le rapport confidentiel de la troïka à propos de la situation en Grèce

A propos de la situation de la Grèce, le rapport confidentiel de la troïka dit ceci, en sa première page (a)

Note a : le texte anglais original apparait ici en francais, dans le cadre d’une traduction par mes soins qui, au lieu d’être stricte, se réfère à la susbtance du texte, lui-même étant parfois complété par des mots qui n’apparaissent pas dans la version anglaise, et qui figurent ci-dessous entre crochets).

Titre du rapport : Etude préliminaire concernant la soutenabilité de la dette grecque (15 février 2012)

Depuis la 5ème édition du présent rapport,  un certain nombre de nouveaux développements ont nécessité la présente mise à jour. [Ainsi] les résultats de l’année 2011 furent plus mauvais que prévu, à propos de la croissance et des déficits publics. Les perspectives macro-économiques se sont sensiblement détériorées, en raison des événements survenus en Europe. Les perspectives dans le domaine fiscal  se sont détériorées à cause de la conjoncture économique et en raison des retards dans l’application des réformes fiscales et structurelles. Le programme d’ajustement a [donc] été reconsidéré en mettant l’accent sur des actions [plus] offensives destinées à améliorer la compétitivité [de l’économie grecque]; ce qui donnera un autre aspect au rétablissement [de l’économie grecque sur le long terme] et aura des repercussions sur les finances publiques [de l’Etat grec]. La présente étude doit également tenir compte des négociations en cours entre les créanciers privés [de la Grèce] et les autorités grecques.


Si l’on applique le scénario qui était prévu au départ, la dette publique est censée se réduire jusqu’à représenter environ 129% du PIB [grec] d’ici à l’an 2020, ce qui est très au-dessus de l’objectif de 120 % affiché en octobre par les chefs d’Etats européens. Les résultats [de l’étude] mettent en exergue la nécessité d’un effort supplémentaire, de la part des créanciers publics ou privés [de la Grèce], en terme d’abattement de leur créances, pour parvenir à l’objectif de 120% fixé pour l’an 2020. Ces résultats seront réévalués en cas de nouvelles informations à propos des actions visant à réduire la dette détenue par les créanciers privés.

Il y a des risques notables. Etant donné le haut degré d’incertitude qui existe sur la dette souveraine grecque, les perspectives que la Grèce puisse retourner vers le marché des capitaux, au terme du programme d’ajustement, sont incertaines et exigent une analyse plus poussée.

Une aide supplémentaire, sous une forme appropriée, des créanciers publics, pourrait s’avérer nécessaire. Au reste, il existe [aujourd’hui] une collision d’intérêt entre les objectifs associés au programme de réduction de la dette, et l’amélioration de la compétitivité [de l’économie grecque], étant donné que la déflation interne requise pour permettre à l’économie grecque de retrouver sa compétitivité [sur les marchés extérieurs] conduira forcément à une hausse, à moyen terme, du taux d’endettement de la Grèce une fois celui-ci rapporté au PIB. Dans ce contexte, un scénario tout particulièrement préoccupant consiste dans l’approfondissement de la récession provoquée par la dévaluation interne (en raison du retard accumulé dans l’application des réformes structurelles et ainsi qu’à propos de la politique fiscale et de privatisation des entreprises du secteur public).  Ceci aura pour conséquence de mettre l’endettement de la Grèce sur une trajectoire bien plus élevée que prévu, puisque le taux de cet endettement, une fois rapporté au PIB, devrait être de 160% à l’horizon de l’année 2020.

Etant donné les risques, le programme de réajustement est [donc] sujet à des accidents de parcours, ce qui laisse ouverte la question de sa soutenabilité.

 

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On notera, après avoir lu ce texte, que quand les auteurs du rapport déclarent que la dévaluation interne (par quoi il faut comprendre une baisse des salaires et des revenus de la population grecque, toutes classes sociales confondues) se traduira par plus de récession, en raison d’une absence de réformes qui, au lieu d’être conjoncturelles, sont structurelles, ce point-là s’explique par le fait que l’économie grecque, du fait d’une absence de réformes structurelles, ne peut pas exporter plus; que donc le déficit de sa balance commerciale avec les autres pays du monde, au lieu de diminer, va continuer à augmenter. A contrario, si la Grèce s’était déjà réformée structurellement, elle pourrait exporter plus, et créer, subséquemment, plus de croissance et d’emploi.

Quant au marché intérieur, dans la mesure où quantité d’entreprises grecques ne travaillent pas aux conditions de productivité exigées par les standards internationaux, elles doivent forcément, pour se mettre à niveau avec leurs consoeurs, réduire leur coûts salariaux, d’où la déflation susmentionnée.

Mais là est le problème, qui n’est d’ailleurs pas mentionné par le rapport qu’on vient de lire : cette déflation-là, bien qu’elle mette les entreprises grecques sur le même pied que leurs homologues de l’étranger, se traduira par plus de chômage et part un recul du PIB, et ce au motif que le marché intérieur représente une part très importante, en Grèce, du PIB; et qu’une baisse des salaires, au sein des entreprises qui produisent pour le marché intérieur, s’accompagne forcément d’une baisse concomitante de la demande pour les produits issus de ces entreprises (étant entendu que ces produits sont achetés avec les revenus de la population, et donc aussi,  par voie de conséquence, avec les salaires versés à cette population, lesquels sont pour l’heure en constante diminution).

Or, en Grèce, actuellement, tout le problème est là.

Quant aux investisseurs internationaux, ils ne sont guère optimistes quant à l’avenir à moyen et à long terme de la Grèce, chose confirmée par la note abaissée, le mercredi 22 février, par Fitch, l’agence de notation, qui considère, en donnant un C à une dette grecque qui avait un CCC jusque là, que l’accord passé récemment par les créanciers privés et publics de la Grèce avec les autorités grecques, constitue une reconnaissance de  facto de "la situation de détresse" que connaît aujourd’hui la Grèce sur le plan financier.

Et les choses ne vont certainement pas s’arranger sur le plan politique, en raison des mouvements sociaux et d’une probable crise due à la dislocation de la coalition au pouvoir sous la pression des partis extrémistes, eux-mêmes gagnant, lors des prochaines élections en avril prochain,  les voix de tous les mécontents.

 

Mais encore une fois, ceux qui croient que la Grèce sera en meilleure posture en quittant l’euro et en suivant sa propre voie, devront rapidement déchanter si d’aventure un pareil scénario devenait réalité. A ce compte-là, c’est sûr, les Grecs ont plus à y perdre que le contraire, et notamment parce qu’elle doit importer les matières premières et les produits énergétiques et en hydrocarbures (mis à part ceux tirés du bassin égéen, dans la région de l’île de Thasos, par l’entreprise grecque Hellenic Petroleum), qui, une fois évalués en drachmes, atteindront des prix de fou.

Quant aux capitaux étrangers (européens  et autres – songeons, par exemple, à l’entreprise allemande Deutche Telekom, qui possède une participation  importante dans Hellenic Telecommunication Organization (OTE SA), premier fournisseur du pays en télécommunications -, ou à l’entreprise russe Gazprom, ou encore à Thales Electronic Système,  société issue de l’entreprise française Thomson et spécialisée dans la production et l’installation des appareils de télécommunication affectés à la sécurité et à la défense du territoire) en quittant le pays, ou en y réduisant leurs activités, ou en refusant d’y venir, ils vont réduire d’autant les investissements nécessaires à la croissance et au maintien des emplois.