Le dernier sommet du G20, reflet d’une cacophonie

A ce sommet des ministres des finances du G20, les pays émergents et les Etats-Unis ont dit en substance qu’ils ne soutiendraient l’Europe, dans ses difficultés financières actuelles, que si celle-ci se dote d’un important "Mécanisme Européen de Stabilité" (qui doit remplacer l’actuel "Fonds Européen de Stabilité") en lui allouant au minimum 750 milliards d’euros (Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, a même parlé de 1000 à 1500 milllards d’euros) pour soutenir les pays membres de l’Euro dont les dettes souveraines sont attaquées par la spéculation mondiale.

A quoi l’Allemagne a répliqué (je le dis ici avec des mots non circonvenus) que ce pays, premier contributeur net envers l’Europe aussi bien qu’envers la Grèce, ne veut plus être la vache à lait dans cette affaire; ce que confirme un sondage effectué auprès de la population allemande, dont 62% se déclarent hostiles au deuxième plan de sauvetage en faveur de la Grèce (qui prévoit une rallonge de 130 milliards d’euros de la part des Etats européens, et un effacement volontaire de la dette de 107 miliards d’euros de la part des créanciers privés).

 

Bref, derrière les beaux discours, chaque pays attend que l’autre fasse le premier pas, ce qui l’arrange, par les temps qui courent, puisque la situation actuelle des pays du monde, y compris d’ailleurs au sein des pays émergents, n’est pas si mirobolante que cela.

Certes, ceux-ci affichent des taux de croissance inconnus dans les pays développés, mais il ne faut pas trop rêver à la lecture des chiffres statistiques, puisque tout dépend ici du niveau de base sur lequel ces taux sont calculés. Ainsi, si un pays fait 50 % de croissance en partant d’un PIB de base évalué à 100, il crée dix fois moins d’emploi qu’un pays qui fait 5% de croissance sur un PIB de base évalué à 1000.

 

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Le principal problème, aujourd’hui, c’est le manque de croissance affiché par ces deux principaux pôles économiques du monde que sont les Etats-Unis et l’Europe. Car si les pays émergents (Chine, Inde  ou Brésil) affichent à l’heure actuelle des taux de croissance de leur PIB satisfaisants, ils ne sont pas si forts,  sur le plan économique, qu’ils puissent tirer toute l’économie mondiale derrière eux – un jour, dans le futur, peut-être, mais pas aujourd’hui.

D’autant que la croissance d’un pays comme la Chine repose, de nos jours, pour une grande part sur ses exportations vers des pays qui sont incapables de payer les produits qu’ils achètent à la Chine (puisque, sur le plan international, on ne paie des produits qu’avec des produits);  avec ce résultat que la Chine est aujourd’hui le premier créancier des Etats-Unis, une créance qu’elle détient principalement sous la forme de bons du Trésor américains (même si la Chine a vendu une partie de ces bons ces derniers temps).

 

ET si cette même Chine affiche aujourd’hui son soutien à l’Europe, c’est pour la même raison : à savoir qu’elle possède une balance commerciale excédentaire vis-à-vis de ce continent.

Mais le fait est que la Chine, pas plus que les autres pays émergents, ne peut se substituer aux Etats-Unis et à l’Europe dans le rôle de moteur de l’économie mondiale. Or ce rôle-là est grippé, par les temps qui courent, par les faibles taux de croissance que connaissent ces pays, qui les empêchent de dégager les ressources nécessaires non seulement à la croissance future, mais au soutien des pays en difficultés.

 

En résumé, plus la croissance économique des différents pays est faible, voire négative, et les budgets de leurs Etats en situation déficitaire, plus chacun va défendre son pré carré au détriment de celui du voisin. Et si, comme en Allemagne, le peuple dit non, à 60%, aux aides de l’Europe en faveur de la Grèce, cela prouve que ce pays se compose, pour l’essentiel, d’une classe moyenne qui paie des impôts dont une partie servira à soulager le fardeau de la Grèce ; et donc, a fortiori, une population grecque qui n’a pas marqué des points, ces dix dernières années – à commencer par les classes aisées -, au moment de s’acquitter de l’impôt.

 

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Une autre facteur explique la réticence des Allemands à s’engager aujourd’hui sur la voie d’une politique keynésienne afin de soutenir l’Europe. Ce facteur, c’est leur propre passé, puisque les Allemands se souviendront toujours de l’inflation de 1923, elle qui devint galopante quand les autorités monétaires firent tourner la planche à billets. Et parce qu’elle détruisit l’épargne (et nomment celle des petites gens), elle poussera toujours, par la suite, les dirigeants allemands à se montrer très prudents avec les mesures fondées sur l’injection de monnaie nouvelle, dans la circulation, afin de financer les travaux publics que réclament le rémarrage de l’économie.

Au lieu de cela, les responsables actuels, en Allemagne, considèrent que la crise doit permettre aux économies nationales de se restructurer, puisqu’elles génèrent, en pareille circonstance, du surendettement par accumulation des déficits budégtaires.

En d’autres termes, ceux-ci considèrent qu’un pays se gère comme une entreprise privée, laquelle réduit ses coûts en période de crise; cette Allemagne qui, en exportant une partie de sa production, pense pouvoir ainsi regagner des parts de marché et amortir la crise de cette façon.

Le problème est que si tous les pays dégraissent en même temps afin de réduire les coûts de production de leurs entreprises,  la demande mondiale va diminuer d’autant, et le chômage (qui est ici un chômage conjoncturel) augmenter.

 

Quant aux Etats-Unis, depuis l’arrivée d’Obama à la présidence, ils appliquent bel et bien, sans mot dire, une politique de type keynésien. Et ils peuvent le faire car le commerce extérieur importe moins à ce pays, relativement au commerce intérieur, que par exemple, celui de l’Allemagne ou du Japon.

Ils s’en sortent donc mieux que les Européens, aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de relancer la croissance et l’emploi.

Et ce sont eux également qui, en compagnie de la Chine et des autres pays émergents, tirent en ce moment le monde hors de la récession dans laquelle il est englué depuis le krach boursier de l’année 2008.