drapeaux français fabriqués en Chine pouvait être qualifié d’outrage au drapeau national, des millions d’euros pourraient rentrer dans les caisses de l’État…

Avec l’humour qui caractérise leur identité nationale, les concepteurs d’une publicité pour Orion Optics, fabricant britannique de téléscopes, avaient réalisé un petit montage du drapeau étasunien sur la Lune : à fort agrandissement, on distinguait la mention made in China

 

La styliste de « Sans culotte sans papiers », qui avait déjà créé un maillot frappé de l’inscription « bleu blanc rouge rien ne bouge » s’en est peut-être inspirée pour en créer un autre, avec le drapeau tricolore barré de la même mention.

Je me demande bien où Gilbert de Montplaisir, ancien de la Coloniale (les troupes de marine) avait bien pu dénicher un drapeau français « un vrai, pas made in China », ce 11 novembre dernier, pour pavoiser son balcon à la mémoire des poilus et des soldats français des diverses guerres ou conflits armés.
Il l’avait acquis, paraît-il, lors de ses « séjours coloniaux », rapporte-t-il sur l’un des sites du quotidien Ouest-France.   

 

Faber France et Doublet (doyen en la matière, créé en 1832) sont les principaux fournisseurs (importateurs ?) français de drapeaux et oriflammes. On ne sait trop ce qu’ils importent, mais, de toute façon, le nylon ne connaît pas de frontières.

Sachant que, chez Doublet, un drapeau de défilé dit de prestige peut revenir à près de 1 200 euros (le plus cher étant les lettres satinées or brodées, par exemple pour la mention Liberté-égalité-fraternité), on peut comprendre que le patriotisme puisse pâtir d’un tel prix incitant à vraiment chercher moins cher, y compris hors des frontières.

Patriotisme et démocratie ont un coût, et les Britanniques s’inquiètent de celui de se passer de pairs (de la chambre haute, les Lords) héréditaires ou désignés pour ne plus en avoir que d’élus.

Les divers jubilés des souverains, autant d’occasion de pavoiser, entraînent des dépenses faramineuses.

En ces temps de crise, on peut se demander si le patriotisme ne gagnerait pas à se faire discret… ou au moins, fait maison…

En fait, sachant que plus un drapeau est uni, moins il revient cher, on en serait presque à se dire « le roi, pourquoi pas ? ».

Mais comme le drapeau blanc a pris une toute autre signification, on s’abstiendra…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

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