Prison, réinsertion, récidive, et lutte contre la récidive,

les gros problèmes de l’incarcération en France,

 

 

Nos prisons sont pleines, elles débordent même, et l’on ne voit pas comment arrêter cette croissance, puisque la réinsertion n’est pas efficace d’où récidive, et à nouveau prison. Une logique implacable qui fait éclater la bulle pénitentiaire. Voici l’état carcéral, au premier janvier 2013,

 

«66.572 dont 724 mineurs étaient emprisonnés, soit 2,8 % de plus qu’en janvier 2012. Les prisons offrent 56 992 places, 639 détenus dorment sur des matelas. 76 798 étaient placées sous écrou, c’est-à-dire sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire sans être détenus. Le record absolu de 78.262, fut atteint au 1er juillet 2012. 25 % des détenus étaient des prévenus, c’est-à-dire dans l’attente d’un jugement définitif. 20 % des condamnés font l’objet d’un aménagement de peine, semi-liberté, placement, bracelet».

 

Depuis dix années la politique pénale de la droite fut explosive en lourdes peines, il fallait montrer la volonté de combattre la délinquance afin de dissuader les délinquants potentiels de commettre des délits. De nombreuses lois ont accru la sévérité de la politique pénale et rempli les prisons. La récidive continua d’augmenter entre 2002 et 2010, et le risque de récidive fut nettement plus élevé pour les anciens détenus, 80 %, n’ayant obtenu ni suivi ni aménagement de peine. En outre, la prison coûte beaucoup plus cher à la collectivité que les peines alternatives, semi-liberté, bracelet électronique….

 

On aurait pu penser que cette politique aurait dissuadé, mais malheureusement ce fut le contraire puisque, pour de multiples raisons, misères, vols, drogues, viols, attaques à main armée, crimes, même celle d’avoir un toit et à manger, la prison est toute indiquée, et cinq ans de prison, c’est presque mieux que la rue. Bref, la politique de sévérité n’a pas répondu comme il avait été souhaité.

 

Cette surpopulation carcérale dont on ne cesse de clamer qu’elle pousse à la catastrophe vu l’état de certaines prisons pose la question, peut-on continuer à emprisonner autant, et construire des prisons alors que l’on manque de financement, sans y apporter d’autres solutions alternatives permettant un contrôle rigoureux dans le cas de forfaits mineurs plutôt que d’emprisonner à tout va d’autant que l’emprisonnement tant à augmenter la délinquance, puisque qu’après libération des condamnés, les récidives sont importantes par suite des conséquences sociales, la prison n’engage pas pour trouver du travail dans le contexte actuel.

 

En 2010, 6% des personnes condamnées pour crimes, viols, homicides, vol à main armée, étaient en récidive légale. La récidive légale est la réitération d’une infraction proche ou équivalente d’une infraction précédemment et définitivement condamnée. C’est une circonstance aggravante qui permet de prononcer une peine plus lourde, jusqu’au doublement de la peine.

 

Pour les délits, le taux est à 11 %. Il varie en fonction du type de délit, 17 % en 2010 pour vol et recel, 16 % pour conduite en état alcoolique, autour de 10 % pour violences volontaires et infraction à la législation sur les stupéfiants, 5 % pour les délits sexuels. Le taux de délits commis en réitération, a augmenté de 26,4 à 28,3 % en quatre ans. Une étude publiée en 2011 par l’administration pénitentiaire, indiqua que «les risques de recondamnation des libérés n’ayant bénéficié d’aucun aménagement de peine demeurent 1,6 fois plus élevés que ceux ayant bénéficié d’une libération conditionnelle», référence la Croix.

 

En 2012 le contrôleur général des prisons Jean-Marie Delarue demanda une loi d’amnistie spécifique, parue le 13 juillet 2012 au journal officiel pour des condamnés à des peines très légères. Nicolas Sarkozy dans un élan de dur à cuire, voulant montrer ses muscles, avait supprimé la tradition de l’amnistie en 2007. Qu’importe, la droite applaudissait, seulement elle n’a pas résolut, ne faisant que reporter le problème pour après. Quant à la gauche assommée après la défaite de Ségolène Royal, elle était aphone. Et bien, le après c’est maintenant, on ne sait plus ou mettre les délinquants ! Il est donc entre les mains de la garde des Sceaux Christine Taubira qui veut s’attaquer à la récidive.

 

Le 13 février s’est ouverte à la Maison de la chimie à Paris une conférence de consensus réunissant une trentaine d’experts pendant deux jours, le thème était la lutte contre la récidive. Près d’un millier de personnes furent inscrites pendant deux jours pour suivre les débats présidés par par une magistrate belge, Françoise Tulkens, ancienne juge à la Cour européenne des droits de l’homme. Pour qu’une politique soit appliquée, il faut qu’il y ait consensus de tous les acteurs dit-elle, d’où cette conférence de consensus. Christine Taubira devrait en tirer les pistes d’une grande loi pénale.

 

La première présidente Nicole Maestracci de la cour d’appel de Rouen, ancienne juge des enfants, ancienne juge d’application des peines et présidente de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie, MILDT, de 1998 à 2002, qui vient d’être nommée au Conseil constitutionnel par François Hollande, détaille après cinq mois de travaux sur la récidive réunissant magistrats, chercheurs, conseillers de probation, surveillants, élus, associations etc…ce que devrait proposer la conférence de consensus.

 

Nicole Maestracci, première présidente de la cour d’appel de Rouen, le 18 janvier 2007 à Paris, Photo emilie lescale. AFP, document l’écho républicain.fr.

 

On sait, avec certitude, que les peines exécutées en milieu ouvert favorisent moins la récidive que celles en prison. On sait également que la justice pénale est devenue illisible dit-elle, bien qu’elle prétende apporter une réponse aux délits. Elle dresse, en fait un constat que l’on connait, les prisons sont surchargées, et les peines en milieu ouvert ne cessent d’augmenter, quand aux juges, et les services pénitentiaires, ils vivent cet état comme une fatalité.

 

Nous aurions en France, mais aussi à l’étranger des informations scientifiques qui, mises à disposition du législateur, lui permettrait d’en tenir compte avant de voter de nouvelles lois. Pour Nicole Maestracci, les lois récentes sont fondées sur la supposition que plus les peines sont sévères, plus la récidive est limitée.

 

Il est évident, sans avoir d’expérience, que si la prison au lieu d’être un univers d’affrontement dans des conditions de vie déplorables et anarchiques, l’entassement des prisonniers sans discernement de gravité de délit, par manque de place, ne peut que conduire à l’aggravation de la peine, et dans ce cas le risque de rechute est plus élevé. Il est aussi évident que si l’exécution de la peine s’effectue dans un accompagnement encadré et humain, la rancœur du prisonnier libéré sera moindre, d’autant plus si, pendant son séjour il a compris qu’il fallait qu’il paye sa faute à la société, et s’il ressort de prison avec une adaptation à la vie du dehors, la récidive sera moindre. Nicole Maestracci cite que les médias s’attachent à informer de la récidive des criminels, alors que ceux-ci sont ceux qui récidivent le moins.

 

Dans le cas de délits de moins d’un an, 81% des personnes écrouées ne bénéficieraient pas suffisamment de temps pour mettre en place un programme favorisant la réinsertion. Ces courtes peines seraient considérées comme inefficaces contre la récidive à la quasi-unanimité des experts entendus. En Allemagne, les juges éviteraient de prononcer des courtes peines. Peut être faut-il «contraventionner» beaucoup plus afin d’éviter des sanctions corporelles ? Mais, il ne faut pas se faire d’illusion, le problème n’a pas de solution satisfaisante, elle serait déjà appliquée.

 

Pour Nicole Maestracci, la justice est trop sollicitée, elle ne peut répondre à tout, il est donc suggéré de dépénaliser.

 

Il est certain que vouloir tout sanctionner, cela implique des policiers, des juges et magistrats, mais aussi beaucoup d’argent, et si en définitive le résultat est plus grave que celui d’une dépénalisation des coutres peines, le bilan sera négatif. Mais, est-ce que les Français accepteraient que les petits délits ne soient pas punis ? Et puis, c’est la porte ouverte à tous les abus dès lors que la justice serait plus laxiste. Ce serait donner une prime à ces petits malfrats pour qu’ils recommencent, impossible à accepter. Il ne faut pas seulement voir le problème que sous l’angle de la prison, et de la récidive, mais aussi sur celui de l’opinion publique qui demande de la sécurité d’autant plus que les Français soufrent de l’insécurité.

 

La présidente Françoise Tulkens a remis le 20 février le rapport au premier ministre, «si le gouvernement mettait en œuvre la moitié de ses recommandations, la face de la justice pénale en serait changée. Le jury propose d’engager la justice dans la voie d’un changement réel, sérieux, solide, pour assumer sa responsabilité dans un monde nouveau».

 

Le rapport préconise des peines de probation en supprimant les peines automatiques qui remplissent les prisons. Il faut surtout créer une peine de probation qui soit «indépendante et sans lien ni référence avec l’emprisonnement, pour permettre, la réinsertion de la personne condamnée et la protection de la société, ainsi que celle des victimes». Pour la dépénalisation, il est préconisé l’évitement de la prison de certains délits mais ne donne pas de proposition. Il suggère de «contraventionaliser» certains contentieux de masse, comme les délits routiers qui constituent un peu moins de la moitié des affaires correctionnelles.

 

Sur la récidive, l’emprisonnement est le lot commun des récidivistes, avec des sanctions automatiques et peu de possibilités d’aménagement de peine, constate le rapport.

 

Il ne s’agit pas de mettre dehors les tueurs en série, «le taux de récidive et particulièrement élevé en matière de délits routiers et d’atteintes aux biens, alors que celui concernant les crimes les plus graves est faible». Il ne faut donc pas concevoir une politique publique en fonction des cas les plus extrêmes qui sont rares.

 

La privation de liberté «reste pour beaucoup une peine nécessaire, indique le rapport, mais les conditions de détention aggravent au contraire le risque de récidive». Le jury estime qu’il ne faut pas augmenter le parc pénitentiaire mais l’améliorer, ouvrir la prison à l’extérieur et accorder des droits aux détenus.

 

Une vraie bombe dans le contexte actuel ou deux policiers furent tués et un grièvement blessé dans leur voiture par un récidiviste sans permis et avec un taux d’alcool de plus de 1,5 grammes par litre de sang et pourchassé par la police. Un rapport de bonnes intentions mais pour rien.

 

Ce qu’il faut c’est construire des lieux d’emprisonnements qui ne soient pas des pousses aux crimes.

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