Peut-on tout demander et attendre de l’État,

dans une démocratie ?

 

 

Louis XIV aurait clamé le 13 avril 1655 devant le parlement réuni en audience solennelle «l’État c’est moi !». Il était tout jeune, 17 ans. Après la fronde des princes en 1653 menée par le prince de Condé et ses troupes contre le retour du cardinal Mazarin, Louis XIV fut proclamé officiellement roi en 1654 le 7 juin à Reims. Le jeune roi qui revenait de chasser dans le bois de Vincennes déclara, dans la salle ou étaient rassemblés ces messieurs des Enquêtes, sur les fraudes financières du surintendant Nicolas Fouquet organisées par Colbert après la mort du cardinal Mazarin,

 

 

«chacun sait, combien ces assemblées ont excité de troubles dans mon État et combien de dangereux effets elles y ont produits. J’ai appris que vous prétendiez encore les continuer sous prétexte de délibérer sur les édits qui naguère ont été lus et publiés en ma présence».

«Je suis venu ici tout exprès pour en défendre, en montrant du doigt les Messieurs des enquêtes, la continuation, ainsi que je fais absolument, et à vous, monsieur le premier président, (Ponponne de Bellièvre), en le montrant aussi du doigt, de les souffrir ni de les accorder, quelques instances qu’en puissent faire les enquêtes».

 

C’est dans cette déclaration que le mot «État» aurait donné naissance à la fameuse locution «l’État c’est moi» qui aurait été singulièrement travestie par les historiens. Mais il faut reconnaître que pour Louis XIV l’État c’était lui.

 

En démocratie contrairement aux régimes dictatoriaux et royaux, s’établit un régime politique qui est fondé sur une souveraineté exprimée par le peuple, et qui met en œuvre des lois pour qu’elles régissent le droit entre les citoyens dans le respect du bien commun et des libertés dès lors qu’elles respectent la libre pensée, la propriété, et l’intégrité physique de chaque individu.

 

Le peuple forme un ensemble d’êtres différents légalement égaux à l’intérieur de ce qu’on appelle une nation délimitée par ses frontières terrestres. Chaque individu dans cette frontière porte une part de souveraineté qui lui permet de s’exprimer politiquement pour élire ses représentants aux niveaux de l’État qui ont été constitués.

 

Cela lui qui se permet l’expression, «l’État c’est le peuple», dont l’application dépend des situations.

 

Dans l’application des lois qui ont été établies pour la gouvernance des citoyens qui compose l’État, ces lois autorisent le peuple à s’exprimer lors des votes pour la désignation des représentants aux deux chambres parlementaires Assemblée et Sénat, mais aussi au suffrage universel à choisir le président de la république qui devient son représentant suprême. Le président et les ministres qu’il désigne forment le pouvoir exécutif chargé d’appliquer les lois du pouvoir législatif des deux assemblées. L’état ainsi constitué a la charge des fonctions régaliennes qui sont,

 

  • la défense du territoire,
  • la sécurité intérieure,
  • la justice,
  • la souveraineté économique.

On voit déjà que le quatrième point n’est déjà plus respecté, une part de cette souveraineté est transférée à l’Europe, et l’État n’est donc plus ce qu’il fut.

 

La question est l’État peut-il aller au delà de ses prérogatives régaliennes en supplantant la liberté et la propriété individuelle qui font parties du droit des citoyens, dès lors qu’elles ne sont pas un obstacle à son exercice ? Non, l’État se compose de lois constitutionnelles et civiles, puisqu’il est formé de deux composantes de la justice, la justice pénale et la justice civile. Toutes deux garantissent le fonctionnement de la société civile de tous les citoyens. L’État est donc un ordre juridique mais cet ordre n’est pas un État.

 

Il se compose de ce que les membres de cette communauté ont construits au cours des siècles, c’est la richesse culturelle et patronymique de la nation que l’État gouvernement institutionnalisé doit gérer sans en être propriétaire. Cette richesse est l’héritage des Français et de ce fait elle est privée. L’État gouvernement doit donner les moyens pour que ses concitoyens puisse la conserver, voire l’enrichir. Son rôle est donc de favoriser de la richesse à la société Française qu’il gère, au pire la maintenir, mais pas l’appauvrir.

 

S’il l’appauvrit, les citoyens sont en droit de le sanctionner ou de lui demander d’intervenir dans le cas de conflits particuliers entre les concitoyens dès lors qu’ils portent un préjudice à la nation dont il à la charge.

 

Mais peut-il intervenir s’il s’agit de biens privés dont il n’a pas la propriété, non ! C’est donc là, la limite de son pouvoir dès lors que le régime appliqué est libéral. À moins que le régime soit une dictature. Or, dans le cas d’un conflit comme celui de Peugeot par exemple «le peuple» demande à l’État d’intervenir dans la gestion même de l’entreprise ce qui est contraire à l’idéologie qu’il a lui-même construite.

 

 

La locution «peut-on tout demander et attendre de l’État», implique qu’elle permette que se réalise le bien commun et les biens particuliers, ce qui est contradictoire dans la mesure ou les biens particuliers se feraient au détriment des biens communs. La difficulté pour un État gouvernement est de faire les deux lorsqu’une entreprise privée décide que pour le bien commun elle doit sacrifier des biens particuliers, c’est à dire licencier des salariés.

 

La société a construit une idéologie qu’elle refuse d’appliquer lorsqu’elle se trouve en difficultés.

 

Dans l’opinion, l’État aurait tous les pouvoirs puisqu’il est une émanation des citoyens, il peut donc agir pour cause d’utilité publique. C’est ce qu’il fait dans le cas de Peugeot en aidant cette société mais, il ne peut s’opposer à la propriété privée qui est un droit garanti par la nation. Nous vivons donc dans un malentendu permanent puisque «des citoyens» voudraient qu’ils s’opposent aux licenciements. Rappelez-vous la faute honnête de Jospin lorsqu’il déclara «il ne faut pas tout attendre de l’État» à propos des 7.500 licenciements de Michelin ajoutant, «je ne crois pas qu’on puisse administrer désormais l’économie. Ce n’est pas par la loi, les textes, qu’on régule l’économie». Il avouait deux choses à une majorité plurielle de gauche que l’économie était libérale et qu’il ne pouvait rien y faire.

 

Ce fut la locution qui le conduisit à sa perte. On voit là le paradoxe de la gauche, elle sait que le régime est libéral mais elle ne veut pas l’entendre, elle se ment à elle-même.

 

Certes Jospin s’y est mal pris, il lui fallait non pas mentir, mais clamer qu’il va tout essayer, c’est d’ailleurs ce que fait ce gouvernement en agissant à la fois sur les responsables de Peugeot, mais aussi sur la politique industrielle de l’entreprise en favorisant par des aides une autre politique commerciale. À la décharge de Jospin, il faut considérer qu’il y avait cohabitation, avait-il les mains libres ? Normalement oui, la gestion intérieure de l’État lui appartenait.

 

À la question peut-on tout attendre de l’État, oui dans le cadre de ses prérogatives, non lorsqu’il s’agit d’intervenir sur la propriété privée dès lors qu’elle ne met pas un cause la sécurité de la nation.