Liban : Michel Aoun président ?

Branché sur le mode, « j y suis j y reste », un président est difficilement délogeable surtout du côté de Baabda : en plus de se la couler plutôt douce sous l’ombrelle des accords de Taëf, l’heureux élu a tout loisir de rafler au passage de juteux profits. A chacune de ces élections si convoitées, c’est un interminable bras de fer, révélateur de cette pathologie qui gangrène ce pays pris en étau pour le moins entre des intérêts régionaux divergents.

Mais voilà que devrait prendre fin la vacance présidentielle : le boycott des séances parlementaires destinées à élire un successeur à Michel Sleiman, le président autophile, n’est plus à l’ordre du jour ! La quarante septième réunion devrait aboutir à la consécration du chef du parti au pedigree ronflant, « le Bloc du changement et de la réforme ».

Arborant un nouveau look tendance où la barbe est venue remplacer la barbichette, Saad Hariri est l’auteur en personne du dénouement du noeud gordien ! Désormais un peu moins fier qu’Artaban, il a décidé de tendre la main à Michel Aoun, son ennemi juré d’hier, allié du Hezbollah et de Damas. Même Walid Joumblatt, le chef du bloc du Rassemblement démocratique s’est mis de la partie à tresser des lauriers au général. Non parce qu’un poste de Premier-ministre ou autre vaut bien une une volte face mais pour « protéger le Liban, l’Etat, le peuple » font savoir ces sauveteurs de dernière minute. Tant mieux pour le Liban comateux et les récalcitrants de la trempe de Nabih Berry ou des Kataëb n’y feront rien…

Avec tous ces soutiens qui lui tombent dessus, celui qui se prend carrément pour le De Gaulle local, cumule les chances de voir se concrétiser son vieux rêve. S’il ne faut pas crier victoire avant demain 31 octobre, le caméléon Michel Aoun, à l’aube de son « octogénéritude », est tout prêt de ce but sur lequel il lorgne depuis de longues décennies. Comme quoi la plasticité idéologique tant décriée, ça peut payer à force de persévérance pour certains !

Résultat un tandem improbable à la tête de la république, Aoun- Hariri, lequel s’annonce houleux d’autant que nombreux parmi les partisans du Courant du Futur sont vent debout contre le retournement de veste de leur leader dénonçant un suicide politique et une forme de soumission à l’axe irano-syrien. Après tout quand on prend les mêmes et que l’on recommence, il ne faut pas s’attendre à grand chose surtout quand les tensions sont montées de plusieurs crans avec la crise syrienne.

Au mieux le pays aura droit à la formation d’un gouvernement où les camps rivaux oublieront pour une seule fois leurs différends pour oeuvrer en faveur du Bien commun. Au pire les combats de coqs reprendront de plus belle sur fonds de blocages de longue durée avant un accouchement au forceps du gouvernement. Et dire que le Liban sous tutelles devrait prochainement fêter son 73e anniversaire de l’Indépendance…