Le Dunkerquois encore et toujours aux prises avec les pollutions industrielles

La région de Dunkerque compte parmi les plus grandes concentrations en France d’usines classées Seveso, soit des sites présentant un risque industriel pour les populations alentours. Au-delà du risque d’accidents industriels, et autres événements graves mais globalement peu fréquents, les populations restent exposées au quotidien à des pollutions insidieuses et dangereuses, posant des graves questions sanitaires. Les normes, réglementations et parfois même les amendes n’y font rien : dans des régions en difficultés, la sauvegarde de l’emploi semble passer avant les considérations de santé publique.

La région de Dunkerque compte parmi les plus grandes concentrations en France d’usines classées Seveso, soit des sites présentant un risque industriel pour les populations alentours. Au-delà du risque d’accidents industriels, et autres événements graves mais globalement peu fréquents, les populations restent exposées au quotidien à des pollutions insidieuses et dangereuses, posant des graves questions sanitaires. Les normes, réglementations et parfois même les amendes n’y font rien : dans des régions en difficultés, la sauvegarde de l’emploi semble passer avant les considérations de santé publique.

La dernière pollution en date rendue publique a constitué un choc pour les habitants du pays de Dunkerque : l’usine Aliphos de Dunkerque aurait récemment été condamnée par la préfecture pour plus de 2000 tonnes de résidus de production entreposés à l’air libre, sans précaution ni prise en charge par une filière de retraitement spécialisée, à rebours des engagements pris par l’entreprise. Si une telle négligence peut choquer, c’est bien parce que l’usine filiale du belge Ecophos est l’une des dernières arrivées sur site. Sur le papier au moins, le projet devait être un modèle industriel en termes de gestion des produits polluants et autres résidus de l’activité industrielle. Outre plusieurs centaines d’emplois créés, l’usine devait être une étape symbolique de la conversion du bassin industriel du Dunkerquois vers des productions plus « vertueuses » sur un plan environnemental. L’arrêté préfectoral faisant état de cette condamnation de l’usine Aliphos ne mâche pourtant pas ses mots, et parle « d’urgence » et de « dommages graves pour l’environnement ». Alors que la société s’est installée à grand renfort de publicités sur l’ancien site d’une raffinerie Total, force est de constater que le compte n’y est pas aujourd’hui, et que ce sont une fois encore les habitants du Dunkerquois qui payent la note finale.

Le pays de Dunkerque n’a pourtant pas besoin de pollution supplémentaire tant la région connait déjà une situation de quasi-crise permanente sur le plan environnemental. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) ne dit pas autre chose lorsqu’il admet devoir « revoir en profondeur notre organisation urbaine et industrielle », pour « adapter l’industrie d’aujourd’hui aux enjeux environnementaux, énergétiques et climatiques actuels ». La formulation est prudente mais inutile de lire entre les lignes pour comprendre que l’industrie, présente en masse autour de Dunkerque, pose de nombreux problèmes non résolus, sur fond de lutte contre le chômage.

En effet, depuis des décennies, dans une région en difficultés économiques, la défense ou la création d’emplois a servi de justification à l’installation d’usines parmi les plus polluantes de France. « Avec treize usines, le Dunkerquois a la plus forte concentration de sites Seveso [sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs] en France », expliquait déjà en 2012 René Carton, adjoint à l’environnement à Saint-Pol-sur-Mer : acier (ArcelorMittal), aluminium (GFG Alliance), laitier Moulu (Ecocem), ciments (LafargeHolcim)… Le pays de Dunkerque attire depuis toujours l’industrie lourde, notamment en raison de la proximité d’un port de grandes dimensions. Mais en dépit de tentatives de reconversion vers des production plus modernes et moins polluantes, comme avec le biopharmaceutique d’AstraZeneca, les vieux démons industriels s’accrochent au pays : de nouvelles usines s’installent, plus respectueuses de l’environnement, pour certaines. Mais ce n’est pas pour autant que les anciennes ferment.

Mise en cause l’été dernier lors d’un épisode de pollution aux poussières de combustion et particules fines, l’usine sidérurgique ArcelorMittal de Dunkerque est ainsi la plus grande d’Europe, avec une production de plus de 7 millions de tonnes d’acier par an. Elle emploie directement et indirectement des milliers de personnes sur le bassin d’emploi du Dunkerquois. Avec une telle importance pour la vie économique de la région, bien peu d’élus osent monter au créneau pour dénoncer la réalité des pratiques derrière les pollutions : accident, négligence, non-conformité des installations ? Les causes réelles des pollutions ne sont bien souvent pas investiguées, de peur de faire fuir ou de simplement indisposer les grands pourvoyeurs d’emplois.

Le résultat est pourtant connu depuis des années : un fin voile de suies noir recouvre tout continuellement à des kilomètres à la ronde, contaminant les exploitations agricoles et les cultures maraichères. Tout le pays dunkerquois vit dans cette ambiance délétère depuis des décennies maintenant. Les usines passent mais les pollutions restent, sans que les pouvoirs publics puissent y faire grand-chose manifestement, tant les intérêts industriels semblent prévaloir sur la santé et la qualité de vie. Qu’il s’agisse de la nouvelle usine Aliphos ou des plus anciennes, comme les sites de Total ou d’ArcelorMittal, on peut s’interroger sur l’avenir d’industries qui ne font manifestement pas grand cas des réglementations environnementales