Le frère d’un chef Indien tué par les Aigles noirs

 

Cela fait des années que la violence frappe d'abord les plus faibles, en Colombie comme ailleurs. Dans ce pays andin, les premières victimes des narcotrafiquants, des paramilitaires et des guérillas d'obédience marxiste sont les populations autochtones.

Il faut savoir qu'en Colombie la Constitution reconnaît aux populations indiennes le droit d'occuper certaines régions ancestrales qui jouissent d'un certain statut d'autonomie, et permet aux Indiens d'élire un représentant qui siège au Parlement colombien.

Hélas, ces "resguardos", les territoires indigènes autonomes, sont la cible de tous les mouvements illégaux. De celui des narcotrafiquants qui veulent chasser les Indiens pour occuper leurs terres et y cultiver des plants de coca, ou des guérillas qui veulent ces territoires souvent pour la même raison que les narcotrafiquants, mais aussi parfois pour des questions plus stratégiques.

aguilasindios.jpgC'est ainsi que la majorité des déplacés en Colombie sont des Indiens, et les territoires indigènes autonomes se transforment en territoire fantôme où les maisons vides se dessèchent au soleil et où les bancs des écoles, dont les portes restent ouvertes à tous les vents, ne sont plus occupés que par une épaisse couche de poussière.

Pour changer le cours des choses, des accords de défense ont été signés entre le gouvernement colombien et les dirigeants de ces territoires autonomes. Mais ces accords, hélas, restent trop souvent lettre morte.

Et puis, ce dimanche, Nicolás Valencia Lemus, le frère d'un important chef Indien, a été arrêté à 400 km de Bogotá alors qu'il se déplaçait en voiture avec sa famille.

Des hommes armés l'ont forcé à descendre de son véhicule et l'ont abattu sous les yeux horrifiés de sa femme et de son fils. Avant de s'enfuir, les assassins ont écrit "Aguilas Negras" (Aigles noirs) sur les vitres de la voiture. Les Aguilas Negras sont un groupe paramilitaire qui opère dans cette région de la Colombie, dont l'objectif officiel est de lutter contre la guérilla marxiste, mais dont les buts réels sont l'extorsion, le grand banditisme et le trafic de drogue.

Depuis dimanche, environ 2000 membres des communautés indigènes bloquent la panaméricaine, principale voie de communication de toute la région, et des étudiants de ces mêmes communautés occupent l'université locale pour exiger du gouvernement qu'il respecte les accords signés et pour rappeler que ce conflit, qui n'est pas le leur, a déjà tué près d'un millier de leurs membres.

Les autorités ont bien tenté de se justifier en expliquant que l'armée ne pouvait être présente partout, mais les Indiens se sentant abandonnés, le dialogue a vite tourné au dialogue de sourds et les esprits se sont échauffés, ce qui a obligé les forces de police à intervenir à plusieurs reprises, entraînant fatalement de nouvelles violences.

On a beau retourner le problème dans tous les sens, il faut avant toute chose en finir avec ces groupes armés qui prétendent défendre les populations civiles, mais qui n'hésitent pas à utiliser leurs armes contre des Indiens désarmés. C'est d'ailleurs l'avis de la majorité de la population et c'est pour cela que la politique d'intransigeance contre les groupes illégaux prônée par l'actuel gouvernement connaît un tel succès.