Un petit boulot

Réalisateur : Pascal Chaumeil

Date de sortie : 31 aout 2016

Pays : France

Genre : Comédie, thriller

Durée : 97 minutes

Budget : NC

Casting : Romain Duris (Jacques), Michel Blanc (Gardot), Alice Belaïdi (Anita), Lex Lutz (Brecht), Gustave Kervern (Tom)

Jacques est un ancien ouvrier, licencié, comme tout le reste de cette petite ville sans nom mais que l’on pourrait facilement localiser dans le Nord de la France. Aujourd’hui, il travaille dans une station service mais les temps sont durs et les dettes persistent. Les huissiers se sont déjà bien servis chez lui, laissant une décoration «zen» et épurée. Arrive alors une opportunité moralement douteuse mais financièrement intéressante : Gardot, le caïd local, organisateur de paris truqués et de poker illégal, lui propose 20.000 € s’il supprime sa femme vite fait bien fait. Une strip teaseuse ratée qui le rend cocu. Cette adaptation du roman de Iain Levison à la sauce francophone est une agréable surprise rondement bien menée. 

Un petit boulot peut être vu comme une fable sociale teintée d’humour noir. Les personnages sont de parfaits anti-héros, des bras cassés que l’on pourrait retrouver chez les frères Coen, embarqués dans des histoires qui les dépassent, occasionnant alors des scènes d’une grande absurdité. On se demande si eux-même savent ce qu’ils font, leurs actions ouvrent des boîtes de Pandore aux conséquences incontrôlées. C’est justement cela qui rend le film intéressant, on a constamment envie de connaître la suite, dans quel nouveau pétrin vont-ils se fourrer ? Le film est drôle, ceux qui apprécient ce type d’humour pourraient avoir de bonnes esclaffades. La visite de Jacques au poste de police n’est pas seulement un gag burlesque mais possède une dimension kafkaïenne. Il est là sans savoir pourquoi, il ne sait pas qui voir, ne sait pas quoi dire, les policiers le font aller d’une pièce à l’autre pour finalement le faire partir. Gardot aussi est un comique, malgré lui. Il veut instaurer une forme de respect et de méfiance vis à vis de son statut de « parrain » des campagnes, mais son physique et son manque de poigne en font un nigaud manipulable mais reconnaissant envers ses alliés. Les dialogues sont percutants, les phrases font mouche et sont intelligemment employées pour dénouer des situations houleuses. De plus la voix off de Romain Duris apporte des réflexions bien senties sur les différentes situations.

Parfois on a l’impression d’être proche d’un film de Bertrand Blier avec ses petits gangsters, ses anti-héros, pas très fins et malhabiles qui, malgré les apparences, sont attachants. Chose rendue possible grâce à des acteurs convaincants. Le duo Michel Blanc – Romain Duris fonctionne bien, les deux acteurs sont justes dans leur rôle. La nonchalance de Jacques colle parfaitement à Romain Duris déjà habitué à ce genre de personnage. Cependant, niveau sex appeal, on repassera, ici il n’est clairement pas au mieux avec sa barbe, ses cheveux longs et ses habits qu’il revêt comme les couches d’un oignon. Autour d’eux gravitent des personnages secondaires drôles, pathétiques ou séduisants. A l’instar de la jeune Anita, dont le doute persistera jusqu’à la fin sur sa véritable identité. 

Il y a du Ken Loach dans ce Petit Boulot notamment sur sa dimension sociale. Le film pouvant être vu comme une fresque sur la misère des zones sinistrées par les actes du capitalisme triomphant. Jacques et ses amis ne roulent pas sur l’or et cela se voit. Ce sont des victimes des plans sociaux économiques qui ravagent l’industrie. Nous sommes clairement dans un milieu populaire avec des petites maisons en briques rouges aux façades défraîchies, le bistrot de Pierrot, la petite fierté d’avoir un «salon-salle à manger», l’angoisse de la fin du mois et des vêtements à la propreté discutable effilés en couches pour avoir chaud. S’ils en sont là c’est à cause de «mecs dans des tours qui en virent d’autres pour faire augmenter leurs actions», des hommes qu’incarnent à la perfection Alex Lutz. Un agent zélé en costard tiré à 4 épingles, une mallette en cuir, des chiffres dans la tête, aucun humanisme dans son raisonnement, son break Volvo et un goût prononcé pour de la musique commerciale. 

Cette violence sociale sans retenue est partout. Elle fait écho à la violence physique décomplexée que l’on retrouve dans le film. On tue facilement, de façon burlesque, l’acte ne fait plus peur, la seule chose qui gêne c’est le bruit de détonation du pistolet qui fait mal aux oreilles. Le crime est banalisé et on peut voir une entraide des «pauvres» contre les «riches», une solidarité qui transcende la morale, on couvre les méfaits de ses amis, même les criminels notoires sont appréciés. L’image du tueur à gage est humanisé, il n’est plus un assassin sans foi ni loi, juste un gars qui a besoin d’argent pour subvenir à ses besoins. La fin ouverte nous donne une leçon sur le bonheur qui peut se résumer à avoir un travail plaisant, un femme aimante et des amis avec qui passer du bon temps. Le dernier film de Pascal Chaumeil, dont la carrière a été brisée brutalement par un cancer en 2015, est divertissant, intéressant, aidé d’un scénario à rebondissement et livré par des acteurs performants.