12Years a slave, le film de Steve McQueen

Le film de Steve McQueen tiré du récit de Solomon Northup nous raconte le calvaire vécu par cet individu (Chiwetel Ejiofor) au cours de ses quelques années de vie d’esclave. Après avoir vécu  à New-York en homme libre, bénéficié de ces droits inhérents à la souveraineté de l’individu, il connaîtra les pires affres de l’esclavage : suite à un kidnapping subtilement élaboré, il se retrouvera entre les mains d’esclavagistes purs et durs. 

De but en blanc, le processus de déshumanisation est lancé à son encontre. Adieu le statut d’homme et le voilà, une fois délesté de son identité, mis en vente avec ses frères d’infortune sur les marchés de La Louisane. La dimension économique tournant comme toujours à plein régime, ils seront trimballés de marché en marché et feront l’objet de négociations plus ou moins juteuses indexées sur leurs aptitudes physiques.  

L’avilissement  des « nègres » apparaît comme une constante immuable dans toutes les situations de leur vie quotidienne : il y’a cette cour désaffectée où nus, tous ces esclaves font une toilette sommaire ; assemblés parfois comme des bêtes de foire dans un coin du salon, forcés de chanter , histoire d’amuser la galerie ; que dire de « ces privilégiées » victimes de violences sexuelles si récurrentes, etc, etc. 

Considérés  comme d’indignes objets inanimés, la moindre des insoumissions aux négriers est corrigée via des méthodes les plus abjectes comme le lynchage, les coups de fouets ; pratiques phares de l’époque, elles sont légion car gage de succès : des corps lacérés, ensanglantés, au terme de maltraitances sordides suffisaient à anéantir toute forme de rébellion, aussi embryonnaire soit-elle. 

Le principe de base selon lequel le nègre ne possèderait pas les qualités requises pouvant lui donner l’accès au statut d’humain ne supporte aucun démenti, d’où l’importance de sa préservation  pour le maintien du système : Solomon pour sa survie avait tout intérêt de dissimuler chacun de ses attributs, comme celui de l’écriture par exemple, lequel pouvait lui conférer un statut supérieur à celui de primate qui devait être le sien ! Son combat de résistant pour reconquérir sa dignité d’être humain, sera des plus périlleux. 

Les séquences dont regorge le film ayant trait au traitement dégradant infligé aux esclaves vient démontrer de manière implacable la déshumanisation absolue de tous ces propriétaires de champs de cannes, de coton. etc.  

Steve McQueen, lui-même lointain descendant d’esclave a retranscrit avec éloquence ce récit en alliant constamment les  extrêmes que sont l’infinie splendeur de la nature et l’affreuse mocheté humaine, la débauche et l‘innocence, le pouvoir et le dénuement, l‘élégance et la misère. Sans doute une façon de nous aider à supporter l’insoutenable et aussi pour rendre plus cinglante l’acuité du propos. Une kyrielle de récompenses est prévue à la prochaine cérémonie des Oscars pour ce film qui revient en force sur cet immonde crime contre l’humanité que fut l’esclavage. 

 (Si le thème vous intéresse, il est aussi pas mal traité au théâtre de la Huchette à Paris par David Valère:« Des hommes debout « , d’après Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire). 

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