Tunisie : Les portes se referment et montrent l’intolérance à la dissidence

(New York, le 12 mars 2009) – Les autorités tunisiennes devraient relâcher le prisonnier politique de longue date Sadok Chorou et abandonner toute poursuite judicaire à son encontre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Il a été récemment libéré, mais a été arrêté de nouveau quelques semaines plus tard après avoir exprimé ses vues politiques dans les médias. Human Rights Watch presse les procureurs d’abandonner les poursuites contre Chorou, alors que la Cour d’appel de Tunis se prépare à réexaminer son cas le 14 mars.

« Après avoir passé presque vingt ans en prison pour des charges douteuses, Chorou se retrouve de nouveau derrière les barreaux pour avoir exprimé ses opinions politiques dans les médias » a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la division Moyen Orient et Afrique du Nord au sein de Human Rights Watch pour. « De quoi les autorités tunisiennes ont-elles peur ? »

Le 5 novembre 2008, le Président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali a ordonné la libération des 21 membres du mouvement islamiste interdit Ennahda encore détenus, dont Chorou. Il semble que tous les prisonniers libérés ne bénéficient que d’une « libération conditionnelle », ce qui signifie qu’ils peuvent être réincarcérés sans procès pour purger la fin de leur peine, et ce pour des motifs non précisés.

Des centaines de membres d’Ennahda, dont Chorou, ont été emprisonnés après avoir été condamnés pour délits d’ordre politique lors de procès inéquitables tenus au début des années 1990.

Le 3 décembre 2008, la police a de nouveau arrêté Chorou. Ce professeur de chimie de 61 ans a accordé des interviews sur ses années d’emprisonnement et sur la situation politique en Tunisie à deux médias panarabes, le site Internet IslamOnline.net le 8 novembre et la chaîne de télévision Al-Hiwar, basée à Londres, le 1er décembre. Au cours de ces interviews, il a pressé les autorités tunisiennes de mettre fin à l’interdiction qui pèse sur le mouvement Ennahda depuis 17 ans.

Lors d’un procès d’une journée à Tunis le 13 décembre, le juge a décrété que ces interviews ont violé la loi sur les associations qui interdit le « maintien d’association non reconnue » (art.30), en l’occurrence le mouvement Ennahda, et a condamné Chorou à un an de prison. Lors du procès, Chorou a tenté d’expliquer qu’il s’exprimait en tant qu’individu et non au nom de l’association.

Chorou était le président d’Ennahda lorsque les autorités s’en sont pris au mouvement au début des années 1990, arrêtant des centaines de membres et engageant devant un tribunal militaire en 1992 des poursuites qui ont mené aux condamnations de 265 d’entre eux, dont Chorou ; ils ont été reconnus coupables de complot visant à renverser le gouvernement et instaurer une république islamique. Selon les organisations de défense des droits humains qui ont assisté au procès, dont Human Rights Watch, les procédures employées ont été inéquitables et entachées d’irrégularités.

Chorou est aujourd’hui incarcéré à la prison de Nador, la cour ayant refusé les demandes de la défense de liberté provisoire. Lorsqu’il a été libéré sous condition en novembre 2008, Chorou purgeait une peine de 30 ans, sa peine de prison à vie prononcée en 1992 par la cour militaire ayant été réduite. Il vit à Mornag, près de Tunis.

Peu de temps après que Ben Ali devienne président en 1987, Ennahda a cherché à être légalement reconnu comme parti politique. Les autorités ont refusé la demande mais ont toléré le parti pour une courte période avant de se lancer dans la répression du mouvement en 1990 avant de l’interdire l’année suivante.

La direction en exil d’Ennahda a systématiquement condamné la violence et s’est engagé à n’utiliser que des moyens démocratiques et non-violents pour mettre en place un Etat islamique démocratique et tolérant. Elle dément catégoriquement le complot de coup d’Etat pour lequel ses leaders ont été condamnés en 1992. Le gouvernement affirme cependant qu’ Ennahda est un groupe extrémiste prêt à recourir à la violence pour instaurer une théocratie répressive.

Le droit organique tunisien sur les partis politiques interdit (dans son art.3) les partis dont « les principes, activités et programmes sont fondamentalement basés sur une religion ». Or une telle répression envers les associations viole les obligations de la Tunisie de garantir le droit à la libre association, en tant qu’Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ne répondant à aucun des critères d’exception prévu par le droit international.

Le gouvernement tunisien n’a jamais justifié de façon convaincante l’interdiction imposée à Ennahda, qui a publiquement renoncé à l’usage de la violence depuis au moins le début des années 1990. Les tribunaux ont emprisonné des centaines de Tunisiens depuis les années 1990 sur la seule faute d’appartenir à Ennahda, ou de « maintenir » cette association. La loi utilisée pour poursuivre Chorou prévoit que « toute personne qui participe directement ou indirectement au maintien ou à la reconstitution des associations reconnues inexistantes ou dissoutes sera punie d’un an à cinq ans de prison et d’une amende de mille à dix mille dinars, ou l’une des deux peines.»

Dans son interview avec IslamOnline.net (en arabe sur le site), Chorou avait déclaré :

« La libération conditionnelle par le président Ben Ali des prisonniers de Ennahda en novembre est une étape vers l’amélioration des relations entre Ennahda et l’Etat. Nous espérons que cela aboutira à la reconnaissance pour le mouvement du droit d’agir politiquement dans un cadre légal… Maintenant que les derniers leaders de Ennahda ont été libérés, nous espérons que le mouvement va recouvrer ses forces passées. Pour cela, nous devons surmonter les obstacles devant nous et commencer à reconstruire, en espérant pouvoir restaurer le soutien populaire dont nous bénéficions jadis… Toute initiative de réconciliation se base sur l’effectivité et la sincérité d’une telle ouverture par l’Etat… Cependant je ne pense pas que les demandes politiques du mouvement, qui peuvent se résumer à être autorisé pour pratiquer ouvertement le jeu des partis politiques dans le but de réformes et de changement, soient ouvertes à la négociation ou à l’abandon. Pendant mon temps en prison, Ennahda a décidé que le but de son travail politique serait d’atteindre une réconciliation nationale complète qui inclurait toute la population, pour restaurer l’équilibre politique et empêcher que seul un parti décide du sort du pays de manière monopolistique. »

« Sadok Chorou est derrière les barreaux à cause d’une loi injuste criminalisant l’adhésion à des associations, appliquée de manière injuste par le gouvernement tunisien pour écraser toute voix dissidente » a déclaré Sarah Leah Whitson. « Les procureurs doivent abandonner leurs poursuites à son encontre et lui rendre sa liberté. »

(New York, le 12 mars 2009) – Les autorités tunisiennes devraient relâcher le prisonnier politique de longue date Sadok Chorou et abandonner toute poursuite judicaire à son encontre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Il a été récemment libéré, mais a été arrêté de nouveau quelques semaines plus tard après avoir exprimé ses vues politiques dans les médias. Human Rights Watch presse les procureurs d’abandonner les poursuites contre Chorou, alors que la Cour d’appel de Tunis se prépare à réexaminer son cas le 14 mars.

« Après avoir passé presque vingt ans en prison pour des charges douteuses, Chorou se retrouve de nouveau derrière les barreaux pour avoir exprimé ses opinions politiques dans les médias » a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la division Moyen Orient et Afrique du Nord au sein de Human Rights Watch pour. « De quoi les autorités tunisiennes ont-elles peur ? »

Le 5 novembre 2008, le Président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali a ordonné la libération des 21 membres du mouvement islamiste interdit Ennahda encore détenus, dont Chorou. Il semble que tous les prisonniers libérés ne bénéficient que d’une « libération conditionnelle », ce qui signifie qu’ils peuvent être réincarcérés sans procès pour purger la fin de leur peine, et ce pour des motifs non précisés.

Des centaines de membres d’Ennahda, dont Chorou, ont été emprisonnés après avoir été condamnés pour délits d’ordre politique lors de procès inéquitables tenus au début des années 1990.

Le 3 décembre 2008, la police a de nouveau arrêté Chorou. Ce professeur de chimie de 61 ans a accordé des interviews sur ses années d’emprisonnement et sur la situation politique en Tunisie à deux médias panarabes, le site Internet IslamOnline.net le 8 novembre et la chaîne de télévision Al-Hiwar, basée à Londres, le 1er décembre. Au cours de ces interviews, il a pressé les autorités tunisiennes de mettre fin à l’interdiction qui pèse sur le mouvement Ennahda depuis 17 ans.

Lors d’un procès d’une journée à Tunis le 13 décembre, le juge a décrété que ces interviews ont violé la loi sur les associations qui interdit le « maintien d’association non reconnue » (art.30), en l’occurrence le mouvement Ennahda, et a condamné Chorou à un an de prison. Lors du procès, Chorou a tenté d’expliquer qu’il s’exprimait en tant qu’individu et non au nom de l’association.

Chorou était le président d’Ennahda lorsque les autorités s’en sont pris au mouvement au début des années 1990, arrêtant des centaines de membres et engageant devant un tribunal militaire en 1992 des poursuites qui ont mené aux condamnations de 265 d’entre eux, dont Chorou ; ils ont été reconnus coupables de complot visant à renverser le gouvernement et instaurer une république islamique. Selon les organisations de défense des droits humains qui ont assisté au procès, dont Human Rights Watch, les procédures employées ont été inéquitables et entachées d’irrégularités.

Chorou est aujourd’hui incarcéré à la prison de Nador, la cour ayant refusé les demandes de la défense de liberté provisoire. Lorsqu’il a été libéré sous condition en novembre 2008, Chorou purgeait une peine de 30 ans, sa peine de prison à vie prononcée en 1992 par la cour militaire ayant été réduite. Il vit à Mornag, près de Tunis.

Peu de temps après que Ben Ali devienne président en 1987, Ennahda a cherché à être légalement reconnu comme parti politique. Les autorités ont refusé la demande mais ont toléré le parti pour une courte période avant de se lancer dans la répression du mouvement en 1990 avant de l’interdire l’année suivante.

La direction en exil d’Ennahda a systématiquement condamné la violence et s’est engagé à n’utiliser que des moyens démocratiques et non-violents pour mettre en place un Etat islamique démocratique et tolérant. Elle dément catégoriquement le complot de coup d’Etat pour lequel ses leaders ont été condamnés en 1992. Le gouvernement affirme cependant qu’ Ennahda est un groupe extrémiste prêt à recourir à la violence pour instaurer une théocratie répressive.

Le droit organique tunisien sur les partis politiques interdit (dans son art.3) les partis dont « les principes, activités et programmes sont fondamentalement basés sur une religion ». Or une telle répression envers les associations viole les obligations de la Tunisie de garantir le droit à la libre association, en tant qu’Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ne répondant à aucun des critères d’exception prévu par le droit international.

Le gouvernement tunisien n’a jamais justifié de façon convaincante l’interdiction imposée à Ennahda, qui a publiquement renoncé à l’usage de la violence depuis au moins le début des années 1990. Les tribunaux ont emprisonné des centaines de Tunisiens depuis les années 1990 sur la seule faute d’appartenir à Ennahda, ou de « maintenir » cette association. La loi utilisée pour poursuivre Chorou prévoit que « toute personne qui participe directement ou indirectement au maintien ou à la reconstitution des associations reconnues inexistantes ou dissoutes sera punie d’un an à cinq ans de prison et d’une amende de mille à dix mille dinars, ou l’une des deux peines.»

Dans son interview avec IslamOnline.net (en arabe sur le site), Chorou avait déclaré :

« La libération conditionnelle par le président Ben Ali des prisonniers de Ennahda en novembre est une étape vers l’amélioration des relations entre Ennahda et l’Etat. Nous espérons que cela aboutira à la reconnaissance pour le mouvement du droit d’agir politiquement dans un cadre légal… Maintenant que les derniers leaders de Ennahda ont été libérés, nous espérons que le mouvement va recouvrer ses forces passées. Pour cela, nous devons surmonter les obstacles devant nous et commencer à reconstruire, en espérant pouvoir restaurer le soutien populaire dont nous bénéficions jadis… Toute initiative de réconciliation se base sur l’effectivité et la sincérité d’une telle ouverture par l’Etat… Cependant je ne pense pas que les demandes politiques du mouvement, qui peuvent se résumer à être autorisé pour pratiquer ouvertement le jeu des partis politiques dans le but de réformes et de changement, soient ouvertes à la négociation ou à l’abandon. Pendant mon temps en prison, Ennahda a décidé que le but de son travail politique serait d’atteindre une réconciliation nationale complète qui inclurait toute la population, pour restaurer l’équilibre politique et empêcher que seul un parti décide du sort du pays de manière monopolistique. »

« Sadok Chorou est derrière les barreaux à cause d’une loi injuste criminalisant l’adhésion à des associations, appliquée de manière injuste par le gouvernement tunisien pour écraser toute voix dissidente » a déclaré Sarah Leah Whitson. « Les procureurs doivent abandonner leurs poursuites à son encontre et lui rendre sa liberté. »

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