Pays Bas : un frein à la communauté musulmane.

Le gouvernement néerlandais a décidé d’interdire, dès 2009, le port de la burqa et du niqab dans les écoles primaires, secondaires et les universités. L’interdiction concerne les élèves et les étudiants. Mais pas seulement : sont visés aussi les professeurs, les personnels administratifs, les personnels d’entretien, les parents et tout individu susceptible d’entrer dans un établissement de ce type pour une raison quelconque (livraison, etc.) !

Loin d’être purement anecdotique, cette loi accélère la remise en question du modèle social multiculturel néerlandais : chaque communauté, à travers ses institutions propres, avait une certaine autonomie dans l’affirmation de sa culture et sa transmission à travers l’école.

 

Longtemps, les Pays Bas ont été un modèle de tolérance à l’égard des étrangers. Dans les années 80, quand arrivent les vagues d’immigration non européennes, le pays commence à remettre en question son modèle multiculturaliste (la pilarisation). Hérité (1) de la période de séparation de l’Eglise et de l’Etat (moitié du XIX° siècle), les Pays Bas reconnaissent l’égalité des diverses communautés confessionnelles. L’Etat promeut la division de la communauté néerlandaise en piliers (d’où le terme de pilarisation) qui correspondent aux différents groupes basés sur une appartenance religieuse ou philosophique. On dénombre, jusqu’aux années 80, quatre grands piliers : protestant, catholique, social-démocrate et libéral, pilier considéré comme neutre. Cette neutralité résulte d’un constat : les libéraux combattent ce cloisonnement communautaire au nom de l’individu, notion niée par l’importance accordé à l’identité de la communauté d’origine et à sa reconnaissance. Mais, ne pouvant réformer le système, les libéraux ont crée, par défaut,  ce quatrième pilier, dit neutre.

En dépit d’un recul de ce cloisonnement, rendu évident par une révision de la constitution, cette conception multiculturaliste va s’imposer dans la structuration d’une communauté musulmane. Le refus du racisme et la promotion de l’égalité des cultures, ancrées dans les mœurs néerlandaises, vont unifier des groupes pourtant hétéroclites. Le ciment de cette unité : l’islam. Comme toutes les autres, la communauté musulmane dispose de ses propres écoles et universités, de même que des services sociaux, des médias, ou des syndicats. Les écoles ont une certaine liberté dans leur adaptation de l’enseignement: la conception de la création, par exemple, dépend de la politique de la direction de l’établissement, donc de la communauté d’appartenance.

Ce modèle d’intégration ne va pas résister : dès le début des années 90 émerge une délinquance liée à l’immigration marocaine. Les médias et la classe politique refusent de voir les difficultés de ce modèle cloisonné.

Puis des chocs symboliques : les meurtres de Pim Fortuyn (6 mai 2002) et de Théo Van Gogh (1er novembre 2004), deux personnalités engagées contre ce qu’elles concevaient comme une islamisation de leur pays. La fuite d’Ayaan Hirsi Ali (fuite qui a montré, au passage, l’étrange conception de l’asile que se faisait la classe politique néerlandaise !)…le film « Fitna » de Geert Wilders…et enfin la déclaration, l’été dernier, d’Ella Vogelaar, ministre du « logement, des quartiers et de l’intégration » (parti travailliste) : après avoir déclaré qu’elle considérait le port du voile intégral comme concevable (février 2007), elle estimait qu’à terme, les Pays Bas deviendraient un Etat doté d’une tradition s’inspirant  du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam. La communauté musulmane représentant, pour beaucoup, le cinquième pilier. La querelle avec son groupe parlementaire à propos de la création d’un fichier concernant les néerlandais d’origine antillaise a fini par provoquer son départ du gouvernement le 13 novembre dernier.

 

Le vote de cette loi marque-t-il la fin du modèle multiculturaliste ? Malgré la faible proportion de femmes musulmanes concernées par le port du voile (on parle d’une centaine), le parlement pourrait étendre cette interdiction non seulement aux fonctionnaires mais aussi aux personnels de santé. D’aucun disent que les lieux publics pourraient se voir aussi « exemptés »…

 

 

 

1. Abraham Kuyper, calviniste et leader du parti anti révolutionnaire, est un des pères du multiculturalisme néerlandais. Il aspire à ce que tout néerlandais puisse exister au sein de sa communauté d’origine, de son pilier.