Dépénalisation du cannabis : pourquoi remettre çà sur la table maintenant ?

Hier matin, Cécile Duflot, Ministre de l’Egalité des territoires et du Logement et toujours Chef du parti des Verts, a déclaré sur RMC « qu’elle est favorable à la dépénalisation du cannabis », rappelant aussi que « c’était une mesure défendue depuis très longtemps par EELV et que ce n’est pas la position du gouvernement ». Nous n’allons pas nous interroger ici sur le fond de cette question mais plutôt sur ce qui a pu pousser cette Ministre et responsable politique à évoquer cette question à 5 jours du Premier tour des législatives. Est-ce une erreur de jeunesse ? Est-ce une manière d’attirer la lumière sur les Verts ? N’a-t-elle pas fait exprès, comme on dit, croyant qu’un Ministre peut continuer à s’exprimer sur des idées différentes de son gouvernement ?

 

 

Peut-être a-t-elle fait une erreur de jeunesse, comme pensent certains à droite et à gauche, comme Claude Bartolone, député et président PS du conseil général de Seine-Saint-Denis, l’a dit le premier sur les ondes. Il est vrai que Cécile Duflot n’a pas d’expérience gouvernementale et qu’elle croyait pouvoir s’exprimer librement en prenant le soin d’affirmer ses positions sur certaines questions de société et en précisant que ce n’était pas la position du gouvernement auquel elle appartient. Autrement dit, elle pensait peut-être, qu’à gauche, on pouvait s’exprimer plus librement  que ne pouvaient le faire des ministres sous un gouvernement de droite ! Mais c’est une erreur parce qu’au gouvernement, quelle que soit la couleur, il faut prendre en considération la dimension « communication » et celle de « la stratégie vis-à-vis de l’opposition ». Donc, oui un Ministre ne peut que parler au nom du gouvernement auquel il appartient. Difficile donc de se dédoubler et de dire, tout en étant Ministre, j’exprime une position différente en tant que militante politique. Les vieux renards de la politique savent aussi qu’en période électorale, on évite d’évoquer des questions trop polémiques et qui pourraient agir sur l’électorat. Ce que font très bien certains de ses collègues actuellement au gouvernement et qui ont sans doute plus d’expérience. Oui, même dans un gouvernement de gauche, on applique un programme adopté en commun et on met en sourdine ses différences, sinon, on ne participe pas au gouvernement, ce que menace de faire un certain Mélenchon, pour éviter justement d’avoir à afficher ses désaccords. Cela arrive un peu tôt dans ce gouvernement, mais sans doute qu’on lui rappellera ce qu’avait dit Chevènement – et qui a été repris souvent par des politiques des deux bords –  « un ministre çà ferme sa gueule ou sa démissionne ». Dur peut-être, mais c’est la grandeur d’un ministre d’avoir un sens élevé de sa fonction et bien sûr « d’avaler quelques couleuvres » dans l’intérêt du pouvoir auquel il participe ! Si c’est une erreur de jeunesse, ce simple rappel avec une analyse des conséquences devrait suffire pour que Cécile poursuive sa tâche dans le gouvernement, une fois les clameurs de la droite éteintes !

 

Peut-être que Cécile Duflot voulait attirer la lumière sur les verts. Il est vrai que noyée dans la masse du gouvernement socialiste et vu le résultat obtenu à l’élection présidentielle par Eva Joly, plus d’un se demandait si les verts existaient encore et s’ils pouvaient peser, ne serait-ce qu’un peu sur le gouvernement socialiste ! Son ami Daniel Cohn-Bendit  est  venu à son secours dur Europe 1, en affirmant « qu’il est «normal» que la ministre réponde cette question de manière personnelle ». En quelques sortes, il reconnaît qu’elle a le droit, » tout en étant au gouvernement » d’évoquer des positions propres aux Verts. Ce faisant, il légitime la possibilité pour eux, tout en étant au gouvernement, de pousser leurs propres idées… de temps en temps et d’exister ainsi dans la majorité présidentielle. La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, tout en rappelant ce mercredi que François Hollande était opposé à une dépénalisation du cannabis, a gentiment précisé, comme s’il fallait préserver une des deux Ministres qui appartiennent à la famille des verst, que « ces propos de Mme Duflot ont été tenus en qualité de chef d’un parti (Europe Ecologie-Les Verts) et  que Mme Duflot, ministre du Logement, n’occupe pas de fonction au gouvernement liée à ce sujet ». Comme s’il fallait souligner que de ce fait « cela n’avait pas de répercussion sur le gouvernement » et que cela permettait aux verts de s’exprimer sur une idée qui leur est propre et qui n’a rien à voir avec le gouvernement actuel ! Donc, un peu de lumière sur les verts, et rien de plus !

Le Premier Ministre a « dégagé » rapidement cette question, en répondant à un journaliste : « le gouvernement n’a rien dit sur ce sujet ». Donc, un coup de lumière, sur les verts, mais aucun effet sur le gouvernement ou presque (on verra que la droite s’acharne !) Cécile Duflot a bien dit, qu’elle parlait au nom de son parti et qu’il ne devait pas y avoir de problème avec le gouvernement. «Je sais que ce n’est pas la position du gouvernement, mais là, je suis la secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts et je dis quelle est notre position», a-t-elle dit sur RMC.

 

Mais a-t-elle fait exprès ? A-t-elle jeté un pavé dans la mare ? On pourrait le croire quand on voit comment la droite blessée grièvement réagit ! Si elle a fait exprès, alors elle ne pouvait pas ignorer qu’un polémique allait suivre et que la droite effarouchée allait quasiment se rebeller contre les verts et la gauche qui gouverne avec le risque de se refaire des couleurs pour les législatives ! Mais je n’arrive pas à croire à cette hypothèse, dont les conséquences seraient assez graves ! Elle n’aurait pas imaginé que la droite allait saisir l’occasion pour attaquer la gauche au moment où elle sent que les élections sont difficiles pour elle ?

Il n’est pas évident qu’elle ait calculé aussi un bénéfice possible pour les verts car c’est l’inverse qui risque de se produire !

Alors, si elle n’a pas fait exprès, c’est qu’elle s’est fait piéger par la question d’un journaliste. Alors, pourquoi n’a-t-elle pas « botté en touche », come le font de nombreux renards de la politique en répondant quelque chose comme « j’ai une opinion là dessus, mais je ne vous en parlerai pas aujourd’hui »…

Alors oui, si elle n’a pas fait exprès, c’est sans doute de « l’inexpérience », elle va devoir apprendre à communiquer en qualité de ministre d’un gouvernement ! Le Figaro serait presque de l’avis « qu’elle a fait exprès », il titre un article « Cannabis Cécile Dufflot prend le gouvernement à contre-pied » !

Ce qui est sûr, c’est qu’à quelques jours des législatives, elle a réussi avec cette déclaration à déchaîner la droite !

 

Sans traiter le sujet de la dépénalisation du Cannabis évoqué par Cécile Duflot, je reprends ci-après quelques citations des réactions qu’elle a déclenché à droite contre elle et le gouvernement de gauche :

"Si la gauche l’emporte (aux législatives), il y aura légalisation du cannabis. J’en suis persuadé"

(Xavier Bertrand)

"C’est vraiment un désastre moral, cette idée de légaliser le cannabis, les drogues douces comme si elles étaient douces, comme s’il n’y avait pas de rapport entre drogues douces et drogues dures !"…"Mais comment va-t-on élever nos enfants, si on continue de cette façon ?"

(Henri Guaino dur LCI)

«Ces annonces sur la dépénalisation du cannabis, quand on sait les ravages sur la santé des jeunes en termes neurologiques, psychologiques ! Qu’on puisse laisser ouvrir ce débat sans qu’elle soit vraiment démentie alors qu’une journée vient de passer, c’est irresponsable.»

(François Copé)

"En dépénalisant le cannabis, on met en danger la santé notamment de nos jeunes. Mme Duflot n’ignore sans doute pas que de nombreuses études scientifiques ont montré que cette drogue cause des troubles du comportement chez les consommateurs et a souvent des conséquences irréversibles sur le cerveau"…"Le flottement à gauche sur ce sujet a assez duré"…"à quelques jours du premier tour des législatives, les Français ont le droit à la vérité". 

Rachida Dati.

 

Même si une partie de ses propos me semble juste, j’espère que l’erreur faite par Cécile  Duflot n’aura pas de conséquences sur le vote des  électeurs aux législatives, car je crois qu’ils sauront faire la part de ce qui relève de cette erreur et ce qui  constitue le programme réel du gouvernement actuel, j’en fais, pour l’heure, le pari !