La France peine à rompre avec ses chaînes du passé

Tant de chemins parcourus, de routes empruntées, de sentiers traversés, de layons foulés aux bruissements des bois secs piétinés, d’itinéraires incertains, et toujours, à l’horizon, ces mêmes regards dédaigneux, outrecuidants, méprisants ; des regards avides de haine lancés par de mêmes revanchards reclus d’une histoire révolue, celle d’une Algérie qui fut houspillée par quelques poignées de maudits voleurs de mémoire, culbutée par de vils colons dans les rebuts des injustices, ceux-là mêmes qui refusent de demander pardon à tout un peuple les ayant combattus, dans l’espoir de lendemains moins cruels, moins venins, jusqu’à 1962 ; des sourires hypocrites et narquois dirigés sournoisement, parce que j’étais typé, la peau hâlée, différent, parce que la maison, celle de mon père, bâtie de pierres et de terre, là où la saga de mon enfance est restée suspendue au temps pour l’éternité, avait fait de moi un homme enraciné, un vif combattant de la liberté

La France a du mal à se sortir d’un passé récent. Toutes les grandes puissances colonialistes ont, avant elle, sombré dans le déclin après qu’elles eurent perdu leurs colonies. Après avoir été des empires, ces pays sont tous redevenus des puissances d’un niveau bien inférieur à ce qu’ils furent.

Tant de chemins parcourus, de routes empruntées, de sentiers traversés, de layons foulés aux bruissements des bois secs piétinés, d’itinéraires incertains, et toujours, à l’horizon, ces mêmes regards dédaigneux, outrecuidants, méprisants ; des regards avides de haine lancés par de mêmes revanchards reclus d’une histoire révolue, celle d’une Algérie qui fut houspillée par quelques poignées de maudits voleurs de mémoire, culbutée par de vils colons dans les rebuts des injustices, ceux-là mêmes qui refusent de demander pardon à tout un peuple les ayant combattus, dans l’espoir de lendemains moins cruels, moins venins, jusqu’à 1962 ; des sourires hypocrites et narquois dirigés sournoisement, parce que j’étais typé, la peau hâlée, différent, parce que la maison, celle de mon père, bâtie de pierres et de terre, là où la saga de mon enfance est restée suspendue au temps pour l’éternité, avait fait de moi un homme enraciné, un vif combattant de la liberté ; au-delà de tous mes rêves, au-delà des limites de mes espérances, là où les frontières de l’imaginaire supplantent la réalité, et au-delà de mes idées auxquelles je me suis agrippé avec toute la force de mes convictions, je n’ai distingué, connu et rencontré que jets de pierres, intolérance, irrévérence et opiniâtreté de la part d’ennemis ignorés. L’œil de l’indifférence, la haine de l’antagonique, le cœur serti de Mal, ont fini par prendre le dessus sur la fraternité, l’égalité des chances, le partage, la solidarité, l’amitié entre les hommes. Pourtant, quand j’entends les paroles de l’hymne national de la Marseillaise, je me dis que cette Nation française est constituée d’un peuple courageux et révolutionnaire, ayant versé beaucoup de sang, sacrifié tant de vies humaines, au nom de la liberté. Une liberté accaparée par les puissants lobbies ; des lobbies qui ont fait de la France leur seconde terre promise.

Déjà Jérusalem pleure, déjà Jérusalem murmure aux sons des cloches, du Schofar, à la voix du muezzin, agonise et gémit ses souffrances d’appartenir à des renégats, des scélérats —anathématisés au pied des montagnes du Golan, en Syrie — qui, du haut des ruines de Massada, embrassent près de six mille ans d’histoire tissés de trahisons, de mensonges, de mystifications. Même la mer y est morte ; morte de honte, de déshonneur ! L’histoire se répéterait-elle ? Emmurés à perpétuité, ces femmes, ces hommes, ces enfants d’Israël, subsistent dans une vive paranoïa, accusant le monde entier d’avoir juré leur perte. Un terrible destin que ces enfants d’Abraham se prêtent, telle une destinée commune, fatale. Le délire de persécution ; l’antisémitisme porté à un paroxysme inouï. Aujourd’hui, je m’interroge ; aujourd’hui, je doute. Ces sentiments qui embarrassent mon esprit et assaillent mon âme sont légitimes, vous ne pourrez m’en délivrer, m’en défaire, ne serait-ce que l’instant d’un soupir, le moment d’un répit ; ils sont légitimes, car après l’ostracisme, la proscription, dus à mes origines, mes racines, j’entrevois un homme, arborant les mythes d’un roi, ordonner autour de lui que soit désormais flétrie ma religion. Cet homme est marqué du sceau de l’impudence ; le Zeus des valets de la République, le Minotaure ressuscité par des Français qui, comme Thésée, sauront lui appliquer la sentence finale ; sans fil d’Ariane, saurons-nous retrouver nos chemins et sauver ce qui peut encore l’être dans les infinis dédales abandonnés ? Mais ces fourbes, la mine chafouine, n’ont jamais triomphé, opposés aux véridiques. Telle est une des lois naturelles qui régissent l’équilibre de la Nature. C’est toujours entre l’ongle et la peau du doigt que se loge la crasse, l’immondice.

Autre article : le spectre de la ségrégation raciale (USA)

Touhami Moualek