Le bijoutier de Nice et sa légitime défense ?

Il avait 19 ans. Loin d’être vierge, son casier judiciaire était déjà assez fourni. De l’infraction routière au braquage à main armée en passant par petits et gros larcins, le quidam était bien connu des services de police. Des travers qui lui avaient valu, haut la main, de multiples condamnations du tribunal pour mineures et du tribunal correctionnel. 

Multirécidiviste, il avait étrangement pignon sur rue. Empêtré ainsi jusqu’au cou dans la fange, le délinquant moderne en l’occurrence n’avait pas le profil bas, comme tous ses coreligionnaires d’ailleurs ; inconscient, il s‘apprêtait même à devenir père ! Au dire de ses proches, c’est justement au motif de vouloir assumer ce rôle de géniteur que vide de principes, il s’était hasardé à une nouvelle chasse au pactole. 

Le choix de sa cible à la mesure de ses ambitions s’était porté sur un laborieux bijoutier. Malheureusement ce choix lui fut fatal. Il faut dire que les réformes pénales quelque peu controversées venues tout droit de la Place Beauvau y sont pour quelque chose. Responsable en partie de la psychose ambiante, la peine de probation est venue renforcer chez les Français ce sentiment déjà exacerbé d’impunité dont bénéficient les délinquants. 

La confiance en la politique de la Garde des Sceaux battant de l‘aile, l‘idée de faire justice soi-même en est devenue presque inéluctable, auprès de certains de ses détracteurs. En témoigne cet hallucinant tsunami de like venu conforter le bijoutier dans son geste dit de légitime défense, à l‘encontre de son cambrioleur. 

Sans vouloir verser dans la culture de l‘excuse, il y a là matière à s’interroger devant une telle adhésion à un geste aussi condamnable que l‘agression elle-même ! Un sacré rétropédalage vers des temps anciens où seule régnait la loi du Talion ; une porte grande ouverte à toutes les dérives qui font florès dans certains pays embourbés dans l’obscurantisme et où brille l’inertie de l’Etat ; visionner le lynchage en 2010 d’un meurtrier sur la place publique par les habitants déchaînés de Ketermaya au Liban a de fortes chances de refroidir à jamais les partisans de cette méthode digeste en théorie mais surtout pas en pratique !

A la fin de l’interview accordée à Claire Chazal, François Hollande s’est exprimé sur ce fait divers qui a suscité une vaste polémique donnant son aval à la démarche Taubira. Après avoir fait montre d’un brin de compréhension par rapport à la réaction du bijoutier niçois, il a insisté sur le caractère inaliénable du droit pénal, lequel est seul à même de sous tendre les décisions de justice. 

Une belle leçon que profère le président mais qu’il n’hésite pas, à l’instar de certains de ses homologues, à bafouer allègrement dès lors que certains intérêts sont en jeu : avant de rencontrer les récents déboires ayant trait au conflit syrien, le chef de l’Etat était prêt lui-même à faire l’impasse sur les procédures légales, soit le passage par une résolution de l’ONU, afin de mener à bien sa guerre contre Bachar el Assad. Conduire une opération de cette envergure sur les seuls critères peu fiables : libérer une population des griffes de son dictateur de président ! 

Un peu comme ce malheureux qui s’arme de très bonnes intentions pour se donner les forces d’aller dépouiller  du fruit de son labeur un besogneux bijoutier. Tiraillés entre des parents démissionnaires et une société truffée de mauvais exemples à la Cahuzac, venant de surcroît du sommet de la pyramide, ces personnes en perdition, sans repères ni valeurs peuvent aisément basculer dans la débauche. Sans qu’aucune main de fer recouverte d’un gant de velours ne vienne jamais les retenir. 

S’ils méritent de sévères corrections, elles ne doivent sous aucun prétexte être dictées par l’émotion, laquelle est bien mauvaise conseillère, me semble-t-il. Ces corrections gagneraient sans doute en crédibilité en s’écartant de la méthode  appliquée par le bijoutier impulsif qui était sous l’emprise légitime de l’exaspération. 

Si de telles phobies peuvent expliquer des réactions incontrôlées, elles demeurent toutefois  très insuffisantes pour valider un acte de légitime défense. Sinon à ce rythme le monde finirait par s’embraser ! A la mesure du soutien apporté au commerçant pour son geste ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner, m’est avis qu’on devrait s’élever contre ce dévoiement grandissant du "concept de la légitime défense"…